Le président Tebboune a instruit la justice et les services de sécurité à l’effet de ne plus s’autosaisir pour engager des enquêtes ou des poursuites judiciaires à l’encontre de responsables sur la base de lettres anonymes.
Nouvel amendement du code pénal en vue dépénaliser l’acte de gestion et d’encourager l’investissement et les gestionnaires. Le gouvernement a finalisé, mercredi dernier, un avant-projet de loi modifiant l’ordonnance n°66-156 du 8 juin 1966 portant code pénal. Présenté en deuxième lecture, selon un communiqué du Premier ministère, ce projet de texte «vise notamment à renforcer la lutte contre la criminalité, à améliorer la performance de la justice et à protéger pénalement l’enseignant ainsi que certaines catégories vulnérables».
«Cet amendement consacre également l’engagement résolu de l’Etat à accompagner et à protéger les gestionnaires et les investisseurs, notamment à travers la dépénalisation de l’acte de gestion», précise le communiqué. Cet avant-projet de loi, lit-on dans le même document, introduit également une nouvelle mesure, à savoir «l’incrimination de l’entrave à l’acte d’investir dans le but de porter atteinte à l’économie nationale».
«Ce projet a pris en charge l’instruction de Monsieur le président de la République, portant sur le durcissement des peines applicables en matière de fraude et de falsification sous toutes ses formes, notamment la falsification de documents de résidence pour l’obtention indue d’un foncier ou d’un logement», souligne le même communiqué, sans donner plus de détails sur le contenu de cet amendement.
En mars dernier, rappelons-le, le ministre de la Justice, Abderrachid Tabi, avait indiqué que plusieurs textes de loi sont concernés par cette révision. «Il s’agit de revoir l’article 2 de la loi sur la lutte contre la corruption, l’article 119 du code pénal, certaines dispositions du code du commerce et encore d’autres dispositions du code de procédure pénale», avait-il détaillé. C’est la deuxième fois que l’Exécutif se penche sur cette question de dépénalisation de l’acte de gestion. La première décision, dans ce sens, remonte à 2011.
«Protéger les responsables des poursuites judiciaires»
Mais l’amendement de la loi n’a été effectif qu’en 2015 avec l’adoption, en Conseil des ministres, d’une ordonnance modifiant et complétant le code de procédure pénale et relative à la dépénalisation de l’acte de gestion. L’ordonnance en question disposait que «lorsque des infractions pénales sont commises au préjudice d’une entreprise économique, dont l’Etat détient la totalité des capitaux, ou d’une entreprise à capitaux mixtes, l’action publique n’est engagée que sur plainte des organes sociaux concernés (conseil d’administration, assemblée générale)».
Le même texte note aussi que «la non-dénonciation de ces infractions par les membres des organes sociaux serait passible de poursuites» et «qu’un procureur ne peut pas engager des poursuites contre un cadre en l’absence de plainte des organes sociaux concernés». Mais l’épée de Damoclès est restée suspendue au-dessus de la tête des gestionnaires.
La peur de la prison a atteint son apogée après le lancement de la campagne de lutte contre la corruption suite au mouvement populaire, le hirak du 22 février 2019. Des gestionnaires, des responsables des administrations publiques et des hauts responsables se sont ainsi interdit toute initiative.
Résultat : un blocage de toutes les décisions prises par le gouvernement. Cette situation a amené le chef de l’Etat, Abdelmadjid Tebboune, à donner des instructions «pour protéger des responsables des poursuites judiciaires». Il a instruit, dans la foulée, la justice et les services de sécurité à l’effet de ne plus s’autosaisir pour engager des enquêtes ou des poursuites judiciaires à l’encontre des responsables sur la base de lettres anonymes.