Projet de loi sur l’exercice syndical : Simple mise en conformité ou réelle volonté d’ouverture ?

24/03/2022 mis à jour: 21:03
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Pour beaucoup de syndicalistes le texte contient des points positifs ( Photo : B. Souhil/archives)

La loi sur l’exercice syndical en Algérie, adoptée hier par le Conseil de la nation, ouvrira-t-elle la voie à l’émergence d’une nouvelle expérience syndicale ? Loin des travées du Parlement, la question revient avec insistance chez les travailleurs, les syndicalistes et les observateurs qui attendent de voir ses effets sur le terrain. 

Pour beaucoup de syndicalistes et d’anciens parmi ces derniers, le texte contient des points positifs, particulièrement la possibilité de mettre en place des fédérations et des confédérations syndicales, après des années d’hégémonie de l’UGTA. C’est ce que pense, notamment, Boualem Amoura, secrétaire général du Satef et coordinateur de la Confédération des syndicats algériens (CSA, non agréée). «Ce texte est une victoire pour la CSA. Elle n’est pas l’initiative des autorités, mais sur instruction du Bureau international du travail (BIT), que nous avons sollicité en tant que CSA, après avoir bien sûr saisi l’ancien Président et l’ex-Premier ministre. En mai 2019, une délégation du BIT est venue en Algérie et a demandé aux autorités de changer la loi.

 Donc, il ne s’agit pas d’un cadeau», explique-t-il, rappelant que l’Algérie doit présenter son rapport, en juin 2022, devant une session du BIT. Mais, selon lui, l’amendement de la loi n’a porté que sur quelques dispositions, dont l’article qui a été mis en conformité avec la convention 78 du BIT et l’ouverture de l’exercice syndical aux travailleurs étrangers. «En revanche, l’amendement a supprimé les peines pour les entraves à l’exercice syndical. L’exigence d’une représentation de 20% des travailleurs est également un épée de Damoclès au-dessus de la tête des syndicats», souligne notre interlocuteur. 

Sur la question de la création des confédérations, Boualem Amoura rappelle l’instrumentalisation de la justice pour freiner l’émergence de nouvelles expériences. «Lorsque nous avons créé la CSA, nous avions avec nous des syndicats du secteur économique public. Qu’est-ce qui s’est passé ? Le syndicat des travailleurs de la Sonelgaz (SNATEG) a été dissout sans que ses membres ne soient au courant.

 Le responsable du syndicat des travailleurs de maintenance d’Air Algérie a été sanctionné et a subi un chantage pour se retirer de la Confédération», rappelle-t-il. Annonçant que la CSA demandera son agrément, Boualem Amoura émet des appréhensions quant au contenu de la «nouvelle loi-cadre» annoncée par le ministre du Travail. «Après le passage devant le BIT, le pouvoir pourra mettre de nouveaux verrous et aller jusqu’à dissoudre des syndicats et engager des poursuites contre des syndicalistes», souligne-t-il. 

Un assainissement de l’espace syndical 

Pour sa part, Amar Takjout, syndicaliste et ancien secrétaire général de la fédération textile et cuire (UGTA), estime que «cette révision de la loi sur l’exercice est juste et répond à ce qui se fait dans le monde». «Ce texte va permettre la réorganisation syndicale. Il instaure le retour à la base et c’est aux travailleurs de se structurer et d’élire leurs représentants. Il faut qu’ils soient représentés par des travailleurs comme eux et non pas par des personnes qui n’ont plus de lien avec le secteur. 

Les retraités pourront adhérer à la fédération des retraités et les travailleurs à leurs syndicats du secteur. Il faut un assainissement de l’espace syndical», précise-t-il. Concernant le seuil de 20% de représentativité, notre interlocuteur pense qu’«il est logique» et appelle «les syndicats à faire plus dans la mobilisation et dans la sensibilisation des travailleurs à se structurer». «Il faut s’engager et militer davantage pour gagner la confiance des travailleurs. 

C’est la base du pluralisme syndical», insiste-t-il. Interrogé sur l’absence des syndicats dans le secteur privé, Amar Takjout met en cause à la fois les syndicats et les autorités qui ne font pas appliquer la loi. «Les deux ne font pas l’effort nécessaire. Nous étions installés dans un confort depuis 1962. 

Les syndicats ne vont pas à la recherche des travailleurs et la loi ne protège pas ces derniers. Le ministère du Travail ne fait pas, à travers ses structures, son devoir tendant à faire respecter la loi et à l’appliquer», lance-t-il. Et d’ajouter : «On n’a jamais posé ce problème aux pouvoirs publics. Il y a un silence total sur cette question et une sorte de ‘‘lâcheté intelligente’’. Or, les lois sont faites pour être appliquées et si elles contiennent des insuffisances, on n’a qu’à les combler.» 

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