Une discussion très virulente a fuité. Ron Dermer, ministre israélien des Affaires Stratégiques, un proche de Netanyahu, s’en est pris à l’envoyé américain pour les otages, Adam Boehler, dans une communication téléphonique très tendue, «pour avoir évoqué le nombre de prisonniers libérables en échange de la libération des otages américains, sans le consentement de Netanyahu», a écrit en exclusivité le site américain Axios, premier média à avoir fait état des négociations directes entre les USA et les dirigeants du Hamas.
Les échanges entre les deux hommes ont eu lieu mardi dernier, après qu’Israël a pris connaissance de la tenue, quelques heures auparavant, d’une réunion à Doha, entre le conseiller de Trump et les dirigeants du Hamas, à leur tête, Khallil Al Hayya, pour négocier la libération des otages américains.
Citant un «responsable occidental» sans le nommer, le journal hébreu Times Of Israël a affirmé que Dermer était «indigné» du fait que lors de ces pourparlers, Boehler a avancé le nombre de détenus palestiniens à libérer en contrepartie de la libération des cinq otages israélo-américains, dont quatre pourraient ne pas être en vie, sans que le Premier ministre israélien ne donne son accord. Selon le même média, Boehler a expliqué qu’il «ne s’agissait pas de discussions initiales avec le Hamas et que rien ne serait finalisé sans l’approbation d’Israël».
Le même jour, et après l’échange électrique entre les deux responsables, la réunion entre Boehler et Hayya a fuité dans les médias. Pour le conseiller de Trump, il s’agit d’une riposte israélienne pour faire avorter l’initiative américaine, suscitant, selon Times of Israël, un recul de confiance entre les deux parties.
Pour les Américains, a écrit Axios, un tel accord «serait très utile à Trump qui ferait alors pression pour un accord plus large qui pourrait impliquer une trêve à long terme, un passage sûr hors de Ghaza pour les dirigeants du Hamas, la libération de tous les otages restants et la fin effective de la guerre». Trump et ses conseillers, a jouté Axios, «espéraient une percée avant son discours au Congrès mardi, mais ont trouvé la réponse du Hamas insuffisante». Les discussions ont également porté sur des points spécifiques, comme le nombre de prisonniers palestiniens qui seraient libérés des prisons israéliennes en échange du retour sain et sauf des otages israélo-américains en vie, sur lesquels Israël n’avait pas donné son accord.
«Lorsque les vies américaines entrent en jeu»
Netanyahu avait rejeté l’idée que les Etats-Unis rencontrent les dirigeants du Hamas. «Lui et ses conseillers sont devenus de plus en plus préoccupés après que l’idée soit devenue réalité», selon une source proche du Premier ministre israélien, a indiqué Axios. Pour les deux sources de ce média, Dermer s’est opposé à ce que Boehler fasse de telles propositions sans le consentement d’Israël. Il a assuré au responsable israélien qu’il «n’était pas proche d’un accord avec le Hamas et qu’il comprenait les paramètres d’Israël».
L’appel téléphonique tendu entre Dermer et Boehler, a révélé Axios, «avait conduit la Maison-Blanche à réévaluer son approche». Citant deux responsables israélien et américain, le site américain a expliqué que lorsque l’envoyé de Trump, Steve Witkoff, «s’est joint aux efforts en vue d’un accord sur Ghaza dans les derniers jours de l’administration Biden, il a proposé de rencontrer directement le Hamas pour accélérer les pourparlers, mais cela ne s’est finalement pas produit à l’époque».
Vingt-quatre heures plus tard, la porte-parole de la Maison-Blanche, Karoline Leavitt, a confirmé dans l’après-midi la tenue de pourparlers directs entre les Etats-Unis et le Hamas, tenaient des «pourparlers directs» avec le Hamas en précisant qu’Israël «avait été consulté». Elle a déclaré que Trump pensait que «c’était la bonne chose à faire pour le peuple américain» et a ajouté que «des vies américaines sont en jeu». Trump a, pour sa part, défendu clairement les négociations avec le Hamas, les qualifiant d’«utiles pour Israël», car «nous parlons d'otages israéliens».
