Crise politique et commerce franco-algérien : Quand les filières agricoles perdent des plumes

13/02/2025 mis à jour: 21:19
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Les portes se sont fermées pour la plupart des produits transformés qui partaient vers l’Algérie

Dans son édition datée de ce mercredi 12 février, le quotidien français libéral de droite L’Opinion s’inquiète que «l’Algérie a fermé la porte aux produits alimentaires français». 

Sous ce titre, la rédactrice explique que «le commerce agroalimentaire avec l’Algérie a connu un coup d’arrêt brutal avec la montée des tensions diplomatiques entre Paris et Alger». Car, est-il indiqué, «le divorce franco-algérien se joue aussi autour de la table, comme un repas de famille en train de mal tourner. Les liens alimentaires forts se sont rompus ces derniers mois». Ainsi, calcule le journal, les exportations agricoles vers l’Algérie qui étaient de 1,3 milliard d’euros en 2022 ont chuté de moitié à fin 2023 et la somme est tombée à 628 millions d’euros en 2024. 

Citant des spécialistes en matière, le quotidien parisien note que «la France a été volontairement sortie du marché», alors qu’en 2022, la France apportait 14% des besoins de l’Algérie, en étant son deuxième fournisseur. Et de citer les céréales, produits laitiers, bovins et volailles vivants, sucre, betteraves brutes, confiserie, biscuiterie, plats transformés à base de légumes… 

Sans avoir enquêté pour constater que sur cette liste, énormément de ces produits sont largement fabriqués en Algérie, les interlocuteurs, comme l’Association des industries agroalimentaires, estiment que «les portes se sont ainsi fermées pour la plupart des produits transformés qui partaient vers l’Algérie».


DE MOINS EN MOINS DE COMMANDES DE BLÉ FRANÇAIS

La question du blé est largement citée. L’Opinion rappelle une diminution constante des commandes algériennes. «En 2018, la France fournissait à l’Algérie 5,4 millions de tonnes de grains, soit 80 à 90% de ses besoins. 

En 2021, ce n’était plus que 2,1 millions de tonnes... Et en 2023, 608 000 tonnes», selon un communicant des Chambres d’agriculture. Sachant qu’«en 2025, les professionnels s’attendent à ce qu’elles soient quasiment nulles».

Et le journal de critiquer les choix de l’Algérie, reprenant des propos dévalorisants : «Il y a trois ans, l’Algérie a procédé à une manœuvre jamais vue : alors qu’elle était jusque-là intransigeante sur la présence de punaises dans les grains qui rendent les blés moins panifiables, elle a assoupli son cahier des charges, que la France était l’une des seules à pouvoir respecter. Elle l’a fait pour des raisons politiques, pour pouvoir bénéficier des prix bas de Vladimir Poutine. On a su que le mouvement d’éviction de nos blés était profond et durable.»

Et les professionnels expliquent cette mise à l’écart par le différend entre Paris et Alger, en raison de la position prise par Emmanuel Macron sur la prétendue marocanité du Sahara occidental. 

Le journal, qui avait pourtant interviewé récemment le président Tebboune à ce sujet, avait reçu des réponses claires sur l’entorse à la légalité internationale d’un territoire, où, selon l’ONU et nombre d’instances internationales dont l’Europe, l’autodétermination doit primer. 

De cela, aucun mot, seulement des récriminations : «Coup de tonnerre le 9 octobre 2024. Alors que l’Office algérien interprofessionnel des céréales (OAIC), qui achète en monopole pour le compte de l’Etat, émet un appel d’offres pour l’achat de 500 000 tonnes de blé, les sociétés de trading de céréales françaises, ou proposant l’origine France, pourtant accréditées, ne l’ont pas reçu», selon des propos rapportés par la rédactrice de L’Opinion qui prend à son compte un «ostracisme de façon plus subtile» et cite son interlocuteur : «Les sociétés françaises ne sont plus appelées. Elles envoient leurs offres, elles se perdent. Et on ne peut rien dire, il n’y a aucune preuve.»


LES BOVINS FRANÇAIS N’ONT PLUS LA COTE

L’Opinion souligne cependant qu’en deux campagnes, l’Algérie, «ultra-dépendante de la France en céréales, a remplacé l’origine France. 80 à 90% de son blé importé proviennent désormais de la mer Noire, essentiellement de Russie». Ce quotidien oublie de mentionner que le Maroc, pourtant allié de premier plan de la France, achète de moins en moins de blé français, en ouvrant largement son marché à la Russie, en raison des prix très largement compétitifs concédés par ce dernier. Et l’Opinion relate d’autres secteurs qui se plaignent que la brouille franco-algérienne pénalise le commerce. 

C’est le cas de la filière bovine avec une nouvelle fois des propos acides envers l’Algérie : «Un produit a beau respecter tous les critères, si un jour quelqu’un décide de ne plus vous faire plaisir, c’est fini. Viandes ou bovins vifs, plus rien ne part. Le marché, important pour nous, des animaux vivants, jeunes bovins pour la viande ou génisses destinées à la production laitière, est fermé.» La filière française est ainsi passée de 167 millions d’euros avec l’Algérie à 73 millions en 2023 et presque rien en 2024… 

En tout cas, en filigrane de cet article, on peut conclure que l’Algérie diversifie ses fournisseurs et en optant pour des vendeurs plus compétitifs, pour surfer sur les plateaux télévisés anti-algériens, on pourrait conclure par une question : Quel pays a-t-il le plus besoin de l’autre ? 

France
de notre correspondant  Walid Mebarek
 

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