Dette publique insoutenable, pression des géants de la Tech et risques de récession : Trump cède face à la réalité économique américaine

14/04/2025 mis à jour: 13:39
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Le triomphalisme de Donald Trump a fini par céder face à la réalité économique des Etats-Unis. En une semaine, le locataire de la Maison Blanche est passé d’un discours de leader invincible à celui plus conciliant d’un président plus pragmatique qui se rend finalement compte que l’économie de son pays a aussi ses fragilités. 

Marché de la dette, inflation, pression des GAFAM, Trump est forcé de revenir à «la raison» et limiter la portée de son arme des barrières douanières. Le séisme provoqué par la guerre commerciale sur le marché de la dette américaine a forcé Trump à faire un recul sur son offensive face aux partenaires commerciaux de son pays. 

Plus que son impact sur le marché boursier et le choc des baisses des indices financiers, la décision de l’application des nouveaux tarifs douaniers a provoqué une vente éclair des bons du Trésor américain créant un mouvement de panique au niveau du marché de la dette auquel Trump ne s’y attendait pas. «Je surveillais le marché des obligations», a-t-il fini par reconnaître pour justifier la suspension de l’application des droits de douanes pour 90 jours, car, dit-il, encore «les surtaxes douanières ont effrayé un peu les investisseurs». Le marché des obligations concerne les échanges des emprunts par les pays, avec pour condition : plus les obligations d’un pays sont attractives pour les investisseurs, plus leur taux d’intérêt baisse. 

Mais lorsque la dette d’un Etat s’avère plus risquée, le taux des obligations ou appelé aussi «rendemen» prend la direction de la hausse. Après l’annonce des droits de douane, les bons du Trésor américain ont suivi deux trajectoires. Ils ont d’abord été plébiscités, en suscitant l’intérêt des investisseurs comme placement refuge en plein quasi crash boursier. Les investisseurs ont donc, selon les calculs de l’Administration américaine, pris en premier lieu la décision de vendre des actions boursières pour acheter des obligations d’Etat, qui sont des actifs sécurisés. 

Ce premier mouvement a fait logiquement baisser le rendement de l’emprunt américain de 10 ans jusqu’à 3,88% le 4  avril, et jusqu’à 4,30% pour le rendement de l’emprunt sur 30 ans. Toutefois, un deuxième mouvement est arrivé, contre l’attente de l’Administration américaine,  où les investisseurs ont lâché les emprunts publics américains, exprimant une méfiance quant à la fiabilité de leur placement. 

Le rendement de l’emprunt de 10 a donc fini par remonter mercredi dernier jusqu’à 4,5%, et celui de 30 ans a bondi jusqu’à 4,9%. L’incertitude provoquée par la politique commerciale de Trump et le spectre d’une récession de l’économie américaine ont influencé ce mouvement de panique sur le marché de la dette américaine objet, tout comme le dollar, d’une crise de confiance inédite et perdant sa place de valeur refuge. 

Perte de confiance  

Alors que Trump voulait obliger les investisseurs à acheter les actifs de la dette américaine la plus importante au monde avec 36 000 milliards de dollar, dont 29 000 milliards de dollars sous forme d’obligations ; mais c’est l’effet inverse qui s’est produit. 

Même après avoir suspendu les droits de douane, les investisseurs ont continué à se débarrasser des obligations, faisant augmenter les taux d’intérêt et donc contraindre l’Etat américain à emprunter à des taux plus élevés et ce qui accentuerait les risques de récession. Notons que la Chine, qui est la plus ciblée par les taxes douanières US, détient plusieurs centaines de milliards de dollars de la dette publique américaine. 

Ce qui lui donne un levier pour manœuvrer dans sa guerre commerciale face aux USA. Outre son recul sur l’application des droits de douanes de 90 jours, Donald Trump opère un nouveau pas en faveur des GAFAM. Il a décidé d’exempter, même ceux provenant de Chine, les smartphones et les ordinateurs des récentes surtaxes douanières. 

Une décision qualifiée de victorieuse par les entreprises technologiques qui après d’intenses lobbying auprès de l’administration américaine, ont obtenu gain de cause. Elon Musk, proche de Donald Trump, avait, pour rappel, montré des réserves sur la décision des droits de douane. 

Tim Cook, patron du géant Appel, qui fabrique majoritairement ses produits en Asie, dont la Chine, a particulièrement poussé Trump a décider de ce recul notamment pour permettre aux consommateurs américains de ne pas payer trop cher les produits technologiques. 

Dans sa riposte face aux droits de douanes US, l’Union européenne a brandi vendredi dernier la menace de surtaxer les géants du numérique. «On pourrait imposer une taxe sur les revenus publicitaires des services numériques», a menacé Ursula von der Layen, présidente de la Commission européenne en ciblant les GAFAM, dont Meta et Google qui contrôlent entre 85 et 90% du marché publicitaire numérique. Une menace qui ajouterait une pression supplémentaire au malaise de Donald Trump se trouvant devant l’obligation de défendre ses généreux donateurs parmi ces géants du numérique. 

Notons par ailleurs, que les consommateurs américains commencent à montrer des signes de baisse de confiance dans la nouvelle administration. L’indice général de la confiance des consommateurs américains, de l’université de Michigan, est tombé à 50,8 points en ce mois d’avril contre 57 points au mois de mars dernier.  Il s’agit de l’un des niveaux les plus bas enregistré depuis la crise financière de 2008. 

Le risque de récession avec son fonds de baisse des revenus des ménages, et des perspectives d’emploi, abaisse le niveau de confiance dans la capacité de l’actuel locataire de la Maison Blanche à faire redresser la situation économique. Le même rapport relève des anticipations en forte hausse sur le niveau d’inflation pour les 12 mois à venir aux Etats-Unis. Les analystes s’attendent à un taux jamais atteint depuis 1981 alors que la Réserve Fédérale reste attentive à la trajectoire de l’inflation pour décider de l’augmentation des  taux d’intérêt.   N.Bouaricha

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