La procédure de levée d’immunité engagée : Des sénateurs sur la sellette

21/04/2022 mis à jour: 06:18
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Photo : D. R.

Le ministère de la Justice a introduit, il y a un peu plus d’une semaine, des demandes de levée de l’immunité parlementaire à l’encontre de parlementaires, et ces notifications ont atterri aux bureaux des deux institutions parlementaires.

Poursuivis dans diverses affaires de droit commun, plusieurs députés et sénateurs risquent d’être déchus de leur immunité parlementaire. Une soixantaine d’autres  sont également concernés par la levée de l’immunité en raison d’incompatibilité avec le mandat parlementaire.

Pour l’heure, un seul sénateur a pris les devants en renonçant à son immunité parlementaire. A l’Assemblée populaire nationale (APN) et au Conseil de la nation, c’est la course contre la montre à l’effet d’adapter avec la Constitution les procédures de levée de l’immunité parlementaire, notamment en ce qui concerne les cas d’incompatibilité.

Il faut rappeler que le ministère de la Justice a introduit, il y a un peu plus d’une semaine, des demandes de levée de l’immunité parlementaire à l’encontre de parlementaires, et ces notifications ont atterri aux bureaux des deux institutions parlementaires.

Si à la Chambre basse du Parlement le dossier n’a pas encore été transféré à la commission des affaires juridiques, au Conseil de la nation, la commission des affaires juridiques et administratives et des libertés a été destinataire de tous les dossiers et a saisi, dans ce sens, les sénateurs concernés. Sept au total, dont trois sont issus de la dernière élection portant renouvellement partiel des membres de cette Chambre haute du Parlement.

Parmi les sept sénateurs, un seul a renoncé à son immunité parlementaire. Les autres élus objets de notification auraient, comme à l’Assemblée, refusé de se désister de leur immunité parlementaire. Toutefois, ces demandes de levée d’immunité se sont heurtées, nous explique un député du MSP, à des «entraves de forme». Il s’agit plus précisément de la «non-conformité» du règlement régissant le fonctionnement des deux Chambres parlementaires avec la Constitution du 1er novembre 2020 concernant la levée de l’immunité parlementaire.

Une soixantaine de cas d’incompatibilité

Cette dernière stipule que le membre du Parlement peut faire l’objet de poursuites judiciaires pour les actes ne se rattachant pas à l’exercice de ses fonctions parlementaires après renonciation expresse de l’intéressé à son immunité.

Et dans le cas où l’immunité n’est pas levée, les parlementaires pris en défaut peuvent saisir la Cour constitutionnelle pour qu’elle rende une décision sur la levée ou non de l’immunité. «La disposition se heurte à la loi régissant le fonctionnement du Parlement, qui n’a pas encore adapté ses dispositions à la Constitution, puisque cette loi stipule que la demande de levée de l’immunité parlementaire est déposée au bureau de l’Assemblée populaire nationale par le ministre de la Justice.

En plus de cela, il y a un problème d’interprétation erronée des lois. Un député associé dans une entreprise commerciale ou propriétaire d’une pharmacie ou autre va-t-il abandonner son activité ? Impossible», note Ahmed Saddouk, député du MPS, qui cite d’autres cas de députés, notamment des notaires et autres activités libérales, dont les lois spécifiques leur accordent, rappelle-t-il, la possibilité de se faire remplacer via une procuration ou de constituer une société civile le temps d’un mandat parlementaire.

«Il ne faut pas perdre de vue qu’il s’agit là d’activités liées au service public qui ne peuvent être interrompues le temps d’un mandat législatif. Est-ce que vous pensez qu’un député qui possède une station-service va renoncer à son activité ? Comment va-t-il régler ce problème, d’autant qu’il ne dispose que d’un délai d’un mois ?» s’interroge un élu d’El Bina.

A l’APN, les concernés par le cumul de fonctions revendiquent un prolongement du délai afin de trouver une solution à leur problème.

Au niveau des groupes parlementaires, c’est le branle-bas de combat pour régler définitivement les cas d’incompatibilité avec le mandat parlementaire. 

A ce sujet, il faut préciser que la Constitution stipule que le mandat de député et de membre du Conseil de la nation est national et non cumulable avec d’autres mandats ou fonctions et que le député ou le membre du Conseil de la nation doit se consacrer pleinement à l’exercice de son mandat.

Par ailleurs, le député Mohamed Bekhadra de la communauté algérienne à l’étranger, accusé d’avoir servi dans la légion étrangère de l’armée française en tant qu’infirmier et qui aurait été empêché, mercredi dernier par l’administration de l’APN, d’accéder à l’hémicycle Zighout Youcef, a expliqué, hier, dans une lettre dont El Watan détient une copie, qu’il tient à son immunité et qu’il était «victime d’un complot et d’un règlement de comptes». 

«En France, je me bats tous les jours contre les harkis et ceux qui ternissent l’image de mon pays. Aujourd’hui, j’ai le soutien de mes pairs a l’Assemblée», relève-t-il. 

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