Crise politique en Tunisie : Une commission supérieure pour préparer la «nouvelle République»

04/05/2022 mis à jour: 23:30
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Le président tunisien a validé la tenue d’un dialogue national avant le référendum du 25 juillet prochain

Le discours de la veille de l’Aïd du président Saïed a vu l’annonce de l’installation d’une «Commission supérieure dont l’objectif est de préparer l’instauration d’une nouvelle République». Saïed a également annoncé «un dialogue ouvert à tous ceux qui se sont engagés sincèrement dans le processus de redressement entamé le 25 juillet». Le Président a parlé, sans les nommer, des quatre organisations nationales qui vont participer à ce dialogue aux côtés des engagés sincères, pour «préparer la nouvelle République». 

Finalement, le Président tunisien a validé la tenue d’un dialogue national avant le référendum du 25 Juillet prochain. Il a toutefois limité la participation aux partisans du processus du 25 Juillet 2021, en adressant un triple non «pas de réconciliation, de négociation ni de reconnaissance» à ceux qui ont détruit le pays et y ont semé le chaos. Saïed a affirmé qu’ils «font partie du passé et nous ne ferons aucun pas en arrière». 

Le Président a souligné que quatre organisations nationales, sans les citer, feront partie de ce dialogue. Tout laisse entendre qu’il s’agit des centrales ouvrière et patronale, l’UGTT et l’UTICA, de la Ligue des droits de l’homme (LTDH) et de l’Ordre des avocats. Mais, rien d’explicite ne l’a confirmé, surtout que la LTDH n’est pas très enthousiasmé par le processus du 25 juillet et elle a signé certaines pétitions de contestation. Saïed a fini par accepter la tenue d’un dialogue, qu’il veut expéditif, tout comme le travail de la commission de préparation du référendum. Le Président a laissé entendre que «tout est prêt ; c’est un travail de quelques jours». Toutefois, la puissante centrale syndicale, l’UGTT, se trouve face à un dilemme. 

D’un côté, elle court derrière la participation au dialogue préconisé par le président de la République. D’autre part, elle veut un dialogue décisionnel pour l’avenir du pays, avec la participation des partis politiques, sans lesquels «on ne saurait parler de démocratie», n’a cessé d’assurer le secrétaire général de l’UGTT, Noureddine Taboubi. Le député de l’assemblée dissoute, le syndicaliste Mustapha Ben Ahmed, affirme que l’UGTT ne pourrait rater cette occasion. «Vaudrait mieux participer et présenter des doléances, que boycotter. La nature a horreur du vide», explique Ben Ahmed, en ajoutant qu’il «se pourrait que l’UGTT soit le porte-parole des partis favorables au 25 juillet». 

Objectif

Le Président Saïed ne veut pas d’un dialogue lent qui s’arrête sur tous les détails, à l’image de celui de 2012/13. Et c’est pourquoi il limite le dialogue à ceux qui sont favorables au processus du 25 juillet. Saïed veut surtout valider par référendum le changement du régime politique vers l’option présidentielle. Il a, sans cesse, affirmé que «ce dialogue sera différent des dialogues précédents… Il ne sera pas ouvert à ceux qui se sont vendus, qui n’ont aucun patriotisme, ont saboté le pays et affamé le peuple».

 Dans sa feuille de route du 22 septembre 2021, le Président Saïed avait déjà annoncé la tenue de la consultation populaire en ligne, du Référendum du 25 juillet 2022 et des élections législatives du 17 décembre 2022. Il ne veut pas de changement de programme, suite à ce dialogue. 

Pour les organisations nationales, notamment l’UGTT et l’UTICA, l’objectif est plutôt socioéconomique. La centrale syndicale veut protéger le pouvoir d’achat des employés et des couches populaires. La centrale patronale combat pour soutenir la libre entreprise, trop soumise au racket durant la dernière décennie.

 Les deux soutiennent le non-retour à l’avant-25 juillet. L’Ordre des avocats a longuement critiqué l’avant-25 juillet. Il n’y a que la LTDH qui souffle le chaud et le froid. Et c’est pour cela que le Président Saïed n’a pas cité les noms des organisations pour pouvoir changer le 4e nom, en cas de besoin. 

Les prochains jours nous expliqueront les détails de ce dialogue et qu’en sera-t-il de la Constitution devant, elle-aussi, être changée par un autre référendum ? Bonne nouvelle pour conclure ce papier : la Banque Mondiale est sur la bonne voie pour signer un plan de réformes avec la Tunisie, selon les dernières réactions des responsables de cette institution financière. Au moins, il n’y aura pas de faillite. 

Tunis
De notre correspondant  Mourad Sellami

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