Les nouvelles autorités à Damas appellent à leur suppression : Ces sanctions internationales qui pénalisent le peuple syrien

15/01/2025 mis à jour: 09:36
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La population syrienne continue d’exprimer sa joie après la chute d’Al Assad - Photo : D. R.

Parmi les sanctions imposées par les Etats-Unis à la Syrie, «l’interdiction de l’aide étrangère américaine au gouvernement syrien et l’opposition des Etats-Unis au soutien des institutions financières internationales à la Syrie, l’interdiction du commerce d’armes entre les Etats-Unis et la Syrie, l’interdiction d’exporter ou de réexporter des biens américains vers la Syrie» ou encore «l’interdiction d’importer certains produits syriens, y compris le pétrole». A cela s’ajoutent «le gel des avoirs du gouvernement syrien aux Etats-Unis et l’interdiction pour les personnes et les entreprises américaines de traiter ou de faire des affaires avec le gouvernement syrien, y compris les entreprises d’Etat syriennes».

Plus d’un mois s’est écoulé depuis la chute de Bachar Al Assad, et la Syrie continue à subir le poids des sanctions internationales qui lui avaient été imposées sous l’ancien régime. Des sanctions qui pénalisent lourdement l’économie syrienne et empoisonnent la vie des Syriens. Il y a quelques années, un médecin syrien exerçant dans un hôpital public à Alep témoignait à France-Culture en lançant ce SOS : «Cet embargo est inhumain.

La santé doit être sans frontière. On ne doit pas jouer avec la santé des gens. Si une machine d’anesthésie tombe en panne, il sera très compliqué de la réparer. Beaucoup de techniciens de maintenance ont quitté le pays depuis le début de la guerre. Les prix des pièces détachées ont énormément augmenté. Au final, ceux qui payent le prix, ce sont les malades.» Et la situation ne s’est guère améliorée depuis, même après le changement de gouvernance.

C’est que l’une des conséquences directes des sanctions internationales est la pénurie justement des pièces de rechange, y compris pour du matériel médical vital. Aussi, Ahmad Al Charaa, le nouvel homme fort de la Syrie, n’a-t-il de cesse d’appeler à la levée des sanctions internationales qui frappent la Syrie, afin d’aider le pays à se relever économiquement. Au cours de la Conférence internationale sur la Syrie qui vient de se tenir à Riyad, il a beaucoup été question de cela.

L’Arabie saoudite a plaidé ardemment pour la suppression de ces restrictions punitives qui, estime-t-elle, n’ont plus de sens maintenant que le régime syrien a changé de main. «Le maintien des sanctions imposées à l’ancien régime entravera les aspirations du peuple syrien au développement, à la reconstruction et à la stabilité», a plaidé le chef de la diplomatie saoudienne Faiçal Bin Farhan lors de cette réunion.

Quelles sont exactement ces sanctions ?

En quoi consistent exactement les sanctions internationales qui frappent la Syrie ? Par qui sont-elles imposées et depuis quand ? Les principales sanctions remontent aux débuts de la guerre civile en Syrie en 2011. La répression qui s’est abattue sur les manifestants syriens avait poussé alors la communauté internationale à adopter des mesures punitives contre le régime de Bachar Al Assad.

Ces sanctions ont été prises essentiellement par les Etats-Unis et l’Union européenne (UE). Mais bien avant cela, en 1979, Washington avait classé la Syrie sur la liste des «Etats soutenant le terrorisme» et imposé une batterie de sanctions contre Damas. Celles-ci portaient entre autres sur l’interdiction d’achat d’armes par le gouvernement syrien, l’interdiction de lui fournir une aide économique et financière, à quoi s’ajoutaient des mesures fiscales et douanières destinées à affaiblir les entreprises syriennes.

Dans un rapport intitulé «Les sanctions américaines et européennes contre la Syrie» daté de septembre 2020, la fondation Carter note : «Les sanctions américaines à l’encontre de la Syrie remontent à 1979, lorsque les Etats-Unis l’ont désignée comme un ‘Etat soutenant le terrorisme’. Des séries de sanctions successives ont été imposées au milieu des années 2000, en réponse aux activités syriennes au Liban et au programme d’armes de destruction massive de la Syrie, puis, à partir de 2011, en réponse à la guerre civile syrienne naissante.

Malgré cette longue histoire, avant 2004, les sanctions américaines contre la Syrie étaient relativement limitées. Elles consistaient principalement en des restrictions sur l’aide du gouvernement américain à la Syrie, un embargo sur les armes et des sanctions ciblées visant un certain nombre de responsables syriens et d’entités gouvernementales impliqués dans des activités spécifiques. En outre, la désignation de la Syrie comme un ‘Etat soutenant le terrorisme’ obligeait les banques américaines à soumettre les transactions impliquant le gouvernement syrien, y compris les sociétés et entités détenues par le gouvernement syrien, à des contrôles renforcés.»

A partir de 2011, «les Etats-Unis imposent des sanctions à la fois ‘primaires’ et ‘secondaires’ à la Syrie», indique le Carter Center. «Les sanctions primaires sont des sanctions qui interdisent aux citoyens américains et aux entreprises américaines de faire des affaires (avec des exceptions pour certaines actions d’aide humanitaire) avec des partenaires syriens, et qui interdisent les transactions financières qui touchent le système financier américain, et la vente de biens fabriqués aux Etats-Unis à la Syrie.

