Malgré une opposition unanime à la déportation des Palestiniens de Ghaza : Trump persiste et signe sur fond d’un tollé général

29/01/2025 mis à jour: 10:02
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La population ghazaouie obstinée à défendre et rester sur sa terre

Malgré les images poignantes de centaines de milliers de familles palestiniennes, marchant des heures, du sud vers le centre ou du centre vers le nord de Ghaza,  pour rejoindre leurs foyers réduits en cendres par l’armée d’occupation, le président Trump est revenu à la charge, en réaffirmant sa volonté de déporter les Ghazaouis vers des pays comme l’Egypte, la Jordanie, ou encore l’Albanie, qui ont publiquement rejeté l’idée même de cette opération, qui viole la Convention de Genève sur le génocide.

 Puissant allié d’Israël, le président américain a provoqué un tollé en lançant l’idée «de nettoyer Ghaza» qualifiée d’ailleurs de «chantier de démolition».  Lundi dernier, il a réitéré ses propos, faisant fi de l’opposition généralisée des pays arabes mais aussi de nombreux autres Etats occidentaux et d’organisations  de défense des droits de l’homme à travers le monde.

 Après des entretiens téléphoniques avec le président égyptien Abdel Fattah Al Sissi et le Roi Abdallah de Jordanie, qui avaient exprimé, auparavant, leur opposition à tout déplacement de la population de Ghaza, Trump a continué à affirmer que les deux dirigeants vont accueillir les Palestiniens de Ghaza, en précisant que «la question sera discutée avec le Premier ministre Benyamin Netanyahu» lors de leur prochaine rencontre. Mais la première réaction officielle est venue de l’Egypte, qui a démenti  hier tout entretien téléphonique entre son Président et Donald Trump, sur la situation à Ghaza. 

Le service de l’information citant «une source de haut niveau» a démenti «les informations de presse faisant état d’un entretien téléphonique entre les présidents égyptien et américain». Lors d’un échange avec des journalistes américains qui l’accompagnaient à bord d’un avion d’Air Force One, lundi soir, Trump a été interrogé sur ce qu’il projette à travers son idée de déportation des Palestiniens de Ghaza et sa réponse a été qu’il voulait «les voir dans une région où ils pourraient vivre sans perturbations, sans révolution et sans violence». 

Selon lui,  «Ghaza est un enfer depuis de nombreuses année (…) Il y a eu plusieurs civilisations dans cette bande. Cela n’a pas commencé ici. Cela a commencé des milliers d’années auparavant, et la violence y a toujours été associée. On pourrait faire vivre des gens dans des zones beaucoup plus sûres, peut-être même beaucoup plus agréables, peut-être même beaucoup plus confortables». 

L’idée de vider Ghaza de sa population rejoint, en réalité, celle défendue depuis longtemps par l’extrême droite messianique israélienne et dont la première étape a commencé à être exécuté avec le fameux  «Plan de généraux», qui consistait à opérer des bombardements intensifs de jour comme de nuit, affamer la population, la priver d’eau et d’électricité et à détruire toutes les infrastructures de base, rendre la ville invivable et pousser les Palestiniens à quitter les lieux, qui serviront pour l’installation de colonies. Mai c’était sans compter sur la détermination de la population de Ghaza à rester attachée à sa terre. Lundi dernier, le Premier ministre albanais a réagi à des informations relayées par les médias israéliens, selon lesquelles l’Albanie était en pourparler pour recevoir 100 000 Ghazaouis. 

«Déstabiliser les pays voisins»

Dans un post sur X (anciennement Twitter), le chef de l’Exécutif libanais a écrit : «Personne n’a sollicité l’Albanie et nous ne pouvons même pas envisager d’assumer une telle responsabilité. L’Albanie ne se trouve pas au Moyen-Orient et, depuis le cœur de l’Europe, nous ne pouvons pas faire plus que n’importe quel autre pays européen dans ce domaine.» 

Selon le journal israélien Times of Israel, Trump a été interrogé sur la réaction du président égyptien à son idée et il a déclaré : «La réponse d’Al Sissi était qu’il aimerait voir la paix au Moyen-Orient.» Trump s’est montré certain que l’Egypte et la Jordanie changeraient d’avis. «J’adorerais faire ça. J’aimerais que Sissi comprenne. Nous les avons beaucoup aidés, et je suis sûr qu’il nous aidera. C’est un de mes amis. Il vit dans… un contexte difficile. Mais je pense qu’il le ferait, et je pense que le roi de Jordanie le ferait aussi», a lancé  Trump à l’équipe de journalistes qui l’accompagnait. Quelques heures avant cet échange, dans la matinée de lundi dernier, le secrétaire d’Etat de Trump, Marco Rubio, a eu un entretien avec le roi de Jordanie, mais rien n’a filtré pour savoir s’il avait été question de la déportation des Palestiniens vers la Jordanie. Le communiqué qui a suivi leur rencontre,  il est indiqué que «le secrétaire d’Etat et le roi Abdallah ont discuté de la mise en œuvre de l’accord de cessez-le-feu à Ghaza, de la libération des otages et de la création d’une voie pour la sécurité et la stabilité dans la région». 

