Ghaza sous le feu : Israël menace d’annexer des territoires

22/03/2025 mis à jour: 23:12
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Photo : D. R.

La stratégie israélienne soulève des inquiétudes profondes. «Israël veut s’approprier des territoires et ne jamais les restituer», affirme Andreas Krieg, professeur de sécurité à King’s College Londres.

Le fracas des bombes a repris de plus belle dans la bande de Ghaza. Alors que l’armée d’occupation israélienne étend son offensive terrestre, notamment à Rafah, dans le Sud, et à Beit Lahiya, au Nord, les perspectives d’un apaisement du conflit s’éloignent un peu plus chaque jour. Selon la Défense civile de Ghaza, presque 600 personnes ont été tuées depuis cette reprise des bombardements et opérations israéliennes. Selon l’Unicef, au moins 200 enfants ont perdu la vie depuis la reprise des hostilités cette semaine.

Les forces d’occupation israéliennes avancent simultanément sur plusieurs zones : Rafah, Beit Lahiya et des secteurs centraux du territoire palestinien sont soumis à d’intenses frappes aériennes et incursions terrestres. Les habitants et les médias font état d’un pilonnage incessant de Beit Lahiya, forçant de nombreux habitants à fuir en catastrophe.

A Rafah, ville déjà saturée de réfugiés ayant fui les combats précédents, les forces d’occupation israéliennes progressent dans les quartiers de Shaboura et Tal el-Sultan. De nombreux civils, pris en étau, tentent de gagner El Mawasi, une zone côtière supposée plus sûre, bien que son exiguïté et l’absence d’infrastructures en fassent un refuge précaire.

Dans un communiqué relayé par la presse, le ministre de la Défense israélien, Israel Katz, a menacé d’une annexion progressive des terres palestiniennes si le Hamas ne libérait pas les otages encore détenus. Il a ordonné à l’armée d’occupation de «s’emparer de zones supplémentaires» et d’«étendre la zone de sécurité autour de la bande de Ghaza».

Selon lui, tant que l’organisation islamiste maintiendra son refus, Israël continuera à annexer des territoires. «Tant que le Hamas persistera dans son refus, il perdra de plus en plus de terres, qui seront annexées par Israël», affirme-t-il.

«Nous intensifierons la lutte avec des frappes aériennes, maritimes et terrestres, ainsi qu’en élargissant l’opération terrestre jusqu’à la libération des otages et la défaite du Hamas, en utilisant tous les moyens de pression militaires et civils, y compris l’évacuation de la population de Ghaza vers le Sud et la mise en œuvre du plan de déplacement volontaire du président américain Trump pour les habitants de Ghaza», ajoute le ministre.

Cette déclaration fait enfin tomber les masques sur les intentions d’Israël :  l’Etat hébreu évoque désormais une occupation «permanente» de certaines zones de Ghaza. Katz va même plus loin en évoquant la possibilité d’un «déplacement volontaire» des Palestiniens, en écho aux déclarations du président américain Donald Trump, qui prône une réinstallation forcée des habitants de Ghaza dans d’autres pays.

La stratégie israélienne soulève des inquiétudes profondes. «Israël veut s’approprier des territoires et ne jamais les restituer», affirme Andreas Krieg, professeur de sécurité à King’s College Londres. Mohamad Elmasry, professeur au Doha Institute for Graduate Studies, estime que cette nouvelle phase de la guerre vise à «vider Ghaza de ses habitants» et à s’inscrire dans un projet plus large d’«expansion territoriale israélienne».

Une crise humanitaire qui s’aggrave

Selon lui, l’administration Netanyahu voit dans cette guerre une opportunité d’appliquer la vision d’un «Grand Israël», longtemps portée par l’extrême droite israélienne et soutenue par une majorité de la population juive israélienne, comme l’indiquent certains sondages.

Le retour à une guerre totale expose néanmoins le gouvernement de Benyamin Netanyahu à une contestation interne croissante. La reprise des bombardements, décidée mardi, a ravivé la colère de quelques manifestants israéliens qui accusent le Premier ministre de prolonger le conflit à des fins politiques, au détriment des otages encore détenus.

L’ancien conseiller à la sécurité nationale de Netanyahu, Yaakov Amidror, souligne l’importance de la légitimité interne d’un conflit dans une démocratie. Or, face à une opinion publique de plus en plus divisée, l’Exécutif israélien prend le risque de voir sa marge de manœuvre se restreindre.

Le président israélien, Isaac Herzog, s’est dit «profondément troublé» par la reprise des frappes sur la bande de Ghaza, dans une rare critique du Premier ministre, Benyamin Netanyahu, qu’il n’a toutefois pas nommé. «Il est impensable de reprendre les combats, tout en poursuivant la mission sacrée de rapatrier nos otages», a-t-il affirmé.

Aux bombardements intensifs s’ajoutent le blocus israélien, renforcé depuis la reprise des hostilités, qui plonge Ghaza dans une crise humanitaire sans précédent. L’International Federation of Red Cross (IFRC) et le Croissant-Rouge palestinien alertent sur l’effondrement des capacités médicales. Sur 53 véhicules d’urgence, seuls 23 sont encore opérationnels.

Sam Rose, directeur de la planification à l’UNRWA (Agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens), décrit une situation catastrophique : Aucune aide n’a pu pénétrer dans Ghaza depuis plusieurs semaines, annulant les avancées obtenues pendant la trêve. Dans les morgues, les corps s’entassent faute de places et de moyens pour assurer des enterrements dignes.

Les frappes israéliennes, désormais quasi omniprésentes, rendent impossible toute intervention humanitaire d’urgence. Face à cette situation, la communauté internationale reste largement spectatrice. Lee Hamas appelle la Ligue arabe et l’Organisation de la coopération islamique à une «action urgente» pour mettre fin aux frappes israéliennes.

La reprise des frappes aériennes intenses par Israël «place la responsabilité directe politique et morale sur la Ligue arabe et l’Organisation de la coopération islamique pour mettre fin au génocide», a affirmé le mouvement islamiste dans un communiqué en anglais.

Le Hamas appelle les pays arabes et islamiques à «mener une action urgente dans les instances internationales, particulièrement au Conseil de sécurité de l’ONU, pour mettre en place immédiatement des mesures afin d’arrêter l’agression et le génocide» des Palestiniens.

 

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