Après les révélations accablantes de la Croix-Rouge internationale sur l’utilisation des Ghazaouis comme bouclier humain lors de ses opérations militaires à Ghaza, Israël est accusé par l’ONU d’utiliser «les violences sexuelles comme moyen de guerre» pour «dominer et détruire le peuple palestinien».
Chaque jour qui passe, Israël pousse les limites de l’horreur dans sa guerre génocidaire contre Ghaza et, depuis plusieurs semaines, dans les territoires occupés en Cisjordanie. Ainsi, après les témoignages glaçants recueillis par le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) sur l’utilisation par l’armée sioniste des Palestiniens comme «bouclier humain» dans ses opérations militaires à Ghaza, Israël est accusé de cibler des hôpitaux et d’autres établissements de santé à Ghaza qui fournissent des services de reproduction, notamment une clinique de fécondation in-vitro où des milliers d’embryons ont été détruits «pour empêcher les naissances et d’utiliser la violence sexuelle comme arme de guerre pour dominer et détruire le peuple palestinien».
Présenté jeudi au Conseil onusien des droits de l’homme, ce rapport d’enquête de 49 pages sur «la violence sexuelle et sexiste» dans les territoires palestiniens occupés, y compris à El Qods (Jérusalem-Est), a qualifié ces actions d'«actes génocidaires», tout en accusant Israël de «punir collectivement les Palestiniens» pour l’attaque menée par le Hamas le 7 octobre 2023. Composée de trois juristes spécialisés en droit humanitaire, la commission d’enquête, installée en 2021 par le Conseil onusien des droits de l’homme, a expliqué que ses conclusions se basent aussi sur des rapports d’enquête antérieurs et sur près de 25 entretiens menés ces derniers mois avec des experts médicaux, des victimes et des témoins des violences à Ghaza, dont certains témoignages ont été diffusés lors de deux jours d’audience à Genève la semaine écoulée.
Le rapport d’enquête énumère un large éventail de violations commises contre des hommes, des femmes et des enfants palestiniens dans les territoires occupés à la suite de l’attaque du 7 octobre 2023. Les crimes les plus récurrents sont les agressions contre les enfants et les hommes, et montrent que ces violences visent à punir collectivement, à «humilier et intimider», selon le rapport. Parmi ces actes criminels, le rapport a cité aussi «le tournage et la photographie de dénudage en public, de nudité, d’abus et de torture à caractère sexuel, ainsi que le partage d’images en ligne».
33% des palestiniens tués à Ghaza sont des femmes et des filles
La plupart des «auteurs de violences sexuelles et sexistes répertoriés dans le rapport étaient des membres des forces armées ou travaillaient dans des centres de détention, mais ils comprenaient également des colons israéliens ciblant les Palestiniens». La commission d’enquête a fait le constat qu’Israël a commis «des actes génocidaires» en vertu du Statut de Rome qui a créé la Cour pénale internationale (CPI) et du traité international qui criminalise le génocide.
«Les autorités israéliennes ont détruit en partie la capacité reproductive des Palestiniens de Ghaza en tant que groupe, notamment en imposant des mesures visant à empêcher les naissances, l’une des catégories d’actes génocidaires dans le Statut de Rome et la Convention sur le génocide», lit-on dans le rapport d’enquête rendu public jeudi. Les experts ont évoqué des «actes systématiques» de destruction du système de santé de Ghaza, citant notamment «la destruction des cliniques et autres établissements fournissant des services de maternité, affectant plus d’un demi-million de femmes et de filles en âge de procréer à Ghaza».
Le rapport a cité le cas de la destruction de la clinique Al Basma, la plus grande clinique de fertilité de Ghaza, détruite en décembre 2023 par des tirs d’artillerie. La commission a entendu des témoins et experts dire que «la destruction de la clinique a entraîné la perte de quelque 4000 embryons et autres matériels reproductifs de patients palestiniens pour qui cela représentait souvent une dernière chance d’avoir des enfants».
