L’enclave palestinienne est privée de nourriture et d’électricité : Un autre ramadhan infernal à Ghaza

13/03/2025 mis à jour: 00:21
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( Dessin : le Hic )

Cela fait maintenant plusieurs jours que la population de la Bande de Ghaza est exposée à une situation humanitaire extrêmement critique après qu’Israël ait décidé à partir du 2 mars d’empêcher l’entrée des convois d’approvisionnement de l’enclave palestinienne en denrées alimentaires. 

Une semaine plus tard, le dimanche 9 mars, l’occupant sioniste en a remis une couche en coupant l’électricité dans l’enclave assiégée, ce qui assombrit encore davantage le quotidien lugubre des Ghazaouis. Ces mesures, qui ont tout d’une punition collective, prises en violation du droit humanitaire international, se veulent une manière de faire pression sur le Hamas pour accepter de nouvelles conditions de trêve qui n’étaient pas prévues dans l’accord du 19 janvier. Plongée littéralement dans le noir, la population palestinienne prise en otage doit se rabattre sur ses maigres réserves pour survivre. Plusieurs ONG et agences onusiennes ont prévenu que si le blocus qui frappe l’entrée de l’aide humanitaire se poursuit, la Bande de Ghaza risque de sombrer de nouveau dans la famine et enregistrer des pics mortels de malnutrition. 

«Je pense que plus nous allons de l’avant (dans le maintien du blocus israélien, ndlr), plus nous verrons l’impact augmenter sur la population, et le risque est que nous retournions à la situation que nous avons connue il y a des mois, à savoir l’aggravation de la crise de la faim dans la Bande de Ghaza», a averti Philippe Lazzarini, le chef de l’UNRWA, ce lundi dans un point de presse à Genève, selon des propos rapportés par l’agence turque Anadolu. «Il est essentiel que l’aide humanitaire soit à nouveau autorisée à entrer afin de maintenir les progrès réalisés au cours de la première phase du cessez-le-feu et de répondre aux besoins fondamentaux de la population», a-t-il plaidé. 

La station de dessalement directement affectée

«Il s’agit clairement d’une militarisation de l’aide humanitaire à Ghaza», dénonce le patron de l’Agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens. Et d’expliquer : «Si vous bloquez tous les points d’entrée, vous créez une situation où vous utilisez l’aide humanitaire de base et la nourriture comme un instrument pour atteindre un objectif politique ou militaire, ce qui est contraire à toutes les normes humanitaires internationales.» Lazzarini a également déploré la coupure générale d’électricité qui touche le territoire. Il prévient que cela «réduira considérablement la disponibilité de l’eau potable, étant donné que la station de dessalement, qui bénéficie de cette électricité, produisait de l’eau potable pour 600 000 personnes». 

De son côté, Stéphane Dujarric, porte-parole du secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a attiré lui aussi l’attention, au cours d’un point de presse animé lundi à Genève, sur les conséquences désastreuses de la coupure délibérée de courant à Ghaza : «Cette décision va réduire considérablement la disponibilité de l’eau potable dans la bande de Ghaza. 

A partir d’aujourd’hui, l’installation fonctionnera avec des générateurs de secours, ce qui réduira la capacité de production d’eau», a-t-il assuré. M. Dujarric a pointé également le manque cruel de carburant qui affecte directement le fonctionnement de nombreux équipements vitaux de Ghaza, comme les hôpitaux. 

Amnesty International dénonce «des actes inhumains et illégaux»

Amnesty International a condamné à son tour les récentes restrictions israéliennes imposées à la population de Ghaza. «La décision d’Israël de couper l’approvisionnement en électricité de la principale station de dessalement en fonctionnement à Ghaza, une semaine après avoir stoppé l’entrée de toute aide humanitaire et de marchandises, notamment de denrées alimentaires et de carburant, viole le droit international humanitaire et atteste du génocide perpétré par Israël contre les Palestinien(ne)s dans la bande de Ghaza occupée», a déclaré Erika Guevara Rosas, directrice générale du plaidoyer et des campagnes à Amnesty International, citée dans un communiqué daté du 10 mars. 

«Ces actes inhumains et illégaux indiquent clairement qu’Israël poursuit sa politique consistant à imposer délibérément aux Palestinien(ne)s à Ghaza des conditions d’existence conçues pour entraîner leur destruction physique, ce qu’interdit la Convention sur le génocide. Ils rappellent également le contrôle qu’exerce Israël en tant que puissance occupante, qui lui permet d’activer et de désactiver à tout moment des services essentiels à la vie», souligne Mme Guevara. Elle rappelle dans la foulée que l’électricité qui alimente Ghaza est «fournie par le biais d’Israeli Electric Corporation, qui est payée par l’Autorité palestinienne». 

Amnesty International indique en outre que depuis le 14 novembre 2024, «l’usine de dessalement de la mer du Sud est devenue la seule installation de Ghaza à être reconnectée au réseau électrique israélien. La décision de la déconnecter à nouveau réduira sa capacité à produire de l’eau potable de 85%, passant de 18 000 m3 par jour à seulement 3000, ce qui aura des conséquences dévastatrices pour la population du centre et du sud de Ghaza».L’ONG de défense des droits humains rappelle que le territoire palestinien, ravagé par 15 mois d’une guerre des plus épouvantables, «connaît déjà une catastrophe au niveau de l’eau et de l’assainissement en raison des dégâts considérables et de la destruction des infrastructures hydrauliques et d’assainissement découlant des opérations militaires israéliennes et du blocus illégal en vigueur». 

