Le Conseil de sécurité de l’ONU a été fortement acculé par ses membres qui l’ont appelé «à agir immédiatement, dans les jours qui viennent et non pas les semaines», afin «d’empêcher la famine» à Ghaza. En effet, lors d’une réunion d’urgence convoquée par l’Algérie, la Slovénie, le Guyana et la Suisse, l’écrasante majorité des membres du Conseil a violemment critiqué Israël, en tant que force occupante, et dénoncé le «recours à la famine comme moyen de guerre», l’interdiction, par une loi israélienne, de l’Unrwa et appelé «à l’urgence d’un cessez-le feu immédiat, sans condition et permanent».
Tard dans la nuit de mardi à hier, l’instance onusienne a tenu une réunion consacrée exclusivement à la famine à Ghaza, et dont le débat est devenu une nécessité après le rapport alarmant des experts du Programme alimentaire mondial (PAM), qui met en garde contre «une famine imminente» dans l’enclave.
L’Algérie, par la voix de son ambassadeur Amar Bendjama, a affirmé que «la famine fait souffrir les Palestiniens, qui souffraient déjà», avant de lancer : «Cette tragédie était prévisible.» Pourtant, a-t-il souligné, les ONG humanitaires «ont sans relâche sonné l’arme et lancé des avertissements, mais la communauté internationale reste incapable de mettre un terme à cette oppression des forces israéliennes d’occupation».
Le diplomate algérien a affirmé que «la situation humanitaire catastrophique à Ghaza n’est pas un accident. Il s’agit de la conséquence d’une politique délibérée causée par les êtres humains, celle des privations, imposées par la puissance occupante. Le 9 octobre 2023, Israël a annoncé sa campagne de privation de la nourriture contre Ghaza et, au mois de décembre, les Palestiniens de Ghaza représentaient 80% des personnes dans le monde qui souffraient de famine ou de faim catastrophique.
Jamais dans l’histoire d’après la Deuxième Guerre mondiale, on a forcé une population à avoir faim de manière aussi rapide et complète». Poursuivant son intervention, il a souligné : «Ces rapports glaçants démontrent toute la gravité des privations infligées aux Palestiniens, en particulier au nord, où la population meure littéralement de faim. Il s’agit clairement de l’utilisation de la famine comme moyen de guerre. Il s’agit tout simplement d’un crime de guerre.»
Pour A. Bendjama, «l’intention de ces politiques est claire. Il s’agit de vider Ghaza de ses habitants». Il a rappelé en outre les affirmations des forces israéliennes d’occupation : «Elles ont déclaré que les Palestiniens ne seront pas autorisés à revenir dans leurs foyers à Ghaza.» L’ambassadeur a souligné qu’en octobre 2023, 500 camions par jour entraient à Ghaza, mais en octobre de l’année en cours, le niveau a baissé de manière drastique. «Pour aggraver encore les choses, pas une seule autorisation d’importation de produits alimentaires nécessaires n’a été accordée», a-t-il dit.
Pour A. Bendjama, Israël a aussi décidé de mettre un terme à l’Unrwa, ce qui constitue, pour l’ambassadeur, «un nouveau châtiment collectif contre la population qui dépend entièrement des services de l’agence onusienne pour sa survivre». Il a averti également : «Tous les civils à Ghaza sont en danger imminent. Nous ne pouvons pas les laisser seuls face à une force qui viole toutes les règles concernant les vies humaines.
Le ministre de Finances israéliennes a déclaré : ''Il pourrait être juste et moral de défaire deux millions de personnes à Ghaza.'' Nous au Conseil, nous devons respecter nos obligations morales et juridiques. Cette résolution présentée par les membres élus du Conseil et coordonnée par la Guyana doit être adoptée immédiatement. Il n’y a pas de temps à perdre (…). Si nous ne répondons pas à tous ces appels, dans les prochains jours nous aurons d’autres morts. Le Conseil doit agir maintenant afin d’imposer un cessez-le-feu immédiat, inconditionnel et permanent afin de mettre un terme au châtiment collectif.»
Une catastrophe à grande échelle, un châtiment collectif
Pour sa part, le représentant du Royaume-Uni a qualifié la situation à Ghaza de «catastrophe humanitaire intolérable» à la veille de l’hiver. Il a parlé de «famine imminente» alors que «les besoins vitaux sont bloqués à la frontière». Selon lui, «le scénario le plus défavorable s’installe à Ghaza. Nous n’avons plus le temps. Il faut agir maintenant pour éviter que le pire ne se produise». Il a exprimé sa «ferme condamnation» des restrictions sur l’accès de l’aide humanitaire et appelé à «davantage de quantités de vivres à Ghaza».
Pour le représentant de la Chine, «la famine ne doit pas être utilisée comme une arme de guerre. Le risque de famine est imminent. Cette catastrophe n’échappe pas à notre contrôle, elle n’est pas imprévue. Les attaques d’Israël contre les écoles, les hôpitaux, les ambulances, les abris… constituent une catastrophe à grande échelle, un châtiment collectif. Une tragédie qui se déroule devant le monde et met à l’épreuve les consciences. Israël doit ouvrir immédiatement les passages et coopérer avec l’Onu et les autres humanitaires».
Même la représentante des Etats-Unis a qualifié la situation au nord de Ghaza de «terrible, voire catastrophique», avant d’ajouter : «Nous devons mettre un terme au conflit armé et ramener les otages chez eux.» L’ambassadrice a toutefois affirmé qu’Israël «a pris certaines mesures importantes, mais ces réalisations ne sont pas pérennes». Sur l’Unrwa, elle a souligné le «rôle essentiel» qu’elle joue et, de ce fait, «il est indispensable et il faut qu’Israël remette en cause sa législation» contre l’agence.
La Russie a estimé, pour sa part, que 2,5 millions de Palestiniens sont face à une pénurie de nourriture et donc exposés à la famine. «Ce qui se passe a été fait de manière délibérée pour créer une zone tampon sécuritaire, tout comme au Sud-Liban. Israël a refusé de mettre fin aux actions punitives contre la population de Ghaza.
Des membres du Conseil nous disent qu’il y a eu des résultats positifs. Ils doivent reconnaître que ces efforts positifs, aussi nobles soient-ils, n’ont pas donné les résultats espérés. Israël a déclaré l’Unrwa hors-la-loi. Sa destruction aura des répercussions gaves sur toute la région.» S’adressant de manière indirecte à la représentante des USA, l’ambassadeur russe a lancé un message percutant : «Certains ont demandé aux parties influentes d’agir auprès d’Israël, mais tout le monde sait qui est cette partie influente, sans pour autant dire que ce sont les USA, qui détiennent les moyens de mettre fin à l’effusion de sang.
Ils partagent la responsabilité dans la mort de 43 000 Palestiniens et la famine à laquelle est soumise la population. Les USA nous ont menés par le bout du nez pendant tout ce temps, pour qu’à la fin, nous arrivions devant cette extermination de Palestiniens à Ghaza. Le temps est venu pour agir. Il faut un cessez-le-feu immédiat, inconditionnel et permanent sans plus tarder.»
Pour le représentant de la Palestine, le sort de centaines de milliers de Palestiniens est en jeu, en particulier au Nord. «Israël mène des attaques incessantes, inhumaines et criminelles contre chaque once de vie. Il y a une année, nous savions vers où nous allions avec ces bombardements et assassinats de masse, ces déplacements forcés, l’annexion, etc. Nous sommes au dernier stade d’un plan qui vise à vider Ghaza de sa population. Israël est décidé à utiliser les objectifs coloniaux.»