Des milliers d’Israéliens manifestent contre la décision de reprise de la guerre : Colère grandissante contre Netanyahu

20/03/2025 mis à jour: 14:04
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Manifestation des familles des otages contre la reprise de la guerre à Ghaza

Le Premier ministre israélien a fait face, hier, à la fureur et la colère de milliers de manifestants rassemblés hier matin, devant le siège de la Knesset (parlement), pour dénoncer le limogeage du patron du Shin Bet et la reprise de la  guerre contre Ghaza, après un cessez-le-feu  de près de deux mois.

 Toutes les routes principales menant vers le bâtiment ont été envahies par une marée humaine, hissant des banderoles et des pancartes aux slogans très hostiles à Netanyahu, accusé d’ailleurs de privilégier l’intérêt de sa coalition gouvernementale au détriment de celui de la sécurité de l’Etat hébreu ainsi qu’à la vie des otages israéliens et des Palestiniens à Ghaza. 

De violentes échauffourées avec les forces de police ont émaillé ces manifestations, qui ont débuté dès la soirée de mardi dernier. Pour le Premier ministre, la reprise de la guerre a permis moins de 24 heures après de renforcer sa coalition fragilisée par son procès pour «corruption» en cours et à la veille d’un vote crucial sur le budget israélien. 

Largement couvertes par les médias israéliens, les manifestations ont drainé de nombreuses personnalités, médiatiques, culturelles et universitaires, qui ont fait part de leur opposition à la politique de Netanyahu.   C’est le cas d’Elias Shraga, président du Mouvement pour un gouvernement de qualité en Israël, un organisme de surveillance juridique, qui a déclaré à la chaîne américaine CNN :  «Netanyahu  voulait échapper à la justice. C’est la seule raison pour laquelle nous sommes confrontés au coup d’Etat et à cette guerre sanglante», avant de lancer : «C’est un mélange dangereux.»  Le Premier ministre  a été convoqué, mardi dernier, pour être entendu sur une affaire de corruption,  sur laquelle a enquêté le Shin Bet, que dirige Ronen Bar. 

Connue sous le nom de «Qatar gate», cette affaire a rebondi, ces derniers jours, avec les révélations d’un homme d’affaires israélien, qui a reconnu avoir transféré à Eli Feldstein, porte-parole du Premier ministre,  des fonds d’un groupe de pression qatari.  Feldstein a été arrêté par la suite, pour une autre affaire qui concerne «la divulgation de documents secrets dans le but d’entraver les accords pour la libération des otages».  Pour les médias et l’opposition, le limogeage du patron du Shin Bet est lié à ces enquêtes. L’audition de Netanyahu n’a pas eu lieu. Elle a tout simplement été annulée en raison de la reprise de la guerre. 

Pour Netanyahu, le patron du Shin Bet doit impérativement partir, parce que comme il l’a exprimé à des proches qui se sont confié aux médias israéliens : «Il prend des initiatives sans me consulter.» 

Il a décidé de le démettre de son poste,  mais la procureure générale s’y est opposée en expliquant, qu’une telle décision ne relève pas de ses prérogatives. La procureure générale a, depuis des mois, été au centre de violentes critiques des ministres extrémistes de la coalition gouvernementales, à l’image de Bezalel Smotrich et de Itamar Ben Gvir (avant sa démission), lesquels n’ont de cesse de réclamer son limogeage. Mardi dernier, dès la reprise de la guerre contre Ghaza, Ben Gvir a demandé son retour au gouvernement, accepté par Netanyahu, mais refusé par la procureure générale.   

Mardi dernier, après avoir inscrit à leur ordre du jour le limogeage du chef du Shin Bet et de la procureure générale, les ministres israéliens ont prévu une «réunion d’urgence» pour voter sur la fin de mission pour Ronen Bar et reporté à dimanche un débat distinct sur le limogeage de la procureure générale, Gali Baharav-Miara, ont indiqué des journaux hébreux. La décision a été prise lors d’une réunion du Cabinet de sécurité quelques heures plus tôt.  

Selon le journal Israël Aujourd’hui, «les responsables ont confirmé qu’une session extraordinaire pourrait se tenir jeudi pour débattre de la révocation de Ronen Bar, ce qui permettrait de reporter le débat sur la procureure générale à ce week-end».  

L’extrême droite, la bouée de sauvetage de la coalition

Le retour d’Itamar Ben Gvir, au gouvernement, a donné à Netanyahu plus d’assurance pour poursuivre avec une plus grande cadence l’opération de purge qu’il mène dans les centres de pouvoir. Après avoir réussi à se débarrasser du chef d’état-major Herzi Halevi et du ministre de la Défense Yoav Gallant, pour leur responsabilité dans l’échec de la riposte aux attaques du 7 octobre, hier, c’était au tour du chef du Shin Bet, Ronen Bar, d’être démis de ses fonctions,  tandis qu’en arrière-plan, les procédures ont déjà été engagées pour destituer la procureure générale Gali Bahar-Miara. 

