Cette deuxième contribution sur la question palestinienne fait suite à celle qui a été publiée dans les colonnes d’El Watan du 27 novembre dernier ( Lire : https://elwatan-dz.com/palestine-lheure-du-compte-a-rebours-de-la-decolonisation-doit-sonner ). Nous tenions ainsi par cette nouvelle analyse à apporter des éléments d’appréciation complémentaires pour mieux éclairer le lecteur sur nos positions dans une question extraordinairement complexe.
La question palestinienne vit un tournant politique crucial depuis les événements de ces dernières semaines. La riposte israélienne par la férocité de ses bombardements, la destruction massive des infrastructures sociales de Ghaza et les milliers de morts parmi les civils dont de très nombreux enfants, ont soulevé une vive émotion au sein de l’opinion publique internationale et sérieusement terni l’image d’Israël dans le monde.
Le blocus puis le siège imposés à la population par l’armée israélienne retentissent de façon dévastatrice sur le quotidien des Ghazaouis. Les privations de nourriture, d’eau potable, de carburant, l’absence de soins médicaux et le risque d’épidémie mettent la vie en danger de dizaines de milliers de personnes dont les victimes les plus exposées sont les enfants.
Pis encore, au mépris des conventions internationales, Israël utilise des bombes incendiaires à phosphore blanc contre les populations civiles et revendique une guerre par intelligence artificielle pour effectuer les bombardements les plus meurtriers du XXIe siècle.
S’il faudrait se féliciter de la libération des otages palestiniens et israéliens, force est de constater que rien ne semble indiquer que l’on se dirige vers un cessez-le-feu, puisque l’aviation et l’artillerie israéliennes ont repris leur sinistre besogne et qu’une solution politique est loin de se dessiner dans le court terme.
Mais à travers la tournure dramatique qu’a prise la nouvelle offensive militaire israélienne, massive et plus axée vers le Sud, le scénario de l’annexion pure et simple de Ghaza dans son intégralité par Israël, au terme d’un nettoyage ethnique, semble très plausible.
Les Etats traditionnellement impliqués dans la question palestinienne, les Etats-Unis et l’Europe notamment, sont responsables de ce pourrissement de la situation. Les gouvernements arabes ne sont pas en reste dans la descente aux enfers de la Palestine. Ils avaient aussi démissionné de leurs responsabilités depuis les accords d’Oslo et certains d’entre eux avaient franchi le rubicond en sacrifiant la question palestinienne sur l’autel du rapprochement avec l’Etat colonialiste israélien.
Ils étaient d’ailleurs tous convaincus que le pouvoir dissuasif de la force devait dissoudre à jamais le sentiment patriotique du peuple palestinien et le soumettre définitivement «à la raison du plus fort». Ils ont cru surtout que sa détermination et sa résolution au combat allaient disparaître complètement dans l’épaisseur du temps.
Ce désengagement irresponsable a conduit au retour explosif de la question palestinienne sur la scène mondiale et plus largement à la situation catastrophique actuelle de la région. Le premier enseignement du conflit est que le mythe de l’invincibilité militaire d’Israël a volé en éclats.
L’Etat sioniste ne peut plus compter exclusivement sur sa puissance militaire pour garantir sa sécurité. Ce qui rebat en profondeur les cartes au Moyen-Orient. Ni la puissance militaire d’Israël, ni les murs de l’Apartheid, ni les postes d’observation, ni les systèmes de surveillance les plus sophistiqués n’ont pu finalement occulter la question politique de fond et torpiller le nœud central du conflit : le droit inaliénable du peuple palestinien à disposer d’un Etat national indépendant.
«La solution à deux Etats » sur la base de la résolution 242 de l’ONU, est celle qui devrait être à l’ordre du jour pour mettre fin au conflit, puisqu’elle fait l’unanimité des membres permanents du Conseil de sécurité et agrée une large majorité des pays dans le monde. Mais toute une stratégie politique avait été manigancée par Israël pour mettre en échec «la solution à deux Etats».
Pour la saborder définitivement et atteindre le point de non-retour, le gouvernement israélien depuis les années 1990 avait joué sur deux tableaux : d’une part monter en puissance Hamas au détriment de l’Autorité palestinienne en lui donnant les clefs de Ghaza, d’autre part pousser à outrance la colonisation en Cisjordanie et à Jérusalem-est.
C’est ce qui lui a permis en toute impunité d’exproprier manu militari les Palestiniens de leur terre pour y installer deux cent mille colons à Jérusalem-est et plus de cinq cent mille autres en Cisjordanie qui sont légalement armés jusqu’aux dents et protégés par des fortifications militaires.
Par sa politique de grignotage mise en œuvre depuis plus de trente ans, Israël a mité la Cisjordanie à un point tel qu’il a réduit son territoire à l’état de «gruyère» et remis sérieusement en cause sa continuité territoriale. Pour autant, en dépit de cet obstacle majeur, «la solution à deux Etats» est la seule issue susceptible de sortir le conflit de l’impasse, car cette alternative politique consacre l’adhésion de la majorité des Etats de la planète.
Mais il est évident que la «solution à deux Etats» n’a de sens que si les frontières du futur Etat palestinien définissent un pays viable et dont le territoire est continu. Bien que le rapport de forces soit défavorable à Israël comme jamais par le passé, le chemin de la négociation politique est cependant miné par 75 ans de ruses, de souffrances et de guerres. Aujourd’hui, le gouvernement israélien est aux mains de fascistes adeptes de l’utopie meurtrière du «Grand Israël».
En s’inscrivant dans les pas de ces va-t-en guerre, Israël refuse à ce jour de mettre fin à sa politique colonialiste dans les territoires palestiniens et s’oppose à tout cessez-le-feu immédiat, tandis que les pays arabes les plus influents du Moyen-Orient dont l’Arabie Saoudite n’ont pas dénoncé les accords d’Abraham qu’ils ont signés ou s’apprêtaient à signer avec Israël. Un changement réel ne pourra se produire dans la région que si des puissances occidentales et arabes, et en premier lieu les Etats-Unis, l’Arabie Saoudite, l’Egypte,… expriment une volonté politique réelle de tordre la main à Israël pour le contraindre de ranger les armes aux vestiaires et proposer la première esquisse d’une solution politique.
Il est évident que les négociations ne pourront déboucher sur une solution satisfaisante aux intérêts suprêmes du peuple palestinien que si l’aile fasciste du gouvernement israélien et les jusqu’aux-boutistes palestiniens sont disqualifiés.
En effet, tant que la parole est aux extrêmes, un règlement politique aura du mal à se frayer un chemin vers la paix et la reconnaissance d’un Etat national palestinien indépendant.
Par Moulay Idriss Chentouf , Porte-parole du PLD