En fait, la rencontre de mardi dernier entre Boehler et les responsables du Hamas n’était pas la première. Elle a été précédée par «des réunions avec une délégation de niveau inférieur» du Hamas, «une semaine plus tôt à Doha» sans que Netanyahu n’en soit informé. Les pourparlers ont porté sur «la libération des otages américains et un accord plus large entre Israël et le Hamas visant à libérer tous les otages restants et à mettre fin à la guerre», a écrit le site américain, citant «un responsables occidental», sous le couvert de l’anonymat. Netanyahu ne s’est pas exprimé contre la démarche. Son bureau s’est contenté de déclarer, dans un communiqué diffusé, mercredi dernier, soit vingt-quatre heures après la communication tendue entre Dermer et Boehler, qu'«Israël a fait part aux Etats-Unis de sa position concernant les négociations directes avec le Hamas».
Le lendemain, jeudi, l’envoyé spécial américain au Moyen-Orient, Steve Witkoff, a affirmé que l’otage américain encore en vie constituait «une priorité» pour les Etats-Unis. «Edan Alexander est très important pour nous, comme tous les otages, mais Edan Alexander est américain, et il est blessé, donc il est une priorité absolue pour nous», a déclaré Witkoff aux journalistes, lors d’un rassemblement devant la Maison-Blanche. «Malheureusement, ce que nous avons appris, c'est que le Hamas nous a dit qu'il allait réfléchir à cette question d'une certaine manière...
C'est une information importante pour nous. Et c'est ainsi qu'est venu le tweet du Président», a déclaré Witkoff, faisant allusion à l'ultimatum lancé par Trump, mercredi soir, au Hamas, le menaçant de destruction, en cas de non-libération immédiate des otages. Le même ultimatum avait été lancé, par le président Trump, le 20 janvier dernier, alors que l’accord de cessez-le-feu entre Israël et le Hamas était en phase de finalisation.

«Nous ne faisons rien contre le Hamas»
Pour beaucoup, la menace de Trump visait le Hamas, alors que Witkoff faisait également pression sur Netanyahu pour qu’il accepte l’accord-cadre après une réticence de plusieurs mois. Reprenant les propos d’un responsable occidental, sans le nommer, Times of Israël, a écrit qu’avec «son dernier ultimatum, lancé après la rencontre du Président avec un groupe d’otages libérés dans le bureau ovale, Trump a défendu une position maximaliste, tout en étant ouvert à recevoir quelque chose de moins du Hamas, que ce soit les otages américains restants ou un groupe plus large que la soi-disant proposition Witkoff envisage de libérer en échange de la prolongation du cessez-le-feu jusqu’au Ramadhan et à Pessah, qui se termine le 19 avril.» Il a défendu aussi «les négociations directes» sans précédent de son administration avec le Hamas, affirmant qu’elles étaient menées dans «l’intérêt d’Israël (..) pour garantir la libération des otages israéliens».
S’exprimant devant les journalistes lors de la signature des décrets exécutifs dans le bureau ovale de la Maison-Blanche, le président Trump a souligné : «Nous aidons Israël dans ces discussions parce que nous parlons des otages israéliens» avant de préciser : «Nous ne faisons rien contre le Hamas. Nous ne donnons pas d’argent. Il faut négocier.
Il y a une différence entre négocier et payer. Nous voulons faire sortir ces gens.» Mais le Hamas veut des négociations autour de l’exécution de la deuxième phase de l’accord de cessez-le-feu que lui et Israël ont signé par l’intermédiaire des médiateurs qataris et égyptiens et sous la supervision des Etats-Unis. Israël, faut-il le rappeler, avait refusé d’engager les pourparlers de la 2e phase, le 16 février dernier, comme prévu par les termes de l’accord, et à la fin de cette étape, il remet sur la table un nouvel accord dit «plan Wittkof» qui comporte la libération de tous les otages vivants et morts, sans garantir le retrait total de ses troupes à Ghaza, ni la fin de la guerre, comme il a été convenu entre les deux parties.
Le plan est catégoriquement rejeté et la visite de Steve Witkoff à Doha pour rencontrer le Premier ministre du Qatar au sujet des négociations de cessez-le-feu, a été annulée «après avoir constaté qu’il n’y avait aucun progrès du côté du Hamas», a déclaré un responsable américain à Axios. Les négociations sont aujourd’hui, à l’arrêt alors que la population de Ghaza subit, depuis une semaine, un blocus sur la nourriture et l’aide humanitaire, imposé par Israël, pour faire pression sur le Hamas, afin qu’il libère tous les otages tout en menaçant de reprendre la guerre contre Ghaza.