Après sept reports, le procès en appel de l’affaire liée à l’octroi de terrains d’investissement en violation de la loi à Tipasa s’est ouvert avant-hier devant la chambre correctionnelle près la cour de Boumerdès.
Cette affaire implique l’ex-DGSN, Abdelghani Hamel, son fils Toufik, trois anciens walis de Tipasa, Layadhi Mustapha, Kadi Abdelkader, Moussa Ghelaï, l’ex-ministre des Finances, Hadji Baba Ami, l’ex-chef de sûreté de Tipasa, Salim Djai Djai ainsi que d’autres anciens hauts fonctionnaires de la même wilaya.
Ils sont poursuivis, entre autres, pour «détournement de foncier agricole», «abus de fonction», «dilapidation de biens publics» et «trafic d’influence». En juin 2020, le tribunal a prononcé à leur encontre des peines allant de 1 à 12 de prison ferme. L’ex-ministre des Finances a lui été condamné à 4 ans de prison sans mandat de dépôt.
La plupart des accusés ont été reconnus coupables d’avoir abusé de leur pouvoir et accordé d’indus privilèges à des tiers lors de l’attribution de terrains à vocation agricole pour l’implantation de projets d’investissement.
L’affaire concerne 4 lots de terrain sis au lieudit Magtaâ Kheira, dont l’un d’eux, d’une superficie de 14 000 ha, a été attribué en 2013 à la Sarl AMC Pharm de Chafik Hamel, le fils de l’ex-patron de la police. Hier, ce dernier qui a écopé de 12 ans de prison dans cette affaire, paraissait très affaibli devant le juge.
Deux heures après l’ouverture du procès, il a eu un malaise, ce qui a nécessité son transfert vers la clinique et la suspension de l’audience durant 30 minutes. Au-delà de l’aspect juridique, l’affaire révèle la façon dont étaient gérées les affaires de l’Etat au temps de Bouteflika. Une gestion caractérisée par le favoritisme et le trafic d’influence des pontes de l’ancien régime.
Condamné déjà à 12 ans de prison, l’ex-wali de Tipasa, Moussa Ghelaï, a déclaré devant la juge avoir reçu des appels téléphoniques à deux reprises de la part de Saïd Bouteflika, le frère conseiller du Président déchu, afin de résoudre le problème du fils de l’ex-DGSN. Il a avoué que même le ministre de l’Intérieur de l’époque, Nordine Bedoui, l’avait contacté au même sujet.
La juge lui fait savoir que les arrêtés d’octroi des 4 terrains ne devraient pas être signés puisqu’ils étaient en litige au niveau du tribunal administratif.
L’ex-wali se justifie par le souci de relancer les investissements au niveau de sa wilaya, précisant que même le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, lui a adressé deux correspondances pour réaffecter lesdites parcelles aux concernés.
Il a dit n’avoir jamais été contacté par Abdelghani Hamel, ajoutant que c’est le chef de sûreté de wilaya, Salim Djai Djai, qui est intervenu à maintes reprises en faveur du fils de son supérieur.
Il certifie en revanche n’avoir reçu des pressions de quiconque dans le cadre de cette affaire. Même si la juge lui rappelle le non-respect des procédures dans l’attribution des terrains question, il répète qu’il a toujours agi dans le cadre de la loi. Après lui, la juge appelle Bouamara Mohamed, ex-conservateur foncier, à la barre.
Elle lui demande comment a-t-il publié en un temps record des arrêtés de concession pour des terrains dont l’attribution a été annulée par ses services précédemment. «Pour moi, ce sont de nouveaux arrêtés», a-t-il rétorqué malgré l’insistance de la magistrate de savoir s’il a reçu des instructions pour le faire.
Lors de son interrogatoire, Abdelghani Hamel a répondu sereinement à toutes les questions de la juge. «Je maintiens tout ce que j’ai déclaré lors des précédents procès.
Comment on m’accuse d’abus d’autorité alors que je ne suis mêlé ni de près ni de loin dans cette affaire. Je défie quiconque de ceux qui sont devant vous ou les témoins ici présents de me dire si j’ai exercé des pressions sur eux pour aider mon fils. Le seul que j’ai contacté est le chef de sûreté de wilaya, Salim Djai Djai pour s’enquérir auprès du wali des suites réservées au dossier de mon fils», a-t-il martelé, ajoutant avoir également exposé le problème à Abdelmalek Sellal après l’annulation du premier arrêté d’affectation.
Après lui, la juge interroge Kheznadji Djamel, l’ex-directeur général des Domaines. Relaxé en juin dernier, ce dernier a rejeté toutes les accusations portées à son encontre, soulignant qu’il a eu vent de l’affaire après sa sortie de l’hôpital. Le procès a été suspendu vers 15h et devra reprendre demain avec les plaidoiries du procureur de la République et des avocats.