Pour le journal Israël Aujourd’hui, «de telles décapitations massives sont réservées à la plupart des régimes autoritaires».  Alors que son opinion publique réclame une commission d’enquête indépendante sur l’échec du 7 octobre, Netanyahu s’y est opposé formellement, en raison de ses craintes d’avoir un résultat qui mettra fin à sa carrière politique. Pour le chef de l’opposition Yair Lapid,  l’imposante marche populaire d’hier, à laquelle il a participé, vise à  «s’assurer que le gouvernement comprenne qu’il ne peut pas faire ce qu’il veut». 

Dans une déclaration à la chaîne américaine CNN, il a précisé que les manifestants «essayaient de dire aux peuples du monde qu’Israël ne restera pas silencieux lorsqu’ils nous priveront de notre démocratie».   Mardi dernier, quelques heures après la reprise de la guerre,  le parti de Ben Gvir, «le Pouvoir juif», a annoncé son retour dans la coalition de Netanyahu. 

Pour de nombreux médias israéliens, la reprise de cette guerre n’avait qu’un seul objectif, celui de renforcer le camp des alliés de droite de Netanyahu,  avant la date limite du vote du budget prévue le 31 mars courant.  L’extrême droite israélienne, partisane acharnée du nettoyage ethnique des Palestiniens, s’est toujours opposé au cessez-le-feu, qu’elle voit comme une capitulation. Depuis le début de la guerre, elle a plaidé pour la poursuite de l’offensive militaire et la déportation des Palestiniens de Ghaza,  pour réinstaller les colonies évacuées en 2005. Pour assurer la survie de sa coalition, il a besoin de cette aile radicale et messianique. «Je suis très préoccupé par la possibilité d’une guerre civile.

 Cette nation est divisée. On a parfois l’impression qu’il n’y a pas d’issue. Les gens ne croient plus à la démocratie. Ils ne croient plus à la vie que nous menions avant que tout cela ne se produise. On voit la division : la religion d’un côté, la laïcité de l’autre. 

Cela semble sans espoir», a déclaré Yairi, un artiste connu, à CNN, pendant que la rue était inondée par une marée humaine, dont une partie s’est dirigée vers la résidence du Premier ministre, poussant les forces de l’ordre à intervenir brutalement pour l’en empêcher.  Le retour de Ben Gvir et de son parti a été qualifié «d’immense victoire» pour la coalition de Netanyahu. En reprenant la guerre, ce dernier s’est assuré le soutien de Smotrich qui menaçait de quitter, lui aussi,  la coalition avec son parti,  dans le cas où les négociations passaient à la 2e phase et celui de Ben Gvir, qui a repris son poste de ministre de la Sécurité. 

Mais la rue n’a pas décoléré. Jusqu’en fin de journée, les affrontements entre les forces de l’ordre et les manifestants contre Netanyahu se poursuivaient, notamment aux alentours de sa résidence, en scandant des slogans hostiles à sa politique.  Jamais Israël n’a été soumis à une crise aussi profonde qu’il vit depuis le 7 octobre 2023. Salima Tlemçani

 

 

MSF se dit «horrifiée» par les massacres

L’ONG Médecins sans frontières (MSF) s’est dit «horrifiée» par la reprise des bombardements de l’armée de l’occupation sioniste contre la bande de Ghaza, appelant à un rétablir «immédiatement» le cessez-le-feu et à lever le blocus sur l’enclave palestinienne.  «Nous sommes horrifiés par les attaques lancées par (l’entité sioniste) contre la population de Ghaza, brisant le cessez-le-feu en place depuis près de deux mois. Des centaines de personnes ont été tuées», a déclaré Claire Magone, Directrice générale de MSF, dans un communiqué. «Conformément à la tactique qu’elles appliquent depuis octobre 2023, (l’occupation sioniste) a une nouvelle fois choisi de punir collectivement la population de Ghaza (...) en frappant avec une intensité inégalée» depuis les premières phases de l’agression. «Pendant plus de 15 mois, les habitants de Ghaza ont été tués, mutilés, affamés et déplacés sans distinction», a-t-elle déploré. Elle a souligné que «ces dernières attaques impitoyables menées par l’armée (sioniste) et les ordres d’évacuation nous font craindre qu’une nouvelle phase d’opérations militaires à Ghaza soit sur le point de commencer. Les Palestiniens de Ghaza ne pourront tout simplement pas résister, ni physiquement ni mentalement. Leurs espoirs de retrouver au moins une partie de leur vie antérieure sont en train de s’effondrer». Dans ce contexte, «MSF demande que le cessez-le-feu soit immédiatement rétabli. (l’entité sioniste) ne doit pas reprendre sa campagne de destruction et le cauchemar de ses bombardements massifs et aveugles sur la population de Ghaza», a encore dit Mme Magone. 
 
 

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