La commission a également déclaré que «le blocus israélien de Ghaza, qui limitait l’aide humanitaire et l’accès aux soins médicaux, avait causé de graves problèmes de reproduction aux femmes et aux filles, visant, selon elle, «à la destruction physique des Palestiniens en tant que groupe». Des femmes et des filles sont mortes de complications liées à la grossesse et à l'accouchement à cause du siège israélien. Cela constitue un crime contre l’humanité d’extermination. La commission onusienne a également souligné «l’ampleur sans précédent des décès de femmes à Ghaza, un autre aspect de la violence.
Les attaques israéliennes ont tué plus de 48 000 personnes à Ghaza, dont 33% de femmes et de filles». Elle a fait remarquer une proportion plus élevée que lors des guerres passées d’Israël à Ghaza, causée par «une stratégie israélienne consistant à cibler délibérément des bâtiments résidentiels et à utiliser des explosifs lourds dans des zones densément peuplées», ont écrit les experts onusiens. L’enquête a, par ailleurs, documenté ce qu’elle a qualifié «d’abus de grande ampleur», citant «le déshabillage et la nudité forcés, le harcèlement sexuel, le viol ou les menaces de viol et la torture sexuelle des détenus».
Pour les rédacteurs du rapport, ces actes «sont devenus des procédures opérationnelles standard des forces de sécurité israéliennes envers les Palestiniens». Ils ont expliqué que «la fréquence, la prévalence et la gravité des violences sexuelles et sexistes» montraient qu’elles étaient «de plus en plus utilisées comme méthode de guerre par Israël pour déstabiliser, dominer, opprimer et détruire le peuple palestinien». Les auteurs du rapport ont affirmé avoir «demandé à Israël de présenter les «preuves sur des cas de violences sexuelles commises lors de l’attaque du 7 octobre 2023, mais il a refusé». Par contre, «nous avons rencontré de nombreuses victimes palestiniennes d’agressions sexuelles».
Viols et agressions physiques graves contre les détenus
Les auteurs de l’enquête ont déclaré avoir «documenté de nombreux cas de viols et d’agressions physiques graves perpétrés contre des détenus palestiniens au centre de détention israélien de Sde Teiman», et souligné n’avoir pas «obtenu de preuves que les autorités israéliennes avaient pris des mesures efficaces pour prévenir les actes de violence sexuelle et qu’elles n’avaient vu aucune initiative visant à identifier et punir les auteurs malgré les témoignages et autres preuves».
Bien au contraire, «le manque d’efficacité dont fait preuve le système judiciaire militaire pour poursuivre les cas et condamner les auteurs envoie un message clair aux membres des forces de sécurité israéliennes : ils peuvent continuer à commettre de tels actes sans craindre de rendre des comptes», a déclaré Navi Pillay, ancienne responsable onusienne des droits de l’homme et présidente de la commission, dans un communiqué publié, jeudi dernier, avec le rapport d’enquête, en précisant : «Dans ce contexte, la responsabilité devant la Cour pénale internationale et les tribunaux nationaux, par le biais de leur droit interne ou en exerçant leur compétence universelle, est essentielle si l’on veut que l’Etat de droit soit respecté et que justice soit rendue aux victimes.»
La commission d’enquête a, en outre, ajouté que n’importe quel enfant qui est né à Ghaza aujourd’hui, qu’il soit nourrisson ou après qu’il grandisse, souffre de lourdes maladies en raison du froid et de la pollution des eaux. Réagissant à ce rapport, le Premier ministre israélien a déclaré : «Le cirque anti-israélien appelé Conseil des droits de l’homme est antisémite.» Alors que la commission d’enquête a appelé la communauté internationale et les ONG à prendre son rapport sur la situation dans les territoires palestiniens occupés avec une très grande attention, ajoutant que «les victimes palestiniennes ne peuvent pas faire entendre leurs voix pour juger les auteurs de ces crimes et empêcher qu’ils ne soient encore commis».
