Netanyahu à Washington pour négocier avec Trump : Inquiétude sur la poursuite des pourpalers à Doha

04/02/2025 mis à jour: 14:31
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Manifesation de joie des prisonniers palestiniens après leur libération

Prévue hier, la première réunion des pourparlers sur la 2e phase de la trêve à Ghaza n’a pas eu lieu. Le déplacement de la délégation devant prendre part à ce rendez-vous, à Doha, a été annulé 48 heures avant par le Premier ministre israélien Netanyahu, pour aller rencontrer, aujourd’hui, le président Donald Trump, à Washington et discuter avec lui, l’accord, violant ainsi les termes de ce dernier. 

 

Lors que le Hamas s’est déclaré «prêt» à négocier la deuxième étape de l’accord de cessez-le- feu à Ghaza, Israël a brillé, hier, par son absence. 


Son Premier ministre, Benyamin Netanyahu, a préféré s’envoler à Washington, la veille de la date limite pour entamer les négociations sur la prolongation de la trêve, après avoir annulé le déplacement de ses représentants à Doha, 48 heures avant. Hier, son bureau est resté silencieux, sur la date à laquelle son équipe de négociateurs reprendra langue avec les médiateurs qataris, égyptiens et américains qui supervisent les négociations, suscitant de lourdes inquiétudes quant à la poursuite ou non du cessez-le-feu au-delà du 1er mars prochain, date de l’expiration de la 1re étape de l’accord.  Une inquiétude légitime, d’autant que Netanyahu avait clairement indiqué qu’il ne voyait pas la voie à suivre à Doha ou au Caire, mais à Washington, où il est arrivé hier. 

Premier dirigeant à être invité par président Donald Trump (depuis son investiture) et premier voyage qu’il effectue en faisant l’objet d’un mandat d’arrêt international émis par la Cour pénale internationale (CPI) pour, entre autres, «des crimes de guerre et contre l’humanité» à Ghaza.  Netanyahu  a pourtant déclaré,  la veille de son voyage, qu’il s’est entendu avec l’envoyé de Trump au Moyen-Orient, Steve Witkoff,  sur le fait que «les pourparlers relatifs à la deuxième étape de l’accord sur les otages commenceront avec leur rencontre à Washington», durant laquelle «ils discuteront des positions d’Israël». Selon la chaîne américaine CNN, «Netanyahu s’inquiète surtout de savoir ce que veut Trump. 

Le président américain n’était pas encore en poste lors de la première série de négociations sur un cessez-le-feu, mais son équipe a joué un rôle important pour pousser Israël vers un accord». Juste avant de prendre son vol à destination des Etats-Unis – qui a fait tout un long détour pour éviter de survoler les pays qui ont annoncé son arrestation – Netanyahu a posté sur les réseaux sociaux un message vidéo dans lequel il a déclaré : «Nos décisions et le courage de nos soldats ont redessiné la carte. 

Mais je crois qu’en travaillant étroitement avec le président Trump, nous pouvons la redessiner encore plus loin et pour le mieux.» Dans un communiqué diffusé hier à travers la toile et repris par des médias israéliens et américains, Gershon Baskin, un négociateur israélien et militant pour la paix, a estimé que «le refus de Netanyahu de commencer les négociations le jour stipulé dans l’accord constitue une violation claire de l’accord. Israël exige que le Hamas respecte toutes les clauses de l’accord, tout en le violant de manière significative. Une fois de plus, Netanyahu abandonne les otages et les met en danger». 

Parallèlement, le président américain, dès son investiture, et bien avant, s’est engagé publiquement à mettre un terme à la guerre. Il a même fait pression sur Netanyahu pour qu’il signe l’accord pour un cessez-le-feu, celui-là même qu’il a refusé de parapher au mois de mai 2023. Mais Trump a aussi parlé de «nettoyage» de Ghaza et de déportation de sa population vers l’Egypte et la Jordanie, malgré la ferme opposition des Ghazaouis, du Caire et d’Amman. Si pour les experts onusiens des droits de l’homme, les déportations forcées de populations civiles constituent un crime de guerre et/ ou un crime contre l’humanité», pour de nombreuses ONG internationales et experts de défense des droits de l’homme, elles s’apparentent à «un nettoyage ethnique». Avec ses déclarations insistantes et pressantes, Trump a donné du grain à moudre aux extrémistes messianiques israéliens, qui ont de tout temps appelé à l’expulsion des Palestiniens de Ghaza et plaidé pour l’installation de nouvelles colonies. 


