Guerre contre Ghaza : Les mises en garde du procureur de la CPI

14/02/2024 mis à jour: 00:18
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Photo : D. R.

Le procureur de la Cour pénale internationale (CPI) s’est déclaré, lundi, «profondément inquiet» de la situation à Rafah et a averti que «ceux qui violent les lois internationales seront poursuivis». Hier, l’Afrique du Sud a demandé à la Cour internationale de justice (CIJ) «d’empêcher de nouvelles violations» à Rafah. La justice norvégienne a confirmé «la cessation» de toute livraison de pièces de F-35 à Israël, Joseph Borrell, coordinateur de la politique étrangère de l’UE, a suggéré de «vendre moins d’armes» à l’entité sioniste.

En détruisant toutes les infrastructures de base, les bâtiments résidentiels, les routes, les exploitations agricoles, les châteaux d’eau, les hôpitaux et les centres onusiens pour les réfugiés, tuant une moyenne d’une centaine voire plus de personnes, blessant autant d’autres, quotidiennement, à Rafah, Israël a montré au monde entier qu’il foule aux pieds les injonctions de la Cour internationale de justice (CIJ), la plus haute juridiction onusienne et menace de lancer une offensive terrestre dans cette ville où se concentrent plus d’un million et demi de personnes, après avoir été sommées par les forces d’occupation de quitter le nord puis le centre de Ghaza.

Depuis plusieurs jours, des raids aériens n’ont pas cessé, réduisant à néant des quartiers entiers y compris ceux abritant les tentes pour réfugiés ainsi que les hôpitaux qui reçoivent les blessés, suscitant de lourdes inquiétudes quant aux conséquences d’une telle opération dans une zone surpeuplée où les gens n’ont nulle part où aller.

Face à un tel désastre, l’Afrique du Sud est revenue, lundi, à la charge en déposant une demande urgente à la CIJ «pour empêcher de nouvelles violations imminentes des droits» des Palestiniens à Ghaza après qu’Israël ait menacé d’étendre ses opérations militaires à Rafah, dernier refuge des survivants à Ghaza.

Le gouvernement sud-africain s’est basé sur l’article 75, alinéa 1, du règlement de la Cour qui stipule que cette juridiction «peut à tout moment décider d’examiner d’office si la ou les circonstances de l’espèce nécessitent l’indication de mesures conservatoires qui devraient être prises ou respectées par l’une ou l’ensemble des parties».

Dans cette demande, le gouvernement sud-africain s’est déclaré «gravement préoccupé» par le fait que «l’offensive militaire sans précédent contre Rafah», annoncée par l’Etat d’Israël, «ait déjà conduit et entraînera de nouveaux meurtres, dégâts et destructions à grande échelle.

Cela constituerait une violation grave et irréparable à la fois de la convention sur le génocide et de l’ordonnance de la Cour du 26 janvier 2024». L’Afrique du Sud, a espéré que «cette question recevra l’urgence nécessaire à la lumière du bilan quotidien des morts à Ghaza».

Une demande à laquelle la CIJ devrait donner une réponse incessamment, vu l’urgence. Quelques heures plus tard, et après un silence de plusieurs mois et des critiques assez sévères, le procureur de la Cour pénale internationale (CPI), Karim Khan, a exprimé, dans une déclaration diffusée sur son compte X (anciennement Twitter), sa profonde inquiétude face à la situation à Rafah.

«Je suis profondément préoccupé par les bombardements signalés et par les incursions terrestres des forces israéliennes à Rafah», a écrit le procureur, auprès duquel au moins trois plaintes ont été déposées (2018, 2023 et 2024) contre Israël pour des crimes de «génocide», «contre l’humanité» et  «de guerre».

Khan : «Toutes les guerres ont des règles»

Khan avait déjà annoncé, lors de sa visite à Rafah, côté égyptien, au mois de décembre 2023, alors qu’Israël avait interdit l’accès des convois humanitaires à Ghaza, que son enquête «s’étendait désormais à l’escalade des hostilités et de la violence depuis les attaques du 7 octobre 2023».

Il a donc averti que son bureau «mène une enquête continue et active sur la situation dans l’Etat de la Palestine», tout en précisant que «cette démarche est entreprise avec la plus haute urgence, en vue de traduire en justice les responsables des crimes visés par le statut de Rome».

Le procureur a rappelé que «toutes les guerres ont des règles», puis a averti : «Les lois applicables aux conflits armés ne peuvent être interprétées de manière à les rendre creuses ou vidées de leur sens. Cela a été mon message constant, y compris depuis Ramallah l’an dernier.

Depuis, je n’ai constaté aucun changement perceptible dans la conduite d’Israël.» Hissant un peu le ton, le procureur a averti : «Comme je l’ai souligné à plusieurs reprises, ceux qui ne respectent pas la loi ne devront pas se plaindre ensuite si mon bureau agit conformément à son mandat.»

