Une guerre civile atroce plonge, depuis plus de deux ans, l’un des pays parmi les plus grands d’Afrique. Le peuple soudanais paye un lourd tribut à un conflit qui ne le concerne pas. Le silence de la communauté internationale et celui de la Ligue arabe ajoutent à l’incompréhension.
Deux généraux ensanglantent le pays et aucun des deux ne veut lâcher prise. Pourtant, tous les deux ont accédé au pouvoir grâce à un coup d’Etat qui leur a permis de destituer le dictateur Omar El Béchir. Le chef de la junte, le putsch réussi, avait commencé à faire le vide autour de lui. Pour consolider son pouvoir, il s’est même mis sous le parapluie israélien en signant avec Tel-Aviv, pas à Khartoum mais à Nairobi, les accords d’Abraham imposés au Moyen-Orient durant le premier mandat présidentiel de Trump. Le militaire qui avait échappé aux purges, le général «Hemetti» Daglo, un ancien berger, s’était distingué dans les massacres racistes déclenchés par les Arabes du Darfour contre les Noirs, lesquels ont contribué à son ascension fulgurante.
Pour le récompenser, le dictateur El Béchir en a fait son général et lui a offert trois mines d’or dans le Darfour. Pour leur exploitation, il fait appel à Wagner. Le groupe de mercenaires russes saute sur l’occasion et participe à la curée, surtout que le marché d’écoulement du magot se trouve si près, de l’autre côté de la mer Rouge. Est-ce l’élément déclencheur de l’incendie ? Il faut dire que le Soudan avait déjà des relations anciennes avec l’autre dictateur Noumeiry Djaafar. Grâce à lui, les Falasha, ces juifs éthiopiens, ont été exfiltrés d’Ethiopie, transférés jusqu’au sud du Soudan et de là envoyé en Israël grâce à un pont aérien. Il se disait à l’époque que Noumeiry recevait 1000 dollars pour chaque Falasha évadé. Avec son or ramassé au Darfour, Hemetti a constitué une armée appelée Forces de soutien rapide.
Devenu riche, l’ancien meneur de chameaux se découvre d’autres ambitions : il veut le pouvoir pour lui seul. Il décide alors d’évincer son rival Al Burhan par la force des armes. Les deux hommes sont sans pitié. Ils n’ont aucune considération pour les populations civiles qui sont massacrées sans discernement aussi bien par les FSR que par l’armée régulière. Les femmes et les jeunes sont les premières victimes de l’horreur.
Des deux côtés, on viole, on pille, on tue. Au point que, et c’est unique dans l’histoire des guerres, les femmes se suicident collectivement à l’approche des militaires pour éviter les viols et les tortures sadiques des hommes aussi bien des FSR que ceux d'Al Burhan. Les populations fuyaient dans les pays voisins.
Les Nations unies évaluent à au moins 14 millions de Soudanais réfugiés hors de leur pays, soit le tiers de la population. Les FSR se sont particulièrement distinguées pour leur cruauté, brûlant des villages entiers et massacrant leur population, y compris dans les zones sous leur contrôle. Aucune organisation internationale, aucun pays n’ose entreprendre une médiation. Les organisations humanitaires n’osent pas s’approcher de ce qui est devenu un enfer sur terre. Tout simplement parce qu’il n’y a aucune sécurité, aucune garantie de sortir vivant de ce pays.
Les Etats-Unis ont bien tenté une médiation mais ont rapidement reculé, surtout que leurs principaux moyens étaient concentrés sur le Proche-Orient.
L’ONU et l’Union africaine paraissent incapables de faire quoique ce soit. Les deux instances internationales ne lancent même pas des appels à l’apaisement. Elles savent que c’est, peine perdue. La Ligue arabe aurait pu faire quelque chose. Elle aussi est minée par des dissensions internes. Il se dit même que certains régimes arabes arment les belligérants et que l’or du Darfour coule à flots dans la presqu’île arabique.
Ce n’est pas dans un climat aussi délétère, aussi tragique que des bonnes volontés peuvent agir. En attendant, le pauvre peuple soudanais est en train de souffrir dans un monde déshumanisé où il n’y a pas de place pour les faibles.