Incompatibilité et levée de l’immunité parlementaire : Menace sur le mandat de dizaines de députés

07/05/2022 mis à jour: 14:19
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Photo : D. R.

Outre ceux qui perdraient leur immunité parlementaire à cause de leurs antécédents avec la justice ou de poursuites judiciaires en cours, plusieurs députés doivent choisir entre abandonner complètement leurs activités libérales et leurs entreprises ou démissionner de l’APN. Selon Mohamed Azziz, président de la commission des affaires juridiques à l’APN, certains députés se seraient déjà conformés à la Constitution. D’autres concernés par cette situation d’incompatibilité avec le mandat parlementaire ne savent toujours pas quoi faire.

Ils seront nombreux les élus des deux Chambres parlementaires qui seront déchus de leur immunité parlementaire dans les prochains jours. Dix-neuf d’entre eux (12 députés et 7 sénateurs) sont concernés par la levée de l’immunité car ayant des antécédents avec la justice ou sous le coup de poursuites judiciaires.

A ceux-là s’ajoutent plus d’une soixantaine de députés qui sont concernés par cette opération en raison d’incompatibilité avérée avec le mandat parlementaire.

Si les chances des premiers sont minimes, les parlementaires de la deuxième catégorie, à savoir ceux qui sont concernés par l’incompatibilité, mènent une course contre la montre à l’effet d’adapter avec la Constitution les procédures de levée de l’immunité.

Ces derniers doivent ainsi choisir entre abandonner complètement leurs activités libérales et leurs entreprises ou démissionner de l’APN, alors que jusqu’ici, les parlementaires ayant des entreprises se contentaient de céder la gestion de leurs affaires le temps de leur mandature législative, et ce, par le biais de dérogations que leur accordait le bureau de l’APN.

Une «faveur» que le même bureau de la 9e législature refuse, cette fois-ci, de concéder, lui qui s’en tient à l’application de l’article 118 de la Constitution de 2020, qui stipule qu’un parlementaire se consacre pleinement à l’exercice de son mandat. Aussi, les règlements intérieurs des deux Chambres du Parlement prévoient également des dispositions relatives à l’obligation de la participation effective de leurs membres aux travaux des commissions et des séances plénières, sous peine de sanctions appliquées en cas d’absence.

Selon Mohamed Azziz, président de la commission des affaires juridiques à l’Assemblée populaire nationale (APN), certains députés se seraient déjà conformés à la Constitution.

Ils se sont, dit-il, entretenus avec le président de l’Assemblée et lui ont présenté les documents prouvant avoir mis un terme à leurs précédentes activités commerciales ou professions libérales.

Un règlement selon le cas, puisque certains (entrepreneurs, hommes d’affaires) ont été, d’après notre source, obligés de céder les actions qu’ils détenaient dans des entreprises, alors que d’autres ont été amenés à abandonner carrément la gestion de leurs affaires, à l’image des pharmaciens. S’agissant des sociétés en hibernation, leurs patrons députés ont été contraints de résilier leurs registres de commerce.

Cela dit, d’autres députés concernés par cette situation d’incompatibilité avec le mandat parlementaire ne savent toujours pas quoi faire. C’est le cas des gérants de grandes entreprises ou de professions libérales, comme celle de notaire. M. Azziz rappellera dans ce sens que la Constitution du 1er novembre 2020 confirme que l’état d’incompatibilité affecte toutes les personnes impliquées dans le commerce, gestionnaires ou actionnaires soient-ils, et que le député est tenu de se consacrer exclusivement à son mandat parlementaire.

Des députés avec une double nationalité !

Selon notre interlocuteur, l’étude des dossiers d’incompatibilité n’est pas du ressort de la commission des affaires juridiques, mais plutôt du président de l’APN qui est, selon lui, déterminé à appliquer à la lettre la disposition constitutionnelle obligeant tout parlementaire à se consacrer à l’exercice de son mandat.

«La commission a saisi, il y a quatre mois, par écrit le président de l’Assemblée pour lui signifier les cas d’incompatibilité ainsi que les députés ayant des antécédents judiciaires. Le président de l’APN a fait son travail et la justice s’en est mêlée.

Les députés concernés par l’incompatibilité doivent donc défendre leur cause auprès du président de l’Assemblée et les autres au niveau de la justice», observe M. Azziz, précisant qu’une fois cette procédure achevée et si la justice tranche pour la levée de l’immunité, il y aura une plénière et le dernier mot reviendra aux parlementaires.

Par ailleurs, d’autres cas suscitent des interrogations dans les coulisses de l’APN, à l’image des députés de l’émigration ayant la double nationalité. Nos sources citent la députée Melissa Benouadfel, élue sur la liste FLN pour la circonscription Nord de France zone 1 et qui, en plus de l’obtention de la nationalité française, est candidate malheureuse aux élections législatives en France sur la liste des écologistes à Saint-Denis.

L’autre cas qui n’a pas laissé indifférent est celui du député Mohamed Bekhadra, à qui on a interdit l’accès à l’hémicycle parlementaire il y a quelques jours. Dans un communiqué rendu public, le député élu sur la liste FNA reconnaît avoir exercé au sein de l’armée française en qualité d’infirmier sur la base d’un diplôme.

Un enrôlement qu’il explique par son souci à cette époque de régulariser sa situation administrative, sa carte de séjour ayant expiré, lui qui avait rejoint l’Hexagone en 2006. Ce qui lui a permis, d’ailleurs, a-t-il ajouté, d’avoir la nationalité française et un passeport. Et de rappeler que son dossier de candidature aux élections législatives anticipées du 12 juin écoulé remplit toutes les conditions requises par la loi électorale. 

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