Depuis Riyad, le président français a affirmé qu’il ne pouvait «pas croire au vote d’une censure» du gouvernement.
L’examen des motions de censure déposées par les députés de l’opposition française contre le gouvernement de Michel Barnier a débuté hier à 15h. Les deux motions de censure ont été déposées par le Nouveau Front populaire de gauche et le Rassemblement national d’extrême droite.
Cela intervient six mois après la dissolution de l’Assemblée nationale française et la tenue de législatives anticipées, ayant vu une poussée de l’extrême droite et un retour en force de la coalition de gauche. Le dépôt des motions de censure a aggravé la crise politique dans laquelle est plongée la France, tout en fragilisant le président Emmanuel Macron dont une partie de l’opposition veut le destituer.
Si le vote de défiance aboutit, ce serait la première fois en plus de 60 ans qu’un gouvernement français est renversé, et Michel Barnier deviendrait le Premier ministre ayant exercé le plus court mandat depuis 1958. Dans une interview accordée aux médias français mardi soir, Michel Barnier a déclaré que le vote de défiance «menacerait la stabilité du pays». Il a également appelé à la «responsabilité» des députés pour éviter la censure, dans «l’intérêt supérieur du pays».
Ces motions ont été déposées après que le premier ministre Michel Barnier a utilisé l’article 49.3 de la Constitution pour faire passer en force, lundi, son budget sur la Sécurité sociale. Le ministre français de l’Intérieur, Bruno Retailleau, a, lui, déclaré que «le danger d’une censure, c’est que les marchés financiers s’affolent et que l’on dévisse», tout en reconnaissant que «ce budget n’était pas parfait».
«Un budget dangereux»
La presse française estimait hier que «le suspense est limité», les deux blocs réunissant plus que la majorité des voix nécessaires pour faire tomber le gouvernement Barnier. Le dirigeant du Rassemblement national, Jordan Bardella, a, pour sa part, affirmé hier sur la radio publique France Inter son opposition à «un budget dangereux pour la croissance et le pouvoir d’achat», dénonçant «une stratégie de la peur» de l’Exécutif. Depuis Riyad, le président français a, de son côté, affirmé qu’il ne pouvait «pas croire au vote d’une censure» du gouvernement. Il a aussi appelé à «ne pas faire peur aux gens» en évoquant un risque de crise financière.
Cette probable censure fait suite, rappelons-le, à des mois de crise en France, déclenchée par la dissolution de l’Assemblée nationale après la déroute du camp macroniste aux européennes face à l’extrême droite. Les législatives anticipées en France ont abouti à la formation d’une Assemblée fracturée en trois blocs (alliance de gauche, macronistes et droite, extrême droite), dont aucun ne dispose de la majorité absolue.
Aussi, en cas de censure, il reviendra à Emmanuel Macron de désigner un nouveau Premier ministre. Il lui avait fallu près de 50 jours pour nommer Michel Barnier le 5 septembre, après moult rebondissements et polémiques. Le Parti socialiste voudrait «un gouvernement de gauche ouvert au compromis», mais son patron Olivier Faure s’oppose à la nomination un temps envisagée par Emmanuel Macron de l’ex-ministre de l’Intérieur socialiste Bernard Cazeneuve. De son côté, la gauche radicale continue de réclamer la démission d’Emmanuel Macron.
L’instabilité politique qui frappe la France depuis plusieurs mois explique en partie la nervosité des marchés, dans un contexte de lourd endettement : le taux d’emprunt à 10 ans de la France est même passé très brièvement, hier, au-dessus de celui de la Grèce, traditionnel mauvais élève en la matière dans l’Union européenne.
L’OCDE abaisse sa prévision de croissance
pour la France en 2025L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a révisé, hier, en nette baisse sa prévision de croissance pour la France en 2025, tout en remontant celle concernant la croissance mondiale à la faveur du dynamisme américain, a rapporté l’AFP. En crise politique, Paris devrait enregistrer 0,9% de croissance de son PIB l’an prochain, soit un recul de 0,3 point par rapport aux dernières prévisions publiées par l’institution internationale en septembre.
Pour la France, «les efforts d’assainissement budgétaire qui seront déployés en 2025 et 2026 pèseront sur la croissance et neutraliseront en partie l’effet positif de l’assouplissement de la politique monétaire sur l’investissement résidentiel et celui des entreprises». Toutefois, «pour la deuxième année consécutive, la demande extérieure est le principal moteur de la croissance en 2024» et «la demande intérieure, qui a bénéficié d’un soutien temporaire de la consommation privée au troisième trimestre de 2024 en raison des jeux Olympiques, devrait se redresser à compter de 2025 et s’accélérer à mesure que la désinflation stimulera le pouvoir d’achat», a indiqué la même source. R. P.