Alors que les 602 prisonniers étaient assis dans les bus attendant durant des heures le signal pour quitter la prison, samedi dernier, voilà qu’un ordre est donné vers minuit passé pour qu’ils retournent à leurs cellules.
Les cérémonies de remise des six otages israéliens organisées par le mouvement de résistance palestinienne Hamas à Rafah, au sud de Ghaza et au camp de Nuseirat, au centre, ont été utilisées par le Premier ministre israélien comme prétexte pour annuler la libération de 602 détenus palestiniens, violant ainsi les termes de l’accord de cessez-le-feu à Ghaza.
Il a bloqué le convoi de bus transportant les prisonniers palestiniens, à l’intérieur des deux établissements pénitentiaires où ils avaient été regroupés, jusqu’à ce qu’à la fin de deux réunions de sécurité, tenues successivement en fin de journée, respectivement avec les patrons des services de sécurité et avec les ministres de la Défense Katz, des Affaires étrangères Saar et des Finances Smotrich.
Certaines médias hébreux ont affirmé que Netanyahu veut avancer la date de remise des otages avant jeudi prochain, d’autres ont écrit que la réunion avec les responsables des services de sécurité a été improvisée en réaction au retard dans la remise du corps de l’otage Shiri Bibas par le Hamas, alors que l’Autorité de radiodiffusion a expliqué qu’il s’agit de «réunions de consultation pour arrêter des décisions concernant la semaine qui suit et la poursuite du cessez-le-feu, mais aussi sur l’engagement d’Israël envers l’accord avant l’opération de remise de quatre corps d’otages décédés par le Hamas, jeudi prochain, et le retrait de l’armée de l’axe Philadelphie».
Après de longues heures d’attente dans les bus, ordre a été donné pour renvoyer les détenus palestiniens dans leurs cellules, alors que l’Autorité des affaires des prisonniers palestiniens venait d’annoncer que certaines familles des détenus avaient été informées par «le renseignement» israélien que «la libération des prisonniers aura lieu ultérieurement».
Vers 2h hier, le bureau du Premier ministre a annoncé dans un communiqué qu’en «raison des violations du Hamas, il a été décidé de reporter la libération des prisonniers jusqu’à ce que la libération des otages soit garantie sans humiliation».
Pour le bureau de Netanyahu, le Hamas «insulte délibérément la dignité des otages et les exploite pour promouvoir des objectifs politiques», de ce fait, il a annoncé : «Nous avons décidé de reporter la libération des prisonniers jusqu’à ce que nous soyons assurés que la libération du prochain otage se fasse sans cérémonies humiliantes.» Lui emboîtant le pas, le président américain, Donald Trump, a jugé «honteux» le traitement réservé par le Hamas aux otages israéliens et parlé de «mauvaise santé» des otages libérés.
Des propos réaffirmés quelques heures plus tard par le secrétaire d’Etat Marco Rubio, qui a qualifié le comportement du Hamas de «sauvagerie» et menacé de destruction s’il ne «libérait pas immédiatement tous les otages» restants, alors que l’envoyé adjoint américain pour le Moyen-Orient, Morgan Ortagus, a présenté Ghaza comme une «société dépravée».
Mais le site américain Axios a révélé que la décision d’annuler la libération des prisonniers palestiniens a été prise «après deux réunions de sécurité tenues par Netanyahu», l’une après l’autre, tard dans la soirée de samedi. La première, a expliqué le média, «a été organisée avec les chefs des services de sécurité, lesquels ont recommandé de ne pas retarder la libération de crainte que ce report puisse impacter la récupération des corps des otages décédés et des otages en vie.
Cette option était la plus privilégiée, mais elle a abandonnée après la deuxième réunion, qui a regroupé Netanyahu et le ministre de la Défense Katz, le ministre des Affaires étrangères Saar et le ministre des Fiances Smotrich».
Réagissant aux décisions du Premier ministre israélien, le Hamas a affirmé que l’argument «des cérémonies humiliantes est un prétexte fragile visant à échapper aux obligations de l’accord». Pour le mouvement de résistance, «les cérémonies ne comportent aucune insulte mais reflètent plutôt le traitement généreux et humain qui est réservé aux otages», a écrit, dans un communiqué, Ezzat El Rashq, membre du bureau politique du Hamas.
Selon le Hamas, «la décision de Netanyahu de reporter le remise des prisonniers est une tentative délibérée de perturber l’accord et une violation claire de ses termes». Il a appelé «les médiateurs et la communauté internationale à faire pression sur l’occupation pour qu’elle applique l’accord et libère les prisonniers sans délai».
Pour sa part, Stève Witkoff, l’envoyé spécial des Etats-Unis au Moyen-Orient, a exprimé, sur la chaîne américaine CNN, son souhait de «négocier une prolongation de la première phase de l’accord de cessez-le-feu», en réponse à une question sur les conséquences du report par Israël de la libération des prisonniers palestiniens, en affirmant : «Je me rendrai dans la région cette semaine, probablement mercredi, pour négocier cela.»
