C’est via un tweet posté sur son compte X officiel que Salah Goudjil, président du Conseil de la nation, a rappelé jeudi, à l’occasion du 65e anniversaire de la catastrophe des explosions nucléaires menées par le colonialisme français dans le désert algérien, que celles-ci constituent l’un des crimes d’extermination les plus atroces, car elles ont non seulement empoisonné la terre, mais aussi coûté des vies.
Selon lui, la honte enfouie sous le sable continue de répandre son poison et de faire de nouvelles victimes à cause de l’irresponsabilité du néocolonialisme.
De son côté, Laïd Rebiga, ministre des Moudjahidine et des Ayants droit, a souligné à Reggane, au sud d’Adrar, lors de l’ouverture du colloque international sur les explosions nucléaires françaises intitulé «Crimes humains, tragédies éternelles et responsabilité pénale», que «les explosions nucléaires commises, en ce jour de l’année 1960, par la France coloniale dans le Sahara algérien restent un crime contre l’humanité, dans toute l’acception du terme, et une honte pour la France». «Nous nous recueillons aujourd’hui, avec responsabilité, devant cette tragédie pour mettre en évidence ses effets et les voies de les traiter, de manière à recouvrer les droits des victimes humaines et de l’environnement, et à sécuriser l’avenir de la région qui en a été le théâtre», a-t-il affirmé.
M. Rebiga a par ailleurs assuré que l’Algérie s’attelle, avec ses institutions et organismes spécialisés, à collecter les données inhérentes aux dommages matériels et moraux causés par ce crime odieux, et œuvre, à travers ses académiciens et ses laboratoires de recherche, à consolider les voies d’investigation et d’enquête lui permettant d’effectuer une étude approfondie et détaillée sur ses répercussions et tourner définitivement cette page sinistre du colonialisme français. «Par la même occasion, je salue le succès ayant couronné les démarches et efforts de l’Armée nationale populaire (ANP), digne héritière de l’Armée de libération nationale (ALN), en matière de déminage de la terre et la réhabilitation et l’assainissement des zones interdites pour épargner aux habitants des zones frontalières le cauchemar des mines et restaurer la quiétude et la sérénité», a-t-il ajouté.
la France doit nettoyer les zones contaminées
Précisant au passage que le dossier des explosions nucléaires et ceux en rapport avec la mémoire nationale sont, quelles que soient les circonstances, non négociables et inaliénables. A cet effet, M. Rebiga a fait savoir que le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, a toujours appelé à accorder une importance particulière à la mémoire nationale et à l’histoire. Et pour cause : Elles constituent, selon M. Rebiga, une soupape de sécurité pour la défense de l’intégrité du pays et de la nation ayant arraché sa liberté par les sacrifices de nos glorieux chouhada.
De leur côté, des historiens de l’université de Béchar ont estimé, jeudi lors d’une rencontre tenue au centre culturel islamique à Béchar, nécessaire que la France entame le nettoyage et la décontamination des zones où elle a effectué des essais nucléaires et d’armes chimiques et biologiques dans le Sahara algérien. «Il faut savoir que les répercussions et effets de ces explosions et armes sont toujours perceptibles, tant sur les populations que sur le couvert végétal et les animaux», a affirmé Zineb Salmi, historienne et enseignante à la faculté des sciences humaines et sociales.
Dans ce contexte, Rabiaa Chebli et Mohamed Laihar, historiens et enseignants, ont assuré que les habitants de ces régions sont affectés depuis ces essais nucléaires et d’armes chimiques et biologiques par plusieurs pathologies graves, dont les cancers du sang, de la peau et de la thyroïde chez les enfants.
D’ailleurs, une trentaine d’organisations internationales, à l’exemple de Chouaa (rayon) pour les droits de l’homme, Campagne internationale pour l’abolition des armes nucléaires (ICAN), Médecins internationaux pour la prévention de la guerre nucléaire (IPPNW), la Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté, 80 000 Voix (80 000 Voices), ont appelé la France à assumer sa responsabilité historique et juridique des explosions nucléaires effectuées dans le Sahara algérien. Selon ces organisations qui luttent en faveur de la paix, du désarmement et des droits humains à travers le monde, cet essai nucléaire n’était pas un événement isolé, mais le début d’une série de 16 autres essais successifs, dont 11 ont été réalisés postérieurement aux accords d’Evian du 19 mars 1962 qui actent l’indépendance de l’Algérie.
Tragique héritage de la radioactivité
«Ces 17 essais nucléaires et les 40 expérimentations nucléaires complémentaires avec dispersion de plutonium (essais sous critique Pollen et Augias) ont laissé un héritage tragique de contamination radioactive généralisée et de graves dommages à la santé des populations locales des zones touchées», ont-ils déploré.
D’ailleurs, des décennies plus tard, les effets perdurent, comme en témoignent la hausse alarmante des taux de cancer et des maladies respiratoires chroniques, ainsi que la dégradation environnementale continue, qui a gravement affecté les ressources naturelles, perturbé les moyens de subsistance et fragilisé le tissu socio-économique des communautés locales. «Au- delà des conséquences sanitaires et environnementales, ces explosions nucléaires ont engendré de profondes répercussions psychologiques et sociales pour les populations affectées», ont-ils assuré. C’est pourquoi les rapporteurs onusiens ont demandé à la France de «reconnaître sa responsabilité historique et juridique pour les conséquences de ses explosions nucléaires en Algérie, ainsi que la mise en œuvre de mesures concrètes pour réparer les dommages causés».
Cela passe, selon ces organisations, par la déclassification de toutes les archives liées aux essais, l’identification des sites de déchets radioactifs, la dépollution des zones contaminées et l’indemnisation juste des victimes avec un accès garanti aux soins médicaux adéquats.
En d’autres termes, les organisations internationales signataires appellent la France a reconnaître, de manière entière et complète, les crimes nucléaires commis en Algérie et l’acceptation de sa responsabilité juridique et morale, «avec une indemnisation équitable pour les victimes, la levée du secret défense sur tous les dossiers relatifs aux essais nucléaires, y compris les sites de déchets radioactifs, ainsi que la signature et la ratification du Traité sur l’interdiction des armes nucléaires (TIAN), en signe de bonne foi pour remédier aux conséquences de ces essais et assurer la vérité et la justice auprès des populations impactées», concluent-elles.