La Russie menacée d’embargo : Un baril à 150 dollars est-il envisageable ?

09/03/2022 mis à jour: 23:35
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Photo : D. R.

Les prix du pétrole se maintenaient à la hausse hier, dans un contexte de fébrilité, autour des valeurs énergétiques qui risquent de connaître de nouveaux pics inédits, dans le sillage de la crise ukrainienne.

De nombreuses analyses tablent désormais sur un prix du pétrole au-dessus de 150 dollars, voire 200 dollars le baril, dans les prochaines semaines, ce qui paraît de plus en plus plausible, au vu du bond spectaculaire enregistré lundi sur les marchés de référence suite à l’annonce de sanctions américaines possibles sur les exportations russes.

Même en l’absence de sanctions directes, les exportations de pétrole de la Russie sont déjà perturbées, car les acheteurs sont réticents à finaliser de nouvelles transactions, ce qui impulse fortement les prix du pétrole. Les facteurs géopolitiques ont ainsi pris, à la faveur de la guerre en Ukraine, le contrôle sur le marché, soumis déjà à une demande croissante et une offre serrée, qui risque de s’amenuiser au cas où le pétrole russe serait soumis à un blocage de la part des pays occidentaux. Les Etats-Unis ont déclaré lundi envisager d’interdire le pétrole russe, sans obtenir pour le moment l’aval des pays européens les plus dépendants du brut en provenance de leur voisin de l’Est. 

Aux Etats-Unis aussi, les spécialistes estiment, pour leur part, au-delà des considérations politiques, que les quantités de pétrole russe seront difficilement remplaçables en volume mais aussi en qualité appréciée par les raffineurs, qui recherchent du brut peu corrosif, ce qui n’est pas le cas du pétrole américain et ceux d’autres provenances éventuelles. Les Américains lorgnent aussi sur le retour du pétrole iranien, alors que peu d’avancées sont susceptibles d’être réalisées dans l’immédiat, et tentent curieusement un rapprochement, en parallèle, avec le Venezuela. 

Des émissaires américains sont à Caracas, selon la presse américaine, dans une tentative de permettre au brut du pays de Nicolás Maduro de profiter à nouveau de l’export. Les contreparties demandées, dont probablement un éloignement, voire une dénonciation de Poutine, ne sont pas divulguées.

Les analystes estiment cependant que les sanctions sur le pétrole de la Russie – qui exporte environ 5 millions de barils par jour (bpj) de brut et 2,8 millions de bpj de produits raffinés – auraient un effet beaucoup plus important sur les équilibres du marché que les sanctions contre l’Iran et le Venezuela décidées il y a des années.

Une situation de crise qui pourrait propulser les prix vers de nouvelles cimes. Bank of America a déclaré que si la plupart des exportations de pétrole de la Russie étaient arrêtées, le marché connaîtrait un déficit de 5 millions de bpj ou plus, ce qui pourrait déclencher une hausse du prix du pétrole à 200 dollars le baril. 

Le chef de Pioneer Natural Resources, le plus grand producteur de pétrole du bassin Permien (Texas), a déclaré, pour sa part, que les producteurs américains ne pourront pas remplacer le pétrole russe cette année. «En cas d’embargo russe, le pétrole pourrait grimper à 150 et même 200 dollars le baril», a-t-il déclaré au Financial Times. Goldman Sachs a relevé également ses prévisions de prix du Brent pour 2022, à 135 dollars le baril, au lieu de 98 dollars, et ses perspectives pour 2023 à 115 dollars le baril, au lieu de 105 dollars, estimant que l’économie mondiale pourrait faire face aux «plus grands chocs d’approvisionnement énergétique de tous les temps», étant donné le rôle clé de la Russie.

La Russie prédit un baril à 300 dollars !

Pour sa part, Moscou prédit un pétrole à 300 dollars le baril, en cas de sanctions contre le pétrole russe. «Il est absolument évident que refuser le pétrole russe entraînerait des conséquences catastrophiques pour le marché mondial. La flambée des prix serait imprévisible – à plus de 300 dollars le baril, sinon plus», a déclaré le vice-Premier ministre russe, Alexander Novak, haut représentant de la Russie au sein de l’alliance OPEP+. Novak a également menacé de suspendre l’exportation de gaz vers l’Europe en réponse aux mesures de l’UE visant à réduire la dépendance vis-à-vis du Kremlin pour l’approvisionnement énergétique. «La Russie a le droit d’arrêter les flux de gaz via le gazoduc Nord Stream 1 alimentant l’Europe», a averti Novak. «Jusqu’à présent, nous ne prenons pas cette décision. 

Personne n’en bénéficiera. Bien que les politiciens européens nous poussent à cela avec leurs déclarations et leurs accusations contre la Russie», a-t-il déclaré. «Remplacer rapidement le volume de pétrole russe sur le marché européen est impossible, cela prendra plus d’un an et ce sera beaucoup plus cher pour les consommateurs européens», a ajouté le haut responsable russe. 

L’Europe est le plus grand marché d’exportation pour le pétrole russe, consommant 2,7 millions de b/j de brut et 1 million de b/j supplémentaires de matières premières/produits pétroliers, selon S&P Global Commodity Insights.

Les commentaires du responsable russe sont intervenus après une journée de messages mitigés de la part des dirigeants européens sur la menace d’imposer des interdictions d’importation de pétrole et de gaz à la Russie, indique l’agence Platts.

Le Premier ministre néerlandais, Mark Rutte, a déclaré que les sanctions sur l’approvisionnement énergétique russe auraient «d’énormes ramifications» et que les pays de la région devraient «s’assurer que l’approvisionnement énergétique ne soit pas entravé».

«Vous ne pouvez pas simplement arrêter l’utilisation du pétrole et du gaz du jour au lendemain, même en provenance de Russie», a déclaré le Premier ministre britannique, Boris Johnson. «Ce n’est pas quelque chose que tous les pays du monde peuvent faire (...). Il y a différentes dépendances», a-t-il averti. Les commentaires des responsables européens faisaient suite à la pression des Etats-Unis pour envisager l’interdiction des importations de pétrole russe en réponse à la guerre en Ukraine.

Hier, les prix du pétrole ont continué à progresser. Le Brent s’affichait aux alentours de 130 dollars le baril. Les contrats à terme de référence sur le Brent pour mai ont grimpé d’environ 5 dollars en début d’après-midi. Les contrats à terme sur le brut américain West Texas Intermediate (WTI) pour livraison en avril se négociaient aux alentours de 125 dollars le baril.

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