Le célèbre journaliste syrien Ahmad Fakhouri, figure emblématique d’Al Jazeera qui a fait ses classes à la BBC
et qui est longtemps resté en exil, fuyant la dictature d’Al Assad, dit dans une vidéo sur son compte Instagram : «Ne prêtez pas attention aux petites querelles de clocher qui déchirent les réseaux sociaux.
Tu surfes deux minutes sur X ou sur Facebook, tu as l’impression que c’est la guerre civile en Syrie. Mais quand tu vas discuter avec les gens dans la rue, tu constates qu’ils ne prêtent guère attention à ces futilités. Les Syriens veulent vivre dans la dignité. Et ce qui va venir sera encore plus beau. Ne laissez personne vous voler cette joie !»
Les Syriens ont abordé l’année 2025 avec beaucoup d’optimisme, et cela s’est vu lors des célébrations du Nouvel An. A Damas mais aussi à Alep, à Deraa, à Hamah, à Homs et dans toutes les villes syriennes, l’ambiance est toujours à la fête. Le peuple syrien tout entier semble uni, galvanisé, faisant bloc autour d’une même cause et poursuivant un même rêve : la reconstruction du pays sur des bases saines en tâchant d’édifier un Etat qui embrasse toutes les communautés. Aussi, la nouvelle administration n’a-t-elle de cesse d’envoyer des messages insistant sur le caractère inclusif du régime de gouvernement qu’Ahmad Al Sharaa et ses partenaires se sont engagés à mettre en place.
La tâche n’est guère facile quand on voit la prudence avec laquelle beaucoup d’observateurs suivent et scrutent la transition syrienne et quand on voit aussi le poids de la suspicion qui continue à peser sur Ahmad Al Sharaa et la nébuleuse islamiste qui l’accompagne. L’une des questions que pose cette étape sensible porte sur ses «sponsors», déclarés ou cachés, à commencer par Erdogan qui a soutenu HTS et l’Armée nationale syrienne, avatar de l’Armée syrienne libre.
Et on sait que la Turquie est déterminée à ne pas lâcher les Kurdes syriens jusqu’à ce qu’ils déposent les armes, quitte à envahir militairement le nord de la Syrie. Une autre question centrale porte sur le «passif» d’Abou Mohammad Al Joulani et de son organisation armée, et ses liens anciens avec Daech et Al Qaïda. Même si organiquement, Al Sharaa a rompu avec les anciennes franchises de l’internationale terroriste, il n’empêche que son gouvernement est surveillé de près quant à son logiciel idéologique et doctrinal.
«Nous voulons un modèle spécifique à la société syrienne»
Les minorités confessionnelles se demandent toutes si «Al Sharaa ne va pas appliquer la Charia» comme le laisse entendre le nom civil d’Al Joulani. Ces inquiétudes se sont matérialisées dans au moins deux situations qui ont donné lieu à de vives polémiques en Syrie. La première a été déclenchée par la responsable du Bureau des affaires de la femme, Aïcha Al Debs.
Dans une interview accordée à la chaîne de télévision turque TRT, l’unique figure féminine dans le gouvernement de transition a déclaré que les associations féministes syriennes «seraient les bienvenues si leur action soutenait le modèle que nous sommes en train de construire».
Et de lâcher : «Je ne vais pas offrir une tribune à celles qui ne sont pas d’accord avec ma pensée. Nous voulons créer un modèle spécifique à la société syrienne, qui correspond à notre réalité, et c’est la femme syrienne qui va créer ce modèle.» Des déclarations qui n’ont pas plu aux féministes et aux militantes anti-islamistes.
Un autre sujet vient de semer également la discorde au sein de l’opinion syrienne : le nouveau ministre de l’Education Nazir Al Qadri a annoncé, mercredi, des changements dans les manuels scolaires de façon à les débarrasser des contenus propagandistes à la gloire du Baâth et de la dynastie Al Assad. «Le ministère de l’Education a publié une circulaire visant à apporter un certain nombre de modifications aux programmes scolaires, de la première année du primaire à la troisième année du secondaire», rapporte Al Jazeera. «Les modifications consistent principalement à supprimer le sujet de l’éducation nationale du programme, à remplacer tous les passages, les images et leçons associés au régime déchu d’Al Assad dans toutes les matières et à apporter des changements au niveau de l’éducation islamique.
