Dans un contexte diplomatique particulièrement tendu entre l’Algérie et la France, le journaliste français Jean-Michel Aphatie a récemment déclenché un vif débat en évoquant, avec justesse les violences commises par la France en Algérie.
Dans une intervention sur RTL, le 25 février, Aphatie avait affirmé que «la France a fait des centaines d’Oradour-sur-Glane en Algérie», une commune française tristement célèbre pour le massacre brutal de 643 habitants, dont plus de 200 enfants, par les nazis en juin 1944, au lendemain du débarquement de Normandie.
Ces mots, qui comparent les exactions de l’armée française durant la guerre d’Algérie aux atrocités nazies perpétrées à Oradour-sur-Glane, ont provoqué une onde de choc dans la sphère médiatique et politique française.
La colonisation française en Algérie est entachée d’un passé sanglant, marqué par des épisodes de violence extrême. Les massacres de Sétif et de Guelma en 1945, ainsi que les «enfumades» du Dahra en 1845, où des villageois furent asphyxiés dans des grottes, illustrent la brutalité de la conquête coloniale. Ces faits, bien documentés par les historiens, témoignent d’une stratégie de terreur appliquée non seulement contre l'ALN mais également contre la population civile.
Ils représentent des blessures profondes dont la reconnaissance est indispensable pour toute démarche de réconciliation historique. Jean-Michel Aphatie défend farouchement son droit d’évoquer ces faits douloureux. Pour lui, il est essentiel que «la France reconnaisse ses crimes coloniaux afin de ne pas répéter les erreurs du passé».
Ses propos, bien que controversés, ne cherchent pas à outrager le peuple français mais à mettre en lumière une réalité que les élites et la facho-sphère de l’extrême droite tentent de museler. Dans une société démocratique, la liberté d’expression doit permettre d’aborder des sujets sensibles et d’ouvrir un débat constructif sur un passé trop souvent occulté.
Des historiens de renom, tels qu’Alain Ruscio, confirment l’exactitude des faits évoqués par Aphatie en rappelant la brutalité des méthodes employées par l’armée française en Algérie. Bien que Benjamin Stora mette en garde contre certains anachronismes dans les comparaisons, nombreux sont ceux qui estiment que ces déclarations rappellent une vérité historique fondamentale.
LES VOIX DE L’HISTOIRE S’ENGAGENT
Lors d’un entretien accordé au Nouvel Obs, l’historienne Sylvie Thénault, spécialiste de la colonisation et de la guerre d’Algérie, a défendu la démarche d’Aphatie. Elle souligne que, dans les années 1950, les comparaisons entre les violences coloniales et les pratiques nazies étaient monnaie courante parmi les intellectuels et résistants.
Selon elle, «si la formulation actuelle choque, elle s’inscrit pourtant dans une tradition de dénonciation des exactions et de lutte pour la reconnaissance des souffrances endurées par la population algérienne».
La réaction virulente de l’extrême droite, qui attaque Aphatie sous le couvert de défendre le peuple français, révèle une incapacité persistante à affronter un passé colonial douloureux.
Plutôt que de chercher à réexaminer l’histoire avec objectivité et rigueur, certains continuent de préférer l’oubli et le déni. La défense de Jean-Michel Aphatie s’inscrit dans cette nécessité impérieuse de repenser l’histoire pour en tirer les leçons et amorcer une véritable réconciliation.
Comme l’a déjà souligné Emmanuel Macron en 2017, qualifier la colonisation de «crime contre l’humanité» est une étape indispensable pour reconnaître la profondeur des blessures infligées.
A vrai dire, les déclarations du journaliste Jean-Michel Aphatie, loin d’être une provocation gratuite, relancent un débat crucial sur la mémoire coloniale française.
Elles incitent à ne pas oublier les violences massives qui ont marqué l’histoire de la conquête de l’Algérie et continuent de hanter la mémoire collective. «Il est temps que la France assume pleinement son passé, reconnaisse ses torts et engage un dialogue sincère pour guérir les plaies historiques», insistent des historiens des deux rives.
Dans cette perspective, le courage d’Aphatie de nommer les faits tels qu’ils sont doit être salué, non pas comme une offense, mais comme une contribution essentielle à l’édification d’une vérité historique partagée et à la construction d’un avenir fondé sur la justice et la réconciliation.