La guerre de TikTok

26/03/2023 mis à jour: 02:30
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Après Huawei, TikTok. Un nouvel épisode de la guerre technologique que se livrent les Etats-Unis et la Chine est en train de se jouer, autour cette fois de l’une des plus populaires plateformes vidéo et de réseautage social.

TikTok, le petit prodige chinois lancé en 2016, qui bouscule les géants Facebook et Twitter (plus de deux milliards de téléchargements dans le monde), serait un cheval de Troie, un autre, que les espions chinois enfourchent pour pomper à grande échelle les données personnelles des plus de 150 millions d'Américains à s’être abonnés à l’application. La Maison-Blanche a interdit aux fonctionnaires d’utiliser TikTok sur leurs smartphones professionnels.

La même interdiction a été adoptée par la Commission européenne et des gouvernements occidentaux. En France, l’interdiction est tombée avant-hier vendredi : les applications «récréatives» sont interdites d’installation et d’utilisation sur les téléphones portables professionnels des agents de la Fonction publique.

La méfiance-hostilité à l’égard de la plateforme ne fait qu’enfler et il est certain aujourd’hui qu’Emmanuel Macron ne refera plus le coup de juillet dernier, lorsqu’il a félicité les bacheliers français via son propre compte TikTok.

Cette suite de mesures, pour l’heure «préventives», prises par les gouvernements occidentaux, prend prétexte sur une «loi» chinoise, datant de quelques années et donnant en substance pouvoir aux services de l’Etat de demander réquisition des données personnelles détenues par des entreprises locales, quand le motif de «sécurité nationale» est invoqué.

Un texte similaire existe pourtant aux USA : la loi Cloud Act votée en 2018 permet aux agences de renseignement fédérales d’obtenir les données de citoyens non américains détenues dans les serveurs d’entreprises américaines (Google, Facebook, Apple, Microsoft…).

Une diplomate chinoise a dû, avant-hier, une énième fois récuser toutes les intentions prêtées à son gouvernement sur le sujet. «Le gouvernement américain n’a jusqu’à présent apporté aucune preuve que TikTok représente une menace à la sécurité nationale des Etats-Unis», a défié la porte-parole, dénonçant comme «attaques injustifiées» les menées américaines contre l’application.

Deux jours auparavant, jeudi dernier, le patron de TikTok, Shou Zi Chew, a passé un mauvais et long quart d’heure au Congrès américain à tenter de convaincre des élus particulièrement hostiles que son application était un instrument inoffensif qui fait le bonheur des jeunes et des artistes en herbe, et qui permet de gagner de l’argent, sans plus.

M. Chew, qui voit venir une interdiction pure et simple de la plateforme par Washington, fait même une grosse concession en s’engageant à ce qu’avant la fin de l’année la gestion de toutes les données concernant les 150 millions d’utilisateurs américains sera confiée exclusivement aux serveurs du groupe Oracle, basés aux Etats-Unis.

Il a quand même pu placer une pique, en rappelant le scandale de Cambridge Analytica qui avait impliqué le tout-américain Facebook dans une vaste opération de siphonnage de données qui a profité aux Russes.

La Chine, qui travaille à assurer son «autonomie technologique», comprendre du fait accompli de domination américaine sur le numérique mondial, arrive à aller plus loin que cet objectif. Le cas TikTok est l’une des illustrations de ces succès qui posent problème aux Etats-Unis.

La plateforme, au départ conçue pour les jeunes, continue de déborder sur les autres catégories d’utilisateurs et de gagner en démographie, y compris aux Etats-Unis. En volume de temps passé par les Américains sur les plateformes de navigation, l’application a dépassé YouTube, Twitter, Instagram et Facebook.

Il est évident qu’au-delà des préoccupations sécuritaires qui peuvent être fondées, il y a bien des enjeux de leadership et de suprématie technologique, économique et politique qui sont en train d’imposer leurs logiques. 

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