De nombreux médias israéliens de gauche ont, pour leur part, pointé du doigt le Premier ministre, accusé de «tergiverser» et de «tenter de créer des raison pour faire avorter l’accord». Pour le média hébreu Israel Hayom, «la décision de suspendre la libération des détenus palestiniens est une tentative de remodeler les règles du jeu avec le Hamas». Citant un ministre qui a pris part aux consultations, le média a expliqué : «Si le Hamas accepte de continuer à libérer les otages, la première étape se poursuivra.»
Pour le média, «les dirigeants politiques pensent que le Hamas veut que l’accord se poursuive et pourrait être disposé à faire des concessions. Ils ont pour habitude de mal juger les positions du Hamas» et averti à la fin que «si le Hamas refuse de céder, les combats devraient reprendre dans deux semaines avec Eyal Zamir comme chef d’état-major».
Netanyahu met des «entraves»
Et c’est ce qui est recherché par le Premier ministre israélien et ses ministres extrémistes, comme Smotrich ou encore Katz. Dans une déclaration à la presse, ce dernier a d’ailleurs menacé : «Si nous sommes contraints de reprendre le combat, l’ennemi affrontera l’armée israélienne avec une puissance qu’il n’a jamais connue auparavant. Nous nous y préparons et nous sommes prêts.»
Et d’ajouter : «Les combats se termineront par deux résultats clairs : la défaite du Hamas et la libération de tous nos otages.» Avant de promettre de «restituer rapidement tous les otages vivants et morts».Une heure après, le Premier ministre a repris le même langage. «Nous sommes prêts à reprendre des combats intenses à tout moment», a déclaré Netanyahu, lors d’une cérémonie militaire, en précisant : «A Ghaza, nous avons éliminé la plupart des forces organisées du Hamas, mais il ne fait aucun doute que nous atteindrons pleinement les objectifs de la guerre.»
Des propos souvent servis par les adeptes de la poursuite de la guerre génocidaire. Plusieurs journaux ont rapporté aussi que le Premier ministre, pour préserver sa coalition gouvernement et empêcher tout effondrement de son gouvernement, «a promis au parti du sionisme religieux du ministre des Finances, Bezalel Smotrich, de ne pas passer à la deuxième étape de l’accord de cessez-le-feu à Ghaza».
Confronté à d’énormes pressions internes, notamment ses affaires en justice pour corruption, son échec à anticiper sur les attaques du 7 octobre, les menaces de faire tomber son gouvernement et les manifestations populaires appelant à sa démission, Netanyahu a intérêt à ce que la guerre se poursuive parce que sa fin conduira inévitablement à sa chute.
Durant la semaine écoulée, il s’est violemment attaqué au chef du Shin Beth, Ronen Bar, l’accusant de ne pas l’avoir écouté. Sa relation avec Bar s’est tellement détériorée qu’il a fini par l’écarter des négociations dans le cadre de l’accord de cessez-le-feu, alors qu’il avait mené les pourparlers dès le départ. Netanyahu veut être le seul à tenir le volant, en ce qui concerne la guerre à Ghaza, alors que Bar était pour un accord à quatre phases, avec la fin de la guerre à la fin de la 2e.
Le Premier ministre a en face de lui le forum des familles des otages qui ne décolère pas depuis le début de la guerre à Ghaza et occupe la rue tous les jours, exigeant le respect de l’accord de cessez-le-feu pour faire revenir les otages.
Les familles n’ont pas cessé d’accuser Netanyahu de «mettre des entraves» pour que l’accord «n’atteigne pas» sa 2e phase, «dans le seul but de préserver ses intérêts politiques et ceux des ministres extrémistes de son gouvernement». Lors de la cérémonie de funérailles de Shiri Bibas et de ses deux enfants en bas âge, tués lors des bombardements israéliens à Ghaza, la famille a refusé aux représentants du gouvernement de Netanyahu d’assister.
Elle a rejeté la version des autorités selon laquelle les trois otages ont été tués par le Hamas et accusé Netanyahu de les avoir «abandonnés lors de l’attaque du 7 octobre 2023 et de ne pas les avoir ramenés sains et saufs».
Pour sa part, le mouvement de la résistance Hamas a exprimé publiquement et à plusieurs reprises, dont la dernière jeudi dernier, sa «volonté d’aller» à la deuxième phase de l’accord de cessez-le-feu à Ghaza, et mis en garde contre «l’arrogance» de Netanyahu «qui a conduit à la mort d’un certain nombre de ses prisonniers».
Bien plus. Il a affirmé sa «volonté de mener à bien» un processus d’échange «complet dans un seul et même paquet, basé sur une cessation définitive de la guerre, le retrait de l’occupation et la reconstruction de la bande de Ghaza», tout en soulignant que «la garantie de l’achèvement des prochains processus d’échanges est l’engagement de l’occupation israélienne à respecter les termes restants de l’accord et la mise en œuvre du protocole humanitaire».
Depuis le début du cessez-le-feu à Ghaza, les Brigades Al Qassam, branche militaire du Hamas, ont remis 19 prisonniers israéliens, ainsi que 4 corps.
Israël devait libérer 602 Palestiniens dans le cadre du septième groupe, dont 50 condamnés à la réclusion à perpétuité, 60 condamnés à de longues peines, 47 prisonniers de l’accord Wafa Al Ahrar de 2011, qui ont été réarrêtés, et 445 prisonniers de Ghaza qui ont été arrêtés après le 7 octobre 2023.