«J’espère que Netanyahu reviendra avec la décision de détruire le Hamas et non celle d’établir un Etat palestinien en Cisjordanie et qu’il ramènera un engagement de l’arrêt de l’aide humanitaire à Ghaza», a déclaré hier Itamar Ben-Gvir, qui s’est retiré du gouvernement en signe de protestation contre l’accord de cessez-le-feu. Lui emboîtant le pas, l’ancien vice-Premier ministre et chef de l’état-major de l’armée israélienne, Benny Gantz, est allé plus loin. «La transition vers la deuxième phase de l’accord sur les otages doit inclure le remplacement du régime de Hamas  et la démilitarisation de Ghaza et les efforts de reconstruction doivent être conditionnés au remplacement du régime du Hamas. Soit Ghaza sera démilitarisée, soit elle restera démolie. Telle doit être la condition de la reconstruction, en coordination avec les Etats-Unis et le reste du monde», a lancé Gantz devant un parterre de journalistes. 


Recherche d’un engagement US pour l’élimination du Hamas


Mais l’opposition n’a cessé d’exhorter Netanyahu à conclure l’accord et à respecter toutes ses étapes, en réitérant le même plaidoyer, la veille de son voyage aux USA. Hier, le président israélien, Herzog, est allé dans le même sens,  en lançant un appel à son Premier ministre pour «achever toutes les étapes de l’accord et restituer rapidement tous nos frères et sœurs captifs, jusqu’au dernier». 

Dans son communiqué, il a ajouté : «Bien sûr, je ne sous-estime pas les craintes, les inquiétudes et la douleur associées à cet accord, car je les comprends bien. Mais nous devons nous rappeler qu’il s’agit du pacte suprême entre l’Etat et ses citoyens.» 

 Mais l’annulation du déplacement de la délégation à Doha a inquiété les familles des otages, l’opposition et tous ceux qui veulent en finir avec la guerre. 

Hier, le journal de gauche israélien, Haaretz, a révélé, que Netanyahu veut obtenir, lors de sa rencontre avec Donald Trump,  un engagement américain pour l’élimination du Hamas, afin de répondre aux accusations d’entraver les accords. 

Selon le journal,  «une source impliquée dans la délégation du Premier ministre israélien à Washington a exprimé son inquiétude quant au fait que la nomination du ministre des Affaires stratégiques proche de Netanyahu, Ron Dermer, pour gérer la partie politique de l’accord faciliterait le déraillement de la deuxième phase de l’accord». Pour la source qui s’est confiée à Haaretz, «l’objectif principal de Netanyahu est d’obtenir le soutien total des Etats-Unis pour atteindre l’un des principaux objectifs de la guerre, qui est de mettre fin au Hamas».  

Le média a ajouté, par ailleurs, que «le cercle intime de Netanyahu est optimiste quant à la possibilité d’atteindre l’objectif de chasser le Hamas du pouvoir à Ghaza, sur la base des réunions des factions palestiniennes au Caire (...) Cependant, le rapport n’a pas fourni de vision israélienne claire et réalisable pour mettre fin au règne du mouvement dans cette région».  

La source du journal a souligné que «compte tenu du profond intérêt» de l’administration américaine à parvenir à un accord de cessez-le-feu, Netanyahu devrait bientôt nommer le ministre des Affaires stratégiques Ron Dermer comme responsable de la gestion du volet politique de l’accord en coordination avec Witkoff. Aujourd’hui, Netanyahu rencontrera Donald Trump, à deux reprises, lors d’une réunion à la Maison-Blanche et lors d’un dîner, alors qu’hier, il s’est entretenu avec Stève Witkoff. Selon le bureau de Netanyahu, cette rencontre devait permettre d’annoncer le début de la deuxième phase des négociations, précisant que le «report» des pourparlers de Doha avait été décidé en «coordination» avec Steve Witkoff. 

Selon le journal israélien The Times Of Israel, «la position du président sur le Hamas aura un impact significatif sur la capacité d’Israël à atteindre son objectif déclaré» et a rappelé les propos de Trump, après son investiture, selon lesquels : «Le Hamas n’a pas bien dirigé la bande de Ghaza, mais l’a plutôt dirigée brutalement, et cela ne peut être autorisé.» 


Citant une «source sûre», le journal a révélé que  «l’insistance d’Israël sur la demande d’éliminer le Hamas est due au fait qu’il se rend compte que Trump ne veut en aucun cas retourner au combat. Israël a donc rapidement assimilé les nouvelles règles du jeu imposées par l’administration Trump et cherche à éviter d’apparaître comme la partie qui viole l’accord en reprenant les opérations militaires.» 

Durant sa visite à Washington,  Netanyahu, aura, demain, une rencontre avec le secrétaire d’Etat à la Défense, Pete Hastings, au sein du Pentagone, avant d’être l’invité, le jeudi du Congres et du Sénat. 

C’est dire que la coïncidence de son voyage aux Etats-Unis avec l’annulation de la participation de ses représentants aux pourparlers de Doha n’est pas fortuite, et inquiète plus qu’elle rassure, étant donné les relations assez particulières qui lient l’administration américaine à Israel.  Salima Tlemçani
 

 

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