La réunion est intervenue au lendemain de la déclaration du chef de la diplomatie jordanienne, exprimant «l’opposition ferme et inébranlable»  de son pays à l’idée de Trump. Allant dans le même sens, son homologue égyptien a quant à lui affirmé que le transfert  temporaire ou à long terme des Palestiniens  «risque d’étendre le conflit dans la région», en réponse à Trump qui venait de déclarer être «ouvert à une réinstallation temporaire ou permanente des Ghazaouis». Des positions qui n’ont pas fait fléchir le président américain. Il a d’ailleurs affirmé, lundi dernier, qu’il discuterait du sujet avec Netanyahu, lors de sa visite aux USA,  «dans un avenir pas si lointain» lors d’une date qui sera fixée «bientôt».  

A la question de savoir s’il croit ou non à la solution à deux Etats israélien et palestinien, Trump a laissé les journalistes sur leur faim. «Je vais parler à Netanyahu dans un avenir pas trop lointain. Il va venir ici.» Citant des «sources proches du dossier», le journal israélien Times of Israel a révélé que «le bureau de Netanyahu prévoyait que le Premier ministre se rendrait dimanche à Washington pour un voyage de quatre jours qui comprendrait une rencontre avec Trump. Le voyage n’a pas encore été finalisé et dépendra de l’état de santé de Netanyahu, qui se remet d’une opération de la prostate». 

D’après le même média auquel s’est confié, sous le couvert de l’anonymat, «un ministre du cabinet de sécurité qui détient le pouvoir», les déclarations de Trump «avaient probablement été en partie conçues pour aider Netanyahu à conserver le soutien de ses alliés d’extrême droite qui ont déstabilisé sa coalition en signe de protestation contre l’accord de libération des otages et de cessez-le-feu conclu par son gouvernement ce mois-ci». 

 Repris par une grande partie de la presse américaine et israélienne, le sénateur Lindsey Graham, proche de Trump,  a été interrogé sur la chaîne américaine CNN, sur  ce que  voulait dire Trump par le «nettoyage» de Ghaza. «Je ne sais vraiment pas», a-t-il répondu avant de lâcher : «L’idée que tous les Palestiniens vont partir et aller ailleurs ne me semble pas très réaliste.» Graham s’est, cependant, trahi. Acculé par le journaliste, il a répondu : «Je ne sais pas de quoi il parle. Mais allez parler à MBS (Mohamed Ben Selman de l’Arabie Saoudite, nldr), allez parler aux Emirats arabes unis, allez parler à l’Egypte. Quel est leur plan pour les Palestiniens ? Veulent-ils qu’ils partent tous ?» Quel message voulait-il diffuser ? En attendant la réponse, les déclarations de Trump continuent de provoquer des réactions opposées. Hier, c’était au tour de la France d’exprimer son rejet de la déportation des Ghazaouis. 

Interrogé par un journaliste, le Quai d’Orsay a été catégorique : «La  position de la France n’a pas varié : tout déplacement forcé de population à Ghaza serait inacceptable.» Pour le Quai d’Orsay,  une telle initiative «constituerait une violation grave du droit international et compromettrait toute perspective de solution à deux Etats». La même source a estimé que «de telles actions pourraient profondément déstabiliser des pays voisins comme l’Egypte et la Jordanie, partenaires clés dans la région(…) L’avenir de Ghaza doit s’inscrire dans le cadre d’un futur Etat palestinien».  Salima Tlemçani

 

 

Euro-Med : «Israël doit reconstruire la bande de Ghaza»

Réagissant aux propos de Trump, l’organisation indépendante de défense des droits de l’homme, Euro-Med a rappelé que le «déplacement forcé des Palestiniens ne constitue pas seulement un crime international, mais fait partie d’une stratégie visant à renforcer les crimes de déplacement forcé et d’expulsion systématique pratiqués par Israël depuis des décennies». L’ONG a souligné que les «Palestiniens, qui souffrent des conséquences catastrophiques des crimes commis par Israël, ne doivent pas payer le prix de ce génocide par un déplacement forcé hors de leur patrie» (…) «Israël en tant que puissance occupante  doit assumer seule la responsabilité légale et morale de ses crimes, indemniser les Palestiniens et reconstruire la bande de Ghaza dans les plus brefs délais».  Dans son communiqué, publié sur son site électronique, l’Observatoire a, par ailleurs, souligné que les déclarations de Trump «contredisent les liens historiques et culturels profonds qui unissent les Palestiniens à leur terre», ajoutant : «Ces déclarations constituent un soutien direct aux politiques expansionnistes et coloniales d’Israël, qui cherche systématiquement à vider la terre palestinienne de ses habitants au profit de ses projets de colonisation illégale, visant à remplacer les Palestiniens par des Israéliens.» Euro-Med a indiqué dans son communiqué, qu’Israël  a mis en œuvre pendant de longs mois «un génocide» en commettant des «massacres à grande échelle», ciblant les civils et détruisant systématiquement les quartiers, les villes et les infrastructures de la bande de Ghaza, dans le but de pousser les Palestiniens à l’exode forcé et de les déraciner de leur terre. L’ONG a appelé à «une position régionale et internationale», rejetant les déclarations de Trump. 

 

 

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