Des États appuient les plaintes pour génocide à Ghaza : La CPI devant une responsabilité historique

15/11/2023 mis à jour: 00:58
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Au moins cinq Etats ont annoncé leur décision de saisir la CPI ou de soutenir toute plainte contre l’armée d’occupation israélienne l Parmi eux, l’Algérie, la Bolivie, le Venezuela, la Palestine, la Tunisie et l’Afrique du Sud.

Alors que les bombardements barbares sur la Bande de Ghaza se poursuivent, de nombreux pays ont pris la décision d’engager une procédure (ou de la soutenir) devant la Cour pénale internationale (CPI), contre l’entité sioniste pour «génocide». 
 

La première plainte a été annoncée le 18 octobre dernier par l’Autorité palestinienne. 
La Palestine, faut-il le préciser, a signé le statut de Rome de la CPI le 2 janvier 2015 et est devenue Etat partie de la CPI trois mois après. Elle a donc le droit de saisir directement cette juridiction puisqu’elle a accepté sa compétence dés 2014. Le jour même de l’annonce du dépôt de cette plainte, la Tunisie, également Etat partie depuis juin 2011, a adopté la même démarche. Ainsi, l’Ordre national des avocats tunisiens a chargé une commission juridique, créée la veille, «de lister les crimes commis par l'entité sioniste à Ghaza et dans les Territoires palestiniens occupés, afin d’engager des poursuites contre les dirigeants sionistes auprès de la CPI». 
 

Les premières requêtes

Le 4 novembre, le ministère des Affaires étrangères omanais a appelé la CPI «à créer un tribunal pour les crimes de guerre commis contre le peuple palestinien à Ghaza» et «à poursuivre les criminels de guerre impliqués dans les massacres perpétrés dans l'enclave assiégée». Deux jours après, l’Algérie, non Etat partie à la CPI, a demandé, par la voix de son président, Abdelmadjid Tebboune, à «tous les hommes libres du monde d’intenter une action judiciaire contre l’entité israélienne auprès de la CPI». 

Devant un parterre de professionnels du droit, le Président a déclaré : «En Palestine occupée, toutes les règles et les valeurs humaines, morales, religieuses et juridiques se sont effondrées devant les massacres barbares auxquels assiste le monde aujourd'hui, perpétrés par les forces d'occupation contre le peuple palestinien frère», avant d’exhorter «tous les hommes libres du monde, les juristes arabes et les instances et organisations internationales des droits de l'homme à intenter une action judiciaire devant la CPI contre l'entité israélienne». 

Le 8 novembre, deux collectifs d’avocats algériens ont annoncé avoir préparé un dossier consistant pour demander une enquête sur des «actes de génocide et de crime de guerre» contre l’entité sioniste à Ghaza. Le 9 novembre, quelque 298 avocats de plusieurs nationalités (algériens, marocains, tunisiens, turques, français, libanais, camerounais, britanniques, d’Amérique latine, etc.) et plus de 70 associations internationales ont rejoint la démarche de Me Devers, qui a déposé la requête contre l’entité sioniste devant le bureau des victimes auprès du parquet général de la CPI. Le même jour, la Turquie, qui n’est pas signataire du statut de Rome (qui a établi la CPI), a pour sa part envisagé, lors d’une réunion du parti gouvernemental (Justice et Développement), présidée par le président turc, Recep Tayyip Erdogan, de porter plainte auprès de la CPI contre Israël pour avoir commis des crimes de guerre dans la Bande de Ghaza. Tout comme l’Algérie, elle ne peut pas engager de procédure directement, mais plutôt indirectement, à travers la collecte de preuves et le soutien des collectifs qui s’engageront dans cette procédure. 
 

Des dirigeants israéliens ciblés

Le 10 novembre, le président colombien, Gustavo Petro, a annoncé que son pays «soutenait l'appel» de Abdelmadjid Tebboune «à porter plainte contre Israël devant la CPI». Dans le message publié sur son compte Twitter, Gustavo Petro a affirmé que «la République de Colombie contribuera à répondre à l'appel de la République d'Algérie à intenter une action en justice auprès de la CPI contre le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahu, pour ses crimes de guerre et ses massacres commis contre les enfants, les civils et le peuple palestinien», annonçant une rencontre, le lendemain (le 10 novembre), entre son ministre des Affaires étrangères, Alvaro Leva, et le procureur général de la CPI (dont elle est Etat partie depuis 2002), Karim Khan. 

Le 11 novembre l’Afrique du Sud, qui avait rappelé tous ses diplomates en poste à Tel-Aviv et convoqué l’ambassadeur israélien pour protester contre les bombardements visant la population civile de Ghaza, les qualifiant d'«illégaux», a demandé à la Cour pénale internationale «d’émettre des mandats d’arrêt internationaux contre de hauts dirigeants israéliens responsables de crimes de guerre». 

Lui emboîtant le pas, le gouvernement vénézuélien, Etat partie de la CPI depuis 2000, a exprimé lui aussi, le 12 novembre, son soutien aux «efforts entrepris» dans ce sens par différents pays. A toutes ces actions qui s’élargissent de plus en plus, trois groupes de palestiniens de défense des droits de l’homme basés en Cisjordanie occupée et à Ghaza, Al Haq, Al Mezan et le Centre palestinien pour les droits humains, ont déposé une plainte auprès de la CPI contre l’entité sioniste, l’accusant d’«apartheid» et de «génocide». 

C’est ce qu’a annoncé hier la chaîne qatarie Al Jazeera. Selon ce média, les trois groupes ont demandé à la CPI de délivrer des mandats d’arrêt internationaux contre le président israélien, Issac Herzog, le Premier ministre, Benyamin Netanyahu, et le ministre de la Défense, Yoay Gallant. L’action en justice devant la CPI évoque le «siège étouffant imposé à Ghaza, le déplacement forcé de sa population, l’utilisation de gaz toxiques et le refus de fournir les produits de première nécessité, tels que la nourriture, l’eau, le carburant et l’électricité». 

Pour la première fois de son histoire, la CPI joue sa crédibilité et son avenir. Elle est tenue de faire en sorte qu’aucun Etat ou entité ne soit au-dessus du droit humanitaire international. Hier, le Centre pour les droits constitutionnels des Etats-Unis, une organisation américaine de défense des droits de l’homme basée aux USA, a intenté une action en justice, cette fois-ci non pas contre Israël, mais contre le président américain, Joe Biden, et son administration, accusés de soutenir le «génocide israélien contre les Palestiniens dans la Bande de Ghaza». 

Cette plainte a été déposée, au nom de personnalités et d'organisations de la société civile palestinienne, contre le président Joe Biden, le secrétaire d'Etat Antony Blinken et le secrétaire à la Défense Lloyd Austin pour n’avoir pas empêché «le génocide en cours à Ghaza». 

Les plaignants ont estimé que «le génocide en cours à Ghaza n’aurait pas eu lieu sans le soutien ouvert à Israël de la part de Biden, Blinken et Austin et que Washington, en tant que proche allié d'Israël et principal fournisseur de soutien militaire, a manqué à son devoir de prévention des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité, conformément au droit international, et refusé d'user de son influence pour mettre fin aux bombardements massifs». 

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