Médias, les enjeux de demain

06/04/2022 mis à jour: 08:30
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Sous le règne de Bouteflika, lorsque Issad Rebrab avait tenté d’acquérir la télévision du groupe El Khabar, les dirigeants de l’époque avaient bloqué la transaction. 

Aujourd’hui que ce même Issad Rebrab fait disparaître le journal Liberté qui lui appartient, les autorités ne réagissent pas. Dans le premier cas, le pouvoir redoutait qu’une télé détenue par l’ homme d’affaires ne soit largement ouverte à l’opposition, tandis que les dirigeants d’aujourd’hui ont fait comprendre à Issad Rebrab directement (tête-à-tête officiel avec l’ancien ministre de la Communication) et indirectement, en imposant des restrictions à la poursuite de ses affaires, que le ton éditorial de Liberté ne leur convenait pas. 

Entre son business et son implication dans les médias, l’homme d’affaires a donc fini par trancher : la fin de Liberté, après l’abandon du projet d’acquisition de la télé d’El Khabar, lui assurera définitivement de la tranquillité dans son business, même si le coût est très lourd concernant la disparition d’un grand journal qui, trente années durant, a été de tous les combats démocratiques dans le pays, sérieux et crédible. Rebrab a donc fait le choix d’enlever définitivement sa casquette de «mécène» qui, si elle a entravé ses affaires, un moment ou un autre, lui a malgré tout, et surtout, conféré, trente années durant, de la respectabilité, voire du prestige moral. 

A travers son journal, il s’est inscrit dans le combat démocratique dans le pays appuyé par de remarquables collectifs rédactionnels. Liberté a fédéré en son sein, à tous les niveaux de sa confection, des femmes et des hommes de grande compétence et d’un même élan patriotique. 

Ceux-là mêmes malheureusement qui vont payer le plus lourd tribut à la disparition du titre, avec un important lectorat fidèle et exigeant, ce qui accélère la perte d’une certaine idée de la presse algérienne, faite malgré tout d’indépendance et de combativité. 

Les pouvoirs publics ne peuvent rester insensibles à ce retournement dramatique dans lequel ils partagent une grande responsabilité, ne serait-ce qu’à deux niveaux fondamentaux : la conditionnalité de l’accès à la publicité publique à l’alignement systématique des lignes éditoriales sur le discours politique combinée à l’absence de toute aide publique réfléchie à la presse comme il en existe dans les pays développés. L’examen prochain des lois sur l’information, l’audiovisuel et la publicité sera l’occasion de voir si les dirigeants sont toujours sur cette voie négative, ou bien existe-t-il à leur niveau une quelconque volonté de réformer le système actuel. 

La disparition du quotidien Liberté leur offre de nouvelles pistes de réflexion sur l’avenir de la presse papier à côté de l’émergence massive de médias électroniques, à la faveur de l’extension d’internet et de la présence massive et anarchique de télévisions privées sans statut clair, mais déjà bien ancrées au sein de la société algérienne. 

Le moment est venu pour les autorités et les parlementaires de tracer un autre cap juridique et économique aux médias dont les autorités ne peuvent plus minimiser le rôle, à un moment où même les guerres se jouent sur le terrain de l’information. Le conflit entre la Russie et l’Ukraine le démontre, dans la continuité des interventions militaires occidentales des dernières années contre les nations arabes.

 Et l’Algérie, au plan interne, ne peut évoluer positivement que si ses citoyens sont bien informés et suffisamment éclairés des enjeux de société et de développement. Et pour cela, rien ne remplace les médias lorsque, bien entendu, ils sont libres de toute contrainte politique et protégés juridiquement et économiquement. 

Les autorités doivent comprendre que le moment historique actuel est crucial et que le temps des tergiversations et des faux calculs est bien révolu. Les réformes démocratiques du début de la décennie 1990 ont fait avancer le pays en le dotant d’une presse libre et courageuse, d’autres doivent impérativement être entreprises aujourd’hui pour la projeter dans les trente années à venir, en tirant profit de toutes les faiblesses, réussites et échecs du passé.

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