S’adressant directement à «toutes les personnes impliquées», le procureur a rappelé que son bureau «enquête activement sur tous les crimes qui auraient été commis», et prévenu «ceux qui enfreignent les lois» qu’ils «seront tenus responsables», avant d’affirmer qu’il «continue d’appeler à la libération immédiate de tous les otages» qui «représente également un axe important de nos enquêtes».

Le même jour, la Cour d’appel de La Haye aux Pays-Bas a ordonné la cessation, dans un délai de 7 jours, des livraisons de pièces d’avions de combat F-35, utilisés par Israël dans sa guerre génocidaire à Ghaza.

Par cette sentence, la juridiction d’appel venait d’annuler la décision du tribunal de première instance, auprès duquel des associations de défense des droits de l’homme, qui avaient saisi la justice, ont déposé plainte pour empêcher toute exportation de ces pièces vers Israël, qui pouvaient, selon les plaignantes, contribuer aux violations du droit international par l’entité sioniste dans sa guerre à Ghaza.

Au mois de décembre 2023, les associations avaient été déboutées par le tribunal sous prétexte que «la fourniture des pièces était avant tout une décision politique dans laquelle les juges ne devraient pas interférer».

Cependant, la juridiction d’appel a estimé que «le maintien des bonnes relations avec les Etats-Unis et Israël, en jeu dans cette affaire, tel que présenté par l’Etat néerlandais, n’était pas un bon argument pour poursuivre l’exportation des pièces».

Borell : «L’UE n’envoie pas d’armes à Israël, d’autres le font»

De ce fait, elle a annulé le 1er verdict et ordonné la cessation de l’exportation et le transit des pièces d’avion vers Israël. En fait, cette affaire porte sur des pièces de F-35 appartenant aux Etats-Unis et stockées aux Pays-Bas, d’où elles sont exportées vers des pays partenaires parmi lesquels Israël.

En ce lundi 12 février, Joseph Borrell, coordinateur des affaires étrangères de l’Union européenne (UE), a suggéré quant à lui, de ne pas vendre d’armes à Israël.

«Si vous pensez qu’un grand nombre de personnes sont tuées, vous devriez peut-être vendre une plus petite quantité d’armes.» «Il est contradictoire de dire qu’il y a beaucoup de personnes tuées.

Nous devons arrêter de demander des choses s’il vous plaît et commencer à agir», a-t-il déclaré. Il a rappelé qu’un tribunal de La Haye «a ordonné aux Pays-Bas de cesser d’exporter des pièces de F-35 vers Israël car elles pourraient être utilisées contre Ghaza.

Ma question est la suivante : à part les mots, que devrions-nous faire d’autre ? L’UE estime que le nombre de morts est trop élevé. Existe-t-il une possibilité de le réduire ? L’UE n’envoie pas d’armes à Israël, d’autres le font. Si vous pensez que le nombre de morts est trop élevé, vous pouvez peut-être faire quelque chose pour le réduire, en vendant peu d’armes».

Les sous-entendus de Borell sont très clairs. Au lieu d’appeler à l’interdiction de livraisons d’armes à Israël, par les USA et l’UE, il a demandé d’une manière subtile aux Européens de réduire leurs exportations militaires vers Israël.

Evoquant le déplacement des civils à Rafah, Borell a demandé : «Où voulez-vous que ces gens soient évacués ? Vers la Lune ? Vous pourriez indiquer un endroit vers où les gens seront évacués», en prenant soin de mettre des gants afin de ne froisser ni les Américains ni les Européens alliés d’Israël.

De son côté, Volker Tûrk, haut commissaire onusien des droits de l’homme, a prévenu la communauté internationale qu’«une éventuelle incursion militaire israélienne à grande échelle à Rafah risque d’entraîner la mort et de blesser de nombreux civils, pour la plupart des enfants et des femmes», avant de mettre en garde l’entité sioniste : «Israël doit se conformer aux ordonnances juridiquement contraignantes émises par la Cour internationale de justice et à l’ensemble du droit humanitaire international.

Ceux qui défient le droit international ont été mis en demeure. La responsabilité doit suivre.» Dans une déclaration aux médias, le responsable onusien a rappelé que «quelque 1,5 million de Palestiniens sont entassés à Rafah le long de la frontière avec l’Egypte et n’ont nulle part où fuir (…).

La perspective d’une telle opération à Rafah, dans l’état actuel des choses, risque de provoquer de nouvelles atrocités criminelles». Pour lui, «le monde ne doit pas permettre que cela se produise. Ceux qui ont de l’influence doivent restreindre plutôt que permettre.

Il doit y avoir un cessez-le-feu immédiat». Lui emboîtant le pas, le patron de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le Dr Tedros, s’est dit préoccupé par les récentes attaques sur Rafah, où la majorité de la population de Ghaza a fui les destructions au Nord, alors que Philippe Lazzarini, commissaire général de l’Unrwa, a mis en garde contre l’opération terrestre sur Rafah, qui, selon lui, «pousserait les Ghazaouis vers la frontière avec l’Egypte», en avertissant qu’«il n’y a plus d’endroit sûr à Ghaza».
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