La décision fait l’objet de divisions entre les Vingt-Sept : L’Union européenne «réexamine» son aide aux Palestiniens

11/10/2023 mis à jour: 00:40
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Photo : D. R.

Alors que les bombes pleuvent sur Ghaza, l’Union européenne choisit de «réexaminer» son aide financière à la Palestine. Bruxelles a multiplié les déclarations contradictoires sur cette question, annonçant d’abord une «suspension» de cette aide, puis plaidant – dans une déclaration avec le Conseil de coopération du Golfe (CCG) – pour «un soutien financier durable» aux Palestiniens. L’UE s’achemine vers une suspension des aides au développement, l’aide au développement réservée aux Territoires palestiniens, en maintenant néanmoins l’aide humanitaire. Une démarche déjà entamée par l’Allemagne et le Danemark.

Le cafouillage de Bruxelles concernant cette question a donc commencé par une annonce initiale de la «suspension» des paiements de la part de l’UE, suivie d’un revirement de la Commission européenne pour un «réexamen» de sa politique d’aide.

Si les annonces contradictoires mettent en lumière les divisions des 27 Etats membres sur cette question, il reste que l’Union européenne donne l’impression de se servir de cette aide comme d'une monnaie d’échange pour exercer une pression supplémentaire sur le Hamas et, par ricochet, sur les Palestiniens. Les pays européens sont, faut-il le souligner, unanimes pour exprimer un soutien sans équivoque à Israël et dénoncer les attaques prétendument «terroristes» du Hamas.

La Commission européenne avait surpris en annonçant hier la suspension de tous les paiements prévus dans le cadre de l’aide au développement à la Palestine, une décision qui avait pris de court plusieurs Etats membres. Le commissaire européen en charge de la politique de voisinage de l’UE, Oliver Varhelyi, avait justifié cette mesure par son soutien sans équivoque à Israël.

«Tous les paiements immédiatement suspendus, tous les projets réexaminés, tous les budgets concernant des projets, y compris pour 2023, reportés jusqu’à nouvel ordre, réévaluation de tout le programme», avait affirmé le commissaire hongrois en charge du voisinage et de l’élargissement, dans un message sur X (ex-Twitter). Il a indiqué que le programme d’aide au développement en cours s’élevait à 691 millions d’euros. Cependant, cette décision a rapidement suscité des réactions mitigées au sein de l’UE. Plusieurs Etats membres, dont l’Espagne, l’Irlande, le Portugal, la France et le Luxembourg, ont exprimé leur désaccord avec cette initiative «unilatérale».

Ils ont fait valoir que l’aide de l’UE était essentielle pour la population palestinienne et qu’une suspension des paiements pourrait nuire à ceux qui en ont le plus besoin. Selon le ministère des Affaires étrangères à Madrid, le chef de la diplomatie espagnole, Jose Manuel Albares, a appelé le commissaire Varhelyi pour protester contre cette décision, jugeant qu’elle devait d’abord être discutée par les Vingt-Sept.

Le gouvernement de gauche espagnol y a exprimé son «malaise» et son «désaccord». Idem à Dublin. «Notre analyse est qu'il n'y a pas de base légale pour une décision unilatérale de cette nature prise par un commissaire individuellement et nous ne soutenons pas une suspension de l'aide», a déclaré un porte-parole du ministère irlandais des Affaires étrangères. Ce dernier a précisé que l'Irlande avait formellement demandé à la Commission de préciser la légalité de sa décision. Le ministre luxembourgeois des Affaires étrangères, Jean Asselborn, a souligné que la population de Ghaza, qui compte deux millions de personnes, était vulnérable dans ce conflit.

«On est le plus grand donateur pour Ghaza. C’est important pour les jeunes cette aide. Ce n’est pas de l’argent pour le Hamas. C’est pour la population de Ghaza», a commenté le ministre luxembourgeois des Affaires étrangères, Jean Asselborn. Aussi, face à cette controverse, la Commission européenne a-t-elle tenté de rectifier le tir. Josep Borrell, le chef de la politique étrangère de l’UE, a insisté sur le fait que l’aide humanitaire de l’UE aux Palestiniens se poursuivrait sans interruption, soulignant que la suspension des paiements aurait des conséquences négatives sur la population palestinienne.