Des expressions telles que ’le principe d’humanité’ et ’donner sa vie pour son pays’ seront respectivement remplacées par ‘la fraternité de la foi’ et ’donner sa vie pour Dieu’, et le nom de la reine Zénoubia sera supprimé de l’une des leçons», détaille Al Jazeera. Il a été également préconisé d’enlever les poèmes d’amour.
Al Assad déboulonné des manuels scolaires
Devant la vive controverse qui a suivi cette annonce, certains y voyant les prémices d’une reconfiguration clairement «salafiste» du système pédagogique, le ministre de l’Education Nazir Al Qadri a tenu à rassurer à travers un communiqué : «Nous affirmons que les programmes de toutes les écoles sont toujours en vigueur jusqu’à ce que des comités spécialisés soient formés pour revoir et examiner ces manuels. Nous avons seulement ordonné la suppression de tout ce qui glorifie l’ancien régime d’Al Assad et nous avons adopté le drapeau de la révolution syrienne qui remplacera celui du régime déchu.
Ce qui a été annoncé concernait surtout un amendement à certaines des informations erronées introduites par l’ancien système dans le programme d’éducation islamique, comme l’explication de certains versets du Coran d’une manière inappropriée.»
En écho à ces polémiques et d’autres qui enflamment les réseaux sociaux, le célèbre journaliste syrien Ahmad Fakhouri, figure emblématique d’Al jazeera qui a fait ses classes à la BBC et qui est longtemps resté en exil, fuyant la dictature de Bachar Al Assad, a posté une vidéo sur son compte Instagram dans laquelle il s’élève contre ce qu’il présente comme des «polémiques stériles» : «Pour faire court, les gens sont très optimistes, très heureux.
Ne prêtez pas attention aux petites querelles de clocher qui déchirent les réseaux sociaux», assène-t-il. Et de faire remarquer : «Tu surfes deux minutes sur X ou sur Facebook, tu as l’impression que c’est la guerre civile en Syrie. Que les divisions minent le pays. Tu as des débats houleux sur la laïcité, la démocratie, la gouvernance civile, et je ne sais pas quoi…
Mais quand tu vas discuter avec les gens dans la rue, tu constates qu’ils ne prêtent guère attention à ces futilités. Ils savourent leur salut et n’accordent aucune importance à tous ces concepts fumeux pour lesquels s’entretuent les combattants des réseaux sociaux. Les Syriens veulent vivre dans la dignité. Félicitations à eux. Et ce qui va venir sera encore plus beau. Ne laissez personne vous voler cette joie !»
Liban : L’armée sioniste intensifie ses frappes dans le sud
Les forces armées sionistes ont lancé hier de nouvelles frappes dans le sud du Liban pendant la nuit, en violation du cessez-le-feu instauré le 27 novembre 2024, rapportent hier i des médias locaux.
Selon l’Agence nationale de presse libanaise, les forces sionistes «ont mené une opération de bombardement près de la ville de Bani Haiyyan à minuit».«Une autre frappe a été signalée à Kfar Kila, avec des explosions audibles dans toute la région sud», a ajouté l’Agence. Des rapports antérieurs de l’Agence indiquaient que les forces sionistes «utilisaient des mitrailleuses lourdes pour ratisser la ville de Bint Jbeil depuis leurs positions près de la ville de Maroun Al Ras». Ces attaques constituent les dernières violations du cessez-le-feu en vigueur depuis le 27 novembre 2024.
Qatar Airways reprend ses vols vers la Syrie
La compagnie aérienne Qatar Airways a annoncé, jeudi dans un communiqué, la reprise de ses vols vers la Syrie le 7 janvier, à raison de trois vols hebdomadaires au départ de Doha et à destination de la capitale Damas.
Il s’agit de la première compagnie aérienne étrangère à faire état de la reprise de ses vols pour Damas depuis la chute de Bachar Al Assad le 8 décembre 2024. «Qatar Airways travaille en étroite collaboration avec les autorités compétentes pour s’assurer que toutes les normes de sécurité et d’exploitation nécessaires sont respectées avant le redémarrage», a affirmé la compagnie.
Elle a salué une «étape importante dans le rétablissement des liens dans la région», environ un mois après la chute de Bachar Al Assad. Les liaisons entre le Qatar et la Syrie avaient été rompues après le début du conflit en Syrie en 2011. Le Qatar a été le deuxième pays, après la Turquie, à rouvrir son ambassade à Damas après le 8 décembre 2024.