Témoignages choquants de victimes et d'auteurs des crimes de guerre
Documentées par des vidéos, les scènes de Palestiniens de Ghaza, attachés à une corde et envoyés dans un tunnel, contraints de mettre un uniforme israélien et d’entrer dans une maison pour la fouiller, de servir de protection aux soldats qui avancent derrière eux sont aussi choquantes que glaçantes. Elles dévoilent l’utilisation par l’armée israélienne des Palestiniens de Ghaza comme des boucliers humains par l’armée israélienne, un acte qui constitue un crime de guerre, en vertu du droit humanitaire.
C’est ce qu’a révélé le journal israélien Haaretz, dans une enquête publiée mercredi. Choisies arbitrairement, les victimes de ces crimes ont été majoritairement détenues sans motif pendant plusieurs jours, voire des semaines, par l’armée israélienne et certaines, a indiqué le journal hébreu, «auraient même été contraintes de manipuler des explosifs sans aucune protection».
Le recours aux boucliers humains est devenu systématique à travers le temps, au point où de nombreux civils palestiniens ont fini par remplacer les chiens de l’unité canine israélienne, spécialisés dans le déminage, tués, blessés ou déplacés vers le Liban, a écrit le journal. «C’était une expérience terrifiante», témoigne Khaled Alser, un médecin de Ghaza arrêté le 25 mars 2024 à l’hôpital Nasser, dans le sud de l’enclave. «Ils nous ont arrêtés par groupes de cinq, nous ont complètement déshabillés. Nous étions nus, les mains attachées avec des liens en plastique rigide», a-t-il décrit au média.
Khaled est passé par la sinistre prison de Sde Teiman, où de nombreux détenus palestiniens sont morts après avoir subi les pires tortures, avant d’être libéré sans aucun jugement. «Ils m’ont utilisé comme bouclier humain. Ils m’ont forcé à transporter deux bidons de fuel pour allumer un générateur situé près de l’hôpital, en pleine nuit, dans une zone dangereuse», a-t-il raconté au média israélien.
Le même journal a recueilli aussi des témoignages de militaires israéliens, qui confirment le recours aux boucliers humains par l’armée d’occupation. «J’ai pris part aux combats à Ghaza durant 9 mois et j’ai été témoin de nombreuses nouvelles procédures exécutées contre les Palestiniens. Parmi elles, celle dite 'Anti-moustique', qui consiste à obliger les Palestiniens à entrer dans des maisons pour les nettoyer et s’assurer qu’il n’y a aucune personne armée et aucun engin explosif à l’intérieur.
Nous avons donné différents noms à ces procédures 'Chaouiche' (esclaves), 'Tribunes', 'Anti-Moustique', etc. L’armée a utilisé les boucliers humains au moins six fois par jour», a confié l’officier de l’armée israélienne au journal. Selon lui, la commission d’enquête, installée sous la pression internationale, «a trouvé des boucs émissaires pour dire qu’il y a eu des poursuites».
Ces révélations confirment aussi ce qu’une ONG israélienne, «Physicians For Human Rigts», avait révélé, il y a quelques jours dans un rapport, diffusé sur les réseaux sociaux. Selon elle, 23 médecins ghazaouis arrêtés ont fait état de sévices qu’ils ont subis. «Un médecin nous a confié qu’un soldat l’avait obligé à porter un uniforme militaire israélien pour aller donner des instructions aux civils», a affirmé un des responsables de cette organisation, chargé des prisonniers.
Selon lui, 250 médecins et infirmiers ghazaouis ont été arrêtés depuis le début du conflit, parmi lesquels 150 «seraient toujours détenus» en Israël. Le recours aux boucliers humains par l’armée israélienne a été aussi confirmé par le Comité international de la Croix-Rouge qui a recueilli au moins neuf témoignages, jugés crédibles, de Ghazaouis victimes de ces agressions. Les récits terrifiants des victimes et les vidéos diffusées sur les réseaux sociaux par des soldats israéliens utilisant des Ghazaouis comme bouclier humains constituent une banque de données suffisante pour des poursuites pour crimes de guerre. S. T.