Dans un contexte de crispations entre Paris et Alger, le président Abdelmadjid Tebboune a choisi, samedi 22 mars, de jouer la carte de l’apaisement.
Lors de son interview périodique avec les médias, retransmise sur la télévision algérienne, il a affirmé que la crise entre l’Algérie et la France avait été «créée de toutes pièces» et a réitéré sa volonté de «régler tous les problèmes» avec son homologue Emmanuel Macron.
Un geste qui tranche avec l’escalade récente des tensions, marquées par des déclarations acerbes des ministres français.
Dans ce contexte, Abdelmadjid Tebboune a tenu à clarifier sa posture : «On garde comme unique point de repère, le Président Macron. Nous travaillons ensemble. Il y a eu, c'est vrai, un moment d'incompréhension, mais il reste le président de la République française, et personnellement, tous les problèmes doivent se régler soit avec lui ou avec la personne qu’il délègue, en l’occurrence son ministre des Affaires étrangères, à juste titre.»
Une manière d’affirmer que, malgré les turbulences, le dialogue reste possible