Et de marteler : «Il ne faut pas laisser Israël utiliser l’eau comme arme de guerre. Le carburant, la nourriture, les abris et d’autres produits essentiels à la survie de la population civile sont une question de vie ou de mort, pas un moyen de faire pression lors des négociations.» L’ONG Médecins sans frontières (MSF) a elle aussi réagi aux violations commises par Israël en suspendant l’aide humanitaire vers Ghaza. 

«Les autorités israéliennes normalisent une fois de plus l’utilisation de l’aide comme outil (dans les négociations de cessez-le-feu avec le Hamas)», fustige Myriam Laaroussi, coordinatrice d’urgence de MSF, citée dans un communiqué diffusé hier. S’agissant des implications de la privation de la bande de Ghaza d’électricité, l’ONG précise que cela a fait chuter la production d’eau potable de 17 millions de litres d’eau par jour à 2,5 millions. 

«Cette décision de couper l’électricité aura progressivement de graves répercussions sur l’approvisionnement public en eau et sur la santé de la population», alerte MSF. Sur le terrain, le quotidien des Ghazaouis est de nouveau devenu plus difficile après que la population ait connu un peu de répit au lendemain du cessez-le-feu. Bilal Junaid, un habitant de Jabaliya, dans le nord de l’enclave, «a choisi le point le plus élevé au-dessus des décombres de sa maison détruite pour planter sa tente et mettre ses enfants à l’abri de la poussière des rues et des eaux usées, craignant qu’ils ne contractent des maladies», relate un reportage de BBC News Arabic publié sur le site de la BBC le 6 mars. 

«Il n’a pas de médicaments ni les moyens financiers de les soigner. (…) La décision de fermer les points de passage a aggravé ses souffrances», écrit Adnane Al Bursh, l’un des correspondants palestiniens de la BBC à Ghaza et auteur de ce reportage. Bilal s’emporte : «C’est le plus grand crime que de fermer les points de passage, surtout pendant le mois sacré du Ramadhan !» «Nous souffrons beaucoup de la fermeture de ces voies de circulation», témoigne-t-il. «Je ne sais pas quoi dire ni comment décrire la situation. Je ne peux même pas acheter de tomates pour mes enfants. Je vis sous cette tente avec ce qui me reste de biens. Tous nos meubles, nos vêtements, nos effets personnels sont sous les décombres de notre maison détruite. Après, nous avons pris l’habitude de vivre dans des écoles-abris. Aujourd’hui, je suis venu pour essayer de récupérer quelques fringues que je pourrais réutiliser. Cette bâtisse faisait six étages et nous y vivions décemment, dans des appartements.» 

Bilal poursuit : «Nous sommes totalement dépendants de l’aide, et aujourd’hui, nous en sommes privés. Je ne sais pas ce que mes enfants et moi pourrons manger pour l’iftar après une journée de jeûne. Nous n’avons aucune possibilité d’emploi et le pays tout entier est complètement fermé. Un sac de farine coûte 150 shekels (environ 42 dollars américains) et je n’ai pas les moyens de l’acheter.» Abdullah Qarmout, un autre Ghazaoui, dénonce auprès du reporter de la BBC la spéculation des commerçants encouragée par les pénuries : «Ils ont commencé à cacher leurs marchandises dès qu’Israël a fermé les points de passage, ce qui a entraîné leur disparition du marché. Ils ont ensuite commencé à les écouler à des prix très élevés», peste-t-il. Selon l’article de Adnane Al Bursh de BBC Arabic, «80% de la population de Ghaza dépend de l’aide humanitaire pour survivre». 

Citant le ministère du Développement social de Ghaza, il ajoute : «La suspension de l’aide expose plus de 289 824 enfants et 139 764 personnes âgées à un risque de famine. A cela s’ajoute le froid extrême en raison du manque de couvertures et de chauffage.» Mustapha Benfodil
 

 

 L’Algérie « profondément préoccupée »  

L’Algérie a exprimé, mardi à New York par la voix de son représentant permanent auprès des Nations unies, M. Amar Bendjama, sa «profonde préoccupation» quant à la situation dans les territoires palestiniens occupés et aux souffrances incessantes endurées par le peuple palestinien en raison de l’occupation sioniste. Dans son allocution lors d’un briefing annuel du Conseil de sécurité des Nations unies sur la coopération entre les Nations unies et l’Union européenne (UE), dans le cadre du point de l’ordre du jour «Coopération entre l’ONU et les organisations régionales et sous-régionales pour le maintien de la paix et de la sécurité internationales», M. Bendjama a souligné que l’Algérie est «vivement préoccupée» par la situation dans les territoires palestiniens occupés et «par les souffrances incessantes endurées par les civils palestiniens», saluant «les efforts de l’UE pour atténuer ces souffrances, ainsi que son engagement en faveur d’un règlement juste et durable de la question palestinienne, conformément aux références internationalement  reconnues», à savoir la mise en œuvre de la solution à deux Etats. La réunion d’aujourd’hui se tient «alors que le monde fait face à des crises multiformes et interconnectées exigeant une réponse coordonnée et multilatérale», a-t-il poursuivi, soulignant que «le niveau de complexité de ces défis met en évidence la nécessité d’une coopération renforcée entre les Nations Unies et les organisations régionales, comme le prévoit le chapitre VIII de la Charte des Nations unies». 

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