Les médias américains sont quasi unanimes : derrière la méthode musclée de Donald Trump se cache un risque économique important. De CNN à CNBC en passant par les experts de Wall Street, les analyses fusent et elles ne sont pas rassurantes.
La nouvelle offensive de Donald Trump - des droits de douane élevées sur toutes les importations - a déclenché une vague de commentaires critiques dans la presse économique des Etats-Unis. Le signal d’alarme est donné par CNN, qui titre : «Les tarifs de Trump sont mauvais pour vous, pour vous, pour vous et pour vous», (Trump’stariffswillbebad for you. And you, and you, and you, and you).Autrement dit : personne n’est épargné. Et surtout pas les Américains.
Interrogé par la chaîne, Paul Donovan, chef économiste chez UBS Global Wealth Management, assène : «Les Etats-Unis ne sont pas en train d’éternuer, ils sont en train de se couper un membre». Car, comme le rappelle CNN, l’économie américaine semblait bien partie en début d’année, mais cette politique tarifaire pourrait changer la donne. «Si ces tarifs restent en place, cela fera probablement basculer l’économie en récession», prévient Donovan.
Les éditorialistes économiques américains redoutent le scénario suivant : la surchauffe des prix, l’effondrement de la consommation, le blocage des investissements. JP Morgan, très suivi par la presse spécialisée, estime, dans une note relayée par CNN, que les tarifs annoncés constituent «la plus grande hausse d’impôts de ces dernières décennies», équivalente à 660 milliards de dollars. Autre prévision inquiétante pour les Américains : l’impact direct sur l’inflation déjà problématique aux Etats-Unis. CNN rappelle que cette hausse se ferait sur une base déjà élevée, avec une inflation de 2,8% en février dernier, selon le Bureau of Labor Statistics.
La presse américaine insiste aussi sur le paradoxe d’une stratégie qui prétend défendre les intérêts nationaux, mais qui risque de nuire d’abord aux citoyens américains eux-mêmes. Car ces taxes se traduisent immédiatement par une flambée des prix à la consommation. JPMorgan estime que les droits de douane ajouteront près de 2% à l’indice des prix à la consommation en 2025. Déjà en difficulté, l’inflation américaine, qui atteignait 2,8% en février selon le Bureau of Labor Statistics, pourrait ainsi franchir un nouveau cap.
Climat de méfiance et de prudence sur les marchés
La guerre commerciale ne s’arrête pas aux frontières douanières : elle entraîne des ripostes, des réorganisations industrielles, et parfois des ruptures d’approvisionnement. La chaîne américaine insiste sur le fait que les partenaires de Washington (Chine et Europe en tête) n’ont pas l’intention de rester les bras croisés.
Il est à noter, à ce propos, que peu de médias américains soutiennent la stratégie commerciale de Trump. Même des publications économiques traditionnellement proche du Président américain, voire conservatrices, mettent en doute l’efficacité de cette approche présentée par Trump sous le slogan «MakeAmericaWealthyAgain» (Rendre l’Amérique riche de nouveau). Deutsche Bank, cité par le Wall Street Journal et CNBC, parle d’une «hausse du risque de récession aux Etats-Unis».
Bloomberg notent que la contraction potentielle de la demande américaine frapperait durement les exportateurs mondiaux, créant un climat de méfiance et de prudence sur les marchés. Même les grands médias généralistes, d’ordinaire mesurés, s’interrogent. Selon les journalistes économiques de CNBC, la formule de Trump repose sur un calcul simpliste et biaisé : «Le déficit commercial des Etats-Unis avec un pays, divisé par ses exportations vers les Etats-Unis, le tout divisé par deux». A cela s’ajoute un tarif plancher automatique de 10%, appliqué à presque tous les pays. Le problème, relevé dans une analyse de CNBC, repose sur le fait que la politique trumpienne a ignoré l’élasticité des prix à l’importation.
La Maison Blanche part du principe que les prix à l’importation réagissent faiblement aux tarifs (élasticité de 0,25), alors que les recherches les plus récentes la situent beaucoup plus haut, soit 0,945, selon Kevin Corinth et Stan Veuger, économistes de l’American Enterprise Institute qui ont publié une analyse sur le sujet. «Leur erreur, c’est de baser l’élasticité sur la réponse des prix de détail aux tarifs, au lieu de se concentrer sur les prix à l’importation, comme ils auraient dû le faire», écrivent-ils. Résultat ? Des tarifs artificiellement gonflés, qui ne reflètent pas la réalité économique. CNBC souligne que si les bons paramètres étaient utilisés, aucun pays ne devrait subir un tarif supérieur à 14%, et la plupart resteraient à 10%.
Parmi les exemples cités figure celui du Lesotho.
Selon la formule de Trump, ce pays se voit imposer le taux maximal de 50%. Mais corrigée par des hypothèses plus réalistes, cette taxe tomberait à 13,2%. Une démonstration implacable de ce que CNBC appelle une «fausse équation protectionniste».
Des erreurs de calcul qui ont conséquences sur les marchés, les chaînes d’approvisionnement et le pouvoir d’achat des consommateurs américains comme étrangers. Amel Blidi