Hacene Menouar. Président de l’association El Aman : «Il faut aller vers une planification de la production agricole et agroalimentaire»

25/03/2023 mis à jour: 23:11
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Hacene Menouar

-Le Ramadhan de cette année va-t-il être différent des années précédentes ? 
 

Le Ramadhan de cette année ne va pas être différent des autres années précédentes malgré tous les changements politiques qui ont eu lieu dans notre pays et les crises qu’on a un peu partout, que ce soit la crise économique en général, le lendemain de la crise sanitaire et la crise entre la Russie et l’Ukraine, nous continuons hélas à être nous-mêmes, c’est-à-dire à se préparer pour le Ramadhan comme si on se préparait à une guerre que ce soit de la part des pouvoirs publics qui parlent à chaque veille du Ramadhan d’approvisionner le marché, organiser des marchés de proximité provisoire appelés «marchés de la Rahma», de parler du renforcement du contrôle et du côté du consommateur, c’est aussi la préparation pour s’approvisionner pour faire des stocks, acquérir tout ce qu’il faut acquérir en termes de produits alimentaires avec très peu de confiance vis-à-vis de la régulation du marché, avec beaucoup de frénésie qui atteint son apogée menant aux pires excès et avec beaucoup de pression sur certains produits de première nécessité (huile, tomate concentrée, frik, semoule, farine). 


-Comme chaque année, les prix flambent. Quelles sont les raisons de cette situation ? 


Les prix flambent à chaque début de Ramadhan parce qu’on est toujours dans la même situation de non maîtrise et de non régulation du marché, chose que nous avions toujours mis en évidence et demandé d’aller vers une planification de la production agricole et de la production agroalimentaire afin de pouvoir fournir les produits au moment voulu avec la quantité voulue en fonction du nombre des consommateurs algériens, c’est ce qu’on appelle la régulation du marché. 

Aussi, on avait demandé à maintes fois à ce qu’il y est la professionnalisation des réseaux de distribution à commencer d’abord par la numérisation du suivi de toutes les distributions pour que ça puisse être contrôlé, aussi allant vers la réalisation d’infrastructures de régulation notamment les grandes centrales de distribution, les marchés de gros et de proximité mais aussi et surtout l’encouragement de la réalisation des hypermarchés et des grandes surfaces commerciales. 

C’est avec ce genre d’instrument qu’on régule le marché pour que ça ne soit pas à chaque consommateur de réguler pour lui-même en essayant de faire des stocks chez lui ou faire de la pression sur des produits sur une période très courte comme pour le Ramadhan.  


En absence de tout cela, évidemment il y a des lobbies, des intermédiaires qui sont illicites (marché informel) qui imposent leur loi, ils font ce qu’ils veulent des consommateurs et l’Etat ne peut rien contrôler. Les produits qui sortent du producteur disparaissent de la surveillance de l’Etat jusqu’à ce qu’ils arrivent 

chez les consommateurs, c’est là où les prix augmentent et puis il y a les ententes entre certains producteurs sur le dos du consommateur surtout que c’est le Ramadhan, on a pris l’habitude que les prix flambent donc même les consommateurs se sont habitués et c’est tout le monde qui en parle, cela devient presque quelque chose de normal : si un jour les prix vont baisser pendant le Ramadhan, ça va apparaître anormal. 

Pour cela, nous avions demandé à ce que les commerçants fassent un geste psychologique en annonçant une petite baisse des prix ne serait-ce que de 1%, on aurait déjoué ce phénomène et on aurait eu un esprit meilleur chez les consommateurs, un esprit de quiétude et de tranquillité parce qu’on va voir qu’il n’y a pas augmentation de prix et on ne va pas s’empresser s’acheter avant le Ramadhan. 
 

-En tant qu’association de protection du consommateur, quelle sera votre démarche pour pousser les Algériens à ne pas faire dans les excès et donc éviter le gaspillage et opter pour un régime alimentaire sain et plus équilibré ? 

En tant qu’association de protection des consommateurs, on a tout fait de manière à ce que le comportement des consommateurs change. Nous avons établi le constat même avec des experts que nous avons un mode de consommation qui n’est ni sain ni économique, c’est un mode de consommation qui nous mène tout droit au gaspillage des produits alimentaires, de l’énergie, de l’eau, et même du temps mais aussi le gaspillage de la santé et là, c’est très grave ! D’autre part, on doit aller impérativement vers un changement du mode de consommation qui est actuellement très aléatoire et anarchique. 


On a lancé une étude appuyée par un sondage, chose qui est difficile à réaliser pour nous en tant qu’association qui n’a pas les moyens, mais on anticipe pour proposer des alternatives nouvelles avec la diversification de la consommation des viandes, la consommation des légumes de saison seulement et ainsi réduire la consommation de produits transformés.

 C’est toujours la même bataille pour notre association en vue de réduite le sucre, le sel et les matières grasses de l’industrie agroalimentaire mais aussi de transiter vers un pain de blé dur, réviser d’une manière intelligente la politique des subventions, la verser de manière à cibler les nécessiteux ou leur donner de l’argent dans les comptes pour éviter de surconsommer des produits subventionnés comme le pain blanc à index glycémique élevé et le lait et éviter de plafonner l’huile de table et le sucre, c’est tout cela qui fait que nous consommons très mal. 

Le travail devra se faire avec les consommateurs et les pouvoirs publics mais entre les deux, il y a du travail à faire aussi au niveau des écoles, des universités, des mosquées qui devraient être un bon canal de sensibilisation et qui devraient s’impliquer et les médias qui ont un très grand rôle à jouer parce que nous considérons que les médias lourds surtout, malgré tout le travail qu’ils font, cela reste insuffisant par rapport à toutes les publicités qu’ils font passer pour faire vendre aux Algériens des produits porteurs et vecteurs de maladies et de gaspillage. La publicité incite à surconsommer, ce qui nous mène inévitablement au gaspillage. 
 

Propos recueillis par Kamel Benelkadi

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