Les sanctions secondaires, que le Congrès américain a élargies fin 2019 en adoptant le «Caesar Syria Civilian Protection Act» («Caesar Act»), sont des sanctions qui visent à interdire les transactions de pays tiers, comme certaines catégories d’entreprises françaises, allemandes ou russes, avec la Syrie»,  explique cette ONG.

Embargo commercial et gel des avoirs 

La fondation Carter précise que «les sanctions primaires américaines consistent en un embargo sur la quasi-totalité des relations commerciales et financières entre les Etats-Unis et la Syrie, à quelques exceptions près». Parmi les principales mesures qui s’inscrivent sous cette catégorie : «l’interdiction de l’aide étrangère américaine au gouvernement syrien et l’opposition des Etats-Unis au soutien des institutions financières internationales à la Syrie, l’interdiction du commerce d’armes entre les Etats-Unis et la Syrie,  l’interdiction d’exporter ou de réexporter des biens américains vers la Syrie» ou encore «l’interdiction d’importer certains produits syriens, y compris le pétrole».

A cela s’ajoutent «le gel des avoirs du gouvernement syrien aux Etats-Unis et l’interdiction pour les personnes et les entreprises américaines de traiter ou de faire des affaires avec le gouvernement syrien, y compris les entreprises d’Etat syriennes». Le document cite au surplus «une série de sanctions ciblées à l’encontre de divers fonctionnaires, entreprises et entités syriens avec gel de leurs avoirs aux Etats-Unis, et interdiction aux ressortissants américains de faire des affaires avec eux». Autre sanction symbolique forte : «L’interdiction pour la plupart des Syriens de se rendre aux Etats-Unis». Pour ce qui est des sanctions imposées par l’UE, la fondation Carter cite, là encore, un certain nombre de restrictions destinées à réduire les échanges avec la Syrie.

Sauf que les pénalités européennes sont plus «ciblées», relève le rapport : «Les sanctions de l’Union européenne à l’encontre de la Syrie sont en place depuis 2011. Elles sont, en général, plus étroites et plus ciblées que les sanctions américaines. Par exemple, alors que les sanctions américaines restreignent effectivement toutes les exportations américaines vers la Syrie, à l’exception des denrées alimentaires et des médicaments, les sanctions de l’Union européenne limitent le commerce à des catégories de produits spécifiquement énumérées.

De même, les sanctions financières de l’UE interdisent aux banques européennes d’effectuer certains types de transactions financières avec la Syrie et de traiter avec des banques syriennes désignées, alors que les Etats-Unis imposent un embargo général sur toutes les transactions financières avec la Syrie.» Il faut savoir aussi que «les sanctions de l’Union européenne à l’encontre de la Syrie doivent être renouvelées chaque année et expireront si elles ne sont pas renouvelées».

Et le Carter Center de souligner : «Les objectifs politiques des sanctions de l’UE à l’égard de la Syrie, tels qu’ils ressortent des règlements et des communiqués de presse de l’UE, sont la lutte contre l’utilisation d’armes chimiques par la Syrie et la pression exercée sur le gouvernement syrien en raison des violations des droits de l’homme et de la répression politique.»

A noter qu’il a quelques jours, Washington a annoncé un allégement «temporaire» des sanctions à l’égard de la Syrie pour «ne pas entraver» la fourniture de services essentiels à la population.

Les états-Unis allègent les sanctions pour six mois

Dans un communiqué rendu public le 6 janvier, le département américain du Trésor a déclaré : «Compte tenu des circonstances extraordinaires (que connaît la Syrie), et pour soutenir le peuple syrien dans la construction d’un avenir plus prometteur, plus sûr et plus pacifique, le département du Trésor des Etats-Unis, par l’intermédiaire de l’OFAC (le Bureau de contrôle des actifs étrangers), publie la licence générale (GL) n°24 pour s’assurer que les sanctions n’entravent pas les services essentiels et la continuité des fonctions de gouvernance en Syrie, y compris la fourniture d’électricité, d’énergie, d’eau et d’installations sanitaires.»

En vertu de cette licence, le département américain du Trésor dit «élargir les autorisations concernant les activités et transactions en Syrie, depuis le  8 décembre 2024», cette date correspondant à celle de la chute du régime de Bachar Al Assad. «Cette autorisation est valable pour une durée de six mois, le gouvernement américain continuant à suivre l’évolution de la situation sur le terrain», précise la même autorité. «Pendant cette période de transition, le Trésor continuera à soutenir l’aide humanitaire et la gouvernance responsable en Syrie», a affirmé le secrétaire adjoint au Trésor, Wally Adeyemo.

De son côté, l’UE, par la voix de Kaja Kallas, haute-représentante de l’UE pour les Affaires étrangères, a annoncé vendredi qu’elle pourrait «assouplir progressivement» les sanctions contre la Syrie en cas de «progrès tangibles» des nouvelles autorités. Le chef de la diplomatie syrienne, Assaad Al Chibani, s’est réjoui de ce changement de position exprimé par l’UE, en faisant remarquer que les restrictions financières qui asphyxient la Syrie «constituent un obstacle au retour des réfugiés et un frein à la reprise économique».


 

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