Quatre députés français de la Nouvelle union populaire écologique et sociale (Nupes) ont annoncé, mercredi, la création d’un groupe de travail pour obtenir la reconnaissance, par la France officielle, des massacres commis en Algérie le 8 Mai 1945.
Dans un communiqué publié sur la plateforme X (anciennement Twitter), les députés Elsa Faucillon, Keloua-Hachi, Sabrina Sebaihi et Danielle Simmonet ont indiqué s’être fixés pour objectif «de soumettre début 2025» une proposition de loi commune pour «la reconnaissance de l’autre 8 Mai 1945». Les députés des groupes parlementaires GDR, socialiste, écologiste et France insoumise ont également appelé «en cette journée de commémoration du 8 Mai 1945» à ce que «l’accès total aux archives puisse être assuré aux historiens» et que ces évènements «soient intégrés aux programmes d’histoire, afin d’en faciliter la transmission en respect de notre devoir de mémoire».
«Le 8 Mai 1945, alors que le peuple français fêtait l’armistice, la paix retrouvée et la victoire sur le nazisme, commençaient en Algérie, à Sétif mais aussi à Guelma et Kherrata, des répressions sanglantes de manifestations nationalistes, indépendantistes et anticolonialistes», lit-on dans le communiqué rendu public par les députés Nupes. «L’armée française et de nombreuses milices coloniales, composées de civils d’origine européenne, ont alors fait régner la terreur pour rétablir l’ordre colonial et défendre l’Algérie française.
Si le nombre des victimes algériennes, officiellement toutes françaises à l’époque mais qui ne l’étaient pas en fait et en droit, est difficile à établir, car encore sujet à débat presque 80 ans plus tard, le gouvernement algérien avance le nombre de 45 000 morts et les travaux de la très grande majorité des historiens français attestent d’un bilan d’au moins de dizaines de milliers de victimes arrêtées, torturées et exécutées sommairement», est-il mentionné dans le communiqué.
Les rédacteurs du communiqué ont, en outre, tenu à rappeler que «ces crimes n’ont jusqu’alors jamais été reconnus par l’Etat français, hormis un ambassadeur (Hubert Colin de Verdière en 2005, ndlr) qui les avait qualifiés de ‘‘tragédie inexcusable’’».
Travail de mémoire
Pour la députée d’origine algérienne, Fatiha Keloua Hachi, des milliers d’Algériens se sont fait massacrer alors que la France célébrait sa liberté retrouvée. «Le 8 Mai 1945, ce sont aussi ces milliers d’Algériens massacrés, le jour même où notre République célébrait sa liberté retrouvée», a-t-elle posté sur son compte X.
Sabrina Sebaihi, députée EELV-Nupes des Hauts-de-Seine, elle aussi d’origine algérienne, estime nécessaire de continuer le «travail de mémoire». «Alors que les combats cessaient en Europe avec la capitulation nazie, de l’autre côté de la Méditerranée, à Sétif, Guelma et Kherrata, les premiers soubresauts de l’indépendance du peuple algérien étaient réprimés dans le sang, a-t-elle écrit sur X.
Des milliers d’innocents massacrés, punitions collectives de villages entiers pendant des semaines, après les massacres, ratonnades et décennies de prison pour les survivants.» 79 ans plus tard, rue du 8 Mai 1945, à Nanterre, «nous rendons hommage aux victimes innocentes de la barbarie coloniale et nous continuons, à l’Assemblée nationale, le travail de mémoire», a-t-elle souligné.
Sabrina Sebaihi, rappelons-le, était à l’origine de la résolution condamnant les massacres du 17 Octobre 1961 adoptée, en mars dernier, par l’Assemblée nationale française. Dans leur communiqué, les quatre députés Nupes (partis de la gauche française) considèrent que le moment est venu pour que la France officielle reconnaisse enfin ces crimes.
«Il est grand temps d’aller plus loin. Cet autre 8 Mai 1945 doit enfin trouver une place dans notre mémoire collective», ont-ils défendu. Pour ce faire, le groupe de travail ainsi créé s’«engage à organiser des auditions des associations impliquées dans la bataille pour la reconnaissance de ces crimes, des chercheurs engagés par leurs travaux sur ces évènements».
«Notre groupe de travail porte l’ambition d’installer ce débat et prendra des initiatives telles qu’un colloque, des réunions publiques et déplacements en Algérie, à Sétif, Guelma et Kherrata. Il souhaite, à l’issue de ses travaux, être en capacité de porter, début 2025, une proposition de loi commune pour la reconnaissance de l’Autre 8 Mai 1945, pour leur commémoration 80 ans après», a conclu le même communiqué.