L’Allemagne, qui a suspendu «provisoirement» son aide au développement, a précisé le maintien de l’aide humanitaire à la population palestinienne, qui en «dépend» pour ses besoins vitaux. «Il serait totalement erroné de suspendre l’aide humanitaire à la population civile, car des millions de personnes, dont de nombreux enfants, dans les Territoires palestiniens dépendent de nous pour leur approvisionnement en nourriture», déclarait hier la ministre des Affaires étrangères allemande, Annalena Baerbock.

La même ministre exhorte l’Autorité palestinienne à «se distancier» de ce qu’elle nomme la «terreur» du Hamas que – selon les mots de la ministre allemande – «rien ne peut justifier». L’aide humanitaire allemande, qui s’élève à près de 73 millions d’euros pour 2023, est avant tout alimentaire et médicale. Quant aux 250 millions d’euros d’aide au développement que l’Allemagne s’était engagée à investir dans les Territoires palestiniens, la moitié (125 millions) avait été promise sur 2023 et 2024 pour des projets à long terme, comme l’approvisionnement et l’évacuation en eau, une usine de dessalement, la création d’emplois pour les jeunes. L’autre moitié de la somme devait être versée notamment à l’Unrwa.

Le Danemark a également annoncé suspendre son aide au développement aux Palestiniens, mais maintenir l’aide humanitaire. Le gouvernement danois annonce le lancement d’une étude pour «s’assurer que les fonds danois ne sont pas utilisés à mauvais escient», selon le communiqué qui ne veut pas que ces fonds servent à soutenir indirectement des organisations comme le Hamas. Pour 2023, le pays scandinave avait prévu une aide aux Palestiniens de 235,5 millions de couronnes (31,6 millions d’euros), programme désormais suspendu. De surcroît, 115 millions de couronnes d’aide humanitaire doivent être alloués pour l’aide d’urgence ainsi que 25,8 millions à travers des ONG danoises.

Ce versant de l’assistance danoise est maintenu.Il est à noter qu’en tout et pour tout, l’Union européenne, plus important soutien financier aux Palestiniens, a un budget de quelque 1,2 milliard d’euros entre 2021 et 2024 pour financer des projets, notamment dans l’éducation ou la santé. L’Europe est l’une des principales sources d’aide aux Territoires palestiniens occupés, où les Nations unies estiment qu’environ 2,1 millions de personnes ont besoin d’une assistance humanitaire, dont 1 million d’enfants. 

Goudjil appelle les factions palestiniennes à s’unir

Le président du Conseil de la nation, Salah Goudjil, a appelé, lundi à Alger, les factions palestiniennes à s’unir et à parler d’une seule voix pour réaliser l’indépendance de l’Etat de Palestine. «Suite à l’agression sioniste contre Ghaza et la Cisjordanie occupée pour le troisième jour consécutif, nous appelons les factions palestiniennes à parler d’une seule voix en s’unissant autour de l’accord de réconciliation qu’elles ont signé, l’année dernière en Algérie, sous le parrainage du président de la République, Abdelmadjid Tebboune», a déclaré M. Goudjil au terme d’une séance plénière consacrée au vote de trois projets de loi.

L’unification des rang palestiniens est «le seul et unique moyen de réaliser l’indépendance de la Palestine», a affirmé M. Goudjil, exhortant la communauté internationale à «assumer ses responsabilités dans la protection du peuple palestinien et l’application du droit international pour permettre au peuple palestinien d’exercer son droit légitime à l’établissement de son Etat indépendant avec El Qods comme capitale».

A cette occasion, il a rappelé le soutien et l’appui de l’Algérie à la résistance palestinienne. M. Goudjil a, par ailleurs, adressé un message aux partisans de la normalisation sur les répercussions de la normalisation avec l’entité sioniste sur la cause palestinienne. Il a aussi fustigé «ceux qui qualifient la résistance palestinienne d’extrémiste, en passant sous silence l’extrémisme des forces sionistes qui tuent les civils, commettent des exactions et piétinent le droit international, les droits de l’homme et le droit international humanitaire, plaçant ainsi le bourreau et la victime sur un pied d’égalité». (APS)

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