L’ancien ministre de l’énergie rattrapé par la justice 10 ans après : Chakib Khelil, un homme au cœur du système Bouteflika

05/02/2022 mis à jour: 01:01
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Photo : D. R.

Cité, accusé, blanchi et honoré avant d’être à nouveau éclaboussé et poursuivi… Un véritable feuilleton politico-judiciaire, dont se souviendront pour longtemps les Algériens.

 Il s’agit du cas de l’ancien ministre de l’Energie, Chakib Khelil, qui a rythmé l’actualité politique et médiatique du pays durant la dernière décennie. L’homme de 82 ans, réputé être un proche ami du défunt président déchu, Abdelaziz Bouteflika, voit son nom associé aux premières affaires de corruption qui ont secoué la compagnie nationale des hydrocarbures, Sonatrach. Mais il n’a été rattrapé par la justice qu’après 2019. Son procès a débuté, cette semaine, au tribunal de Sidi M’hamed d’Alger. Absent à l’audience, car toujours en fuite à l’étranger, Chakib Khelil encourt désormais 20 ans de réclusion, avec saisie de ses biens et ceux de sa famille. Qui est cet homme qui a fait la pluie et le beau temps du secteur des hydrocarbures en Algérie ? D’où tenait-il cette «superpuissance» ? Comment a-t-il échappé aux poursuites judiciaires pendant tout ce temps ? 

Né à Oujda au Maroc, le 8 août 1939, Chakib Khelil, selon sa biographie, a grandi dans une famille nombreuse, composée de 12 enfants (six frères et six sœurs). Il est père de deux enfants, fruit de son mariage avec Najat Arafat, une Palestinienne naturalisée américaine. Après un cursus scolaire dans la ville marocaine qui l’a vu naître, il obtient, en 1959, une bourse d’études du Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA) et s’installe, dès 1960, aux Etats-Unis où il obtient son baccalauréat et ses diplômes universitaires dans le domaine pétrolier. Ayant travaillé en tant qu’ingénieur pour des compagnies américaines du pétrole, l’homme rentre en Algérie, pour la première fois, en 1971, pour travailler à la Sonatrach après la nationalisation des hydrocarbures.

 En 1973, il se voit confier, par le président Houari Boumediène, la présidence du groupe Valhyd (Valorisation Hydrocarbures), chargé du développement et du financement des ressources hydrocarbures en Algérie à long terme. Il devient, de 1975 à 1976, conseiller technique à la présidence de la République algérienne auprès du chef de l’Etat. 

Dans les valises de Bouteflika 

Comme «son ami Bouteflika», Chakib Khelil quitte à nouveau le pays pour rejoindre la Banque mondiale, après la mort de Houari Boumediène. Il ne revient qu’après l’accession de l’ancien président au palais d’El Mouradia, en 1999, pour devenir son conseiller, avant de prendre, en décembre de la même année, le portefeuille du ministère de l’Energie et des Mines. Un poste qu’il occupera pendant une dizaine d’années, tout en le cumulant, de 2001 à 2003, avec celui de président de la Sonatrach. Son «œuvre» durant cette période était la très contestée loi sur les hydrocarbures de 2005 qui donnait d’importants avantages aux compagnies étrangères activant en Algérie. Une loi qui a été amendée, une année plus tard, suite à une grande polémique. A l’époque, on a dit que la révision de cette loi «est intervenue sur des conseils de l’ancien président vénézuélien, Hugo Chavez, qui avait effectué, en 2006, une visite en Algérie».Vrai ou faux ? On n’en sait rien. En tout cas, malgré ce revers, Chakib Khelil est maintenu à son poste. Rien ne semblait être en mesure de le déloger. Il ne quitte le gouvernement qu’en 2010, suite à l’éclatement du premier scandale de corruption qui a secoué la Sonatrach. 

Alors que de nombreux cadres de cette entreprise, dont son PDG Mohamed Meziane, ont été inculpés et emprisonnés, lui n’a pas été inquiété en dépit des soupçons qui pesaient sur lui. Ses déboires avec la justice n’ont commencé qu’en août 2013. En l’absence du président Bouteflika, hospitalisé en France suite à un AVC, le procureur général près la cour d’Alger, Belkacem Zeghmati, annonce le lancement d’un mandat d’arrêt contre lui et ses proches, dans le cadre de l’enquête sur l’affaire Sonatrach II. 

Invoquant des soucis de santé, Chakib Khelil affirme avoir adressé une lettre manuscrite au juge d’instruction chargé de cette affaire pour l’informer de son incapacité à répondre à sa convocation. La suite, tout le monde la connaît. Le mandat en question a été annulé pour non-respect des procédures en vigueur à l’époque. Mais pas seulement. Son émetteur a été limogé trois ans plus tard, en mars 2016. Intronisé à la tête du FLN, à la fin du moi d’août 2013, Amar Saadani a volé au secours de l’ancien ministre de l’Energie, «victimes à ses yeux – ou selon ce qu’on lui a chuchoté – d’un acharnement du patron du DRS à l’époque, le général Toufik». 

Rassuré, Chakib Khelil revient, triomphant, en Algérie pour entamer une méga-opération de grimage de son image ternie par cette affaire. D’est en ouest, du nord au sud, il sillonne le pays, en multipliant conférences dans les universités et pèlerinage dans les zaouïas. Avec le concours des certaines de chaînes de télévision privées, proches du pouvoir à l’époque, l’homme s’est même taillé un costume de «présidentiable». Juste pour un temps. L’avènement du hirak populaire, en février 2019, a faussé ses calculs. Il quitte alors précipitamment le pays pour repartir dans son exil américain d’où il suit certainement le déroulement de son procès. 

Sera-t-il contraint de revenir en Algérie par la petite porte ? Son feuilleton risque de durer encore longtemps…

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