La double provocation de trop : le maréchal Khalifa Haftar a été reçu mercredi 27 février à l'Elysée par Emmanuel Macron, apprend le commandement général l’Armée nationale libyenne (ANL).
S’entretenant autour «des développements du processus politique en Libye et de l’importance d’appuyer les efforts de la Mission de l’ONU», le président français a tenu à souligner «le rôle central» de l’homme fort de l’est de la Libye «dans le processus politique en Libye», ajoute la même source.
Le message que l’un comme l’autre cherchent à transmettre est sans équivoque : l’ennemi de mon ennemi est mon ami.
Le patron de l’Elysée, qui ferme yeux et oreilles sur la campagne anti-Algérie d’une rare férocité, menée par l’extrême droite et ses relais, a déroulé le tapis rouge sous les pieds d’un certain Haftar qui n’a jamais caché son inimitié à l’égard de notre pays. Cette «visite d’Etat», dixit le commandement de l’ANL, dans l’Hexagone du représentant d’un Etat non reconnu par l’ONU s’inscrit dans le cadre de «la poursuite des efforts, tant internationaux que régionaux, pour résoudre la crise politique que traverse la Libye», notamment depuis la mise en place des deux gouvernements : l’un basé à Benghazi (est) incarné par le Parlement de Tobrouk et affilié au camp de Haftar, l’autre basé à Tripoli (ouest), dirigé par Abdul Hamid Dbeiba, chef du gouvernement d’unité nationale et reconnu par l’ONU.
L’ouverture par M. Macron des portes de l’Elysée au maréchal libyen s’apparente à un gage de soutien et de reconnaissance pour son «leadership» qui, aux yeux de Abdul Hadi Al Hawaij, le ministre des Affaires étrangères dans le gouvernement de Benghazi, «s’est avéré essentiel pour freiner la prolifération des attaques terroristes et du crime organisé, avec la réduction des actions des mafias sur les côtes contrôlées par l’ANL. Des faits qui, au contraire, ne se produisent pas dans la partie gouvernée par Dbeiba». M. Haftar vantant, quant à lui, les mérites de la France pour «son rôle dans la gestion militaire de la base militaire d’El Ouigh, dans le sud du pays».
Le même Haftar qui, faut-il le rappeler, avait accusé l’armée nationale d’incursion dans le territoire libyen, bien que la frontière entre l’ouest de la Libye et l’Algérie, s’étirant sur plus d’un millier de kilomètres, soit bien éloignée de l’Est libyen qu’il dirige. Le maréchal s’était même permis de menacer d’entrer en guerre avec notre pays.
C’était en septembre 2018, lorsque dans une vidéo, relayée par la chaîne qatarie Al Jazeera, le commandant en chef de l’ANL avait averti : «Les Algériens ont trouvé une occasion pour entrer en Libye (…). Nous pouvons transférer la guerre de l’Est à l’Ouest en peu de temps !»
Des accusations farfelues et menace incongrue ayant suscité des interrogations tous azimuts, d’autant que l’Algérie est universellement connue et reconnue pour son niet catégorique à toute opération militaire en dehors de ses frontières et se distingue par son respect scrupuleux de la souveraineté des pays.
Irresponsables ont ainsi été qualifiés par les propos du commandant par son compatriote Mohamad Taher Siala, le ministre libyen des Affaires étrangères dans le gouvernement d’union nationale.
Rappelant que les autorités de son pays «étaient attachées au renforcement des relations avec l’Algérie», le diplomate ne manquera pas de souligner le rôle joué par notre pays dans le cadre des efforts de l’ONU pour parvenir à une solution au conflit libyen.
C’est dire qu’en réaffirmant ouvertement les «affinités» le liant depuis bien des années au maréchal Haftar, le président français apposera une «french touch»à la «Rajamandala», pensée indienne de la géopolitique et de la politique étrangère, selon laquelle «les ennemis de mes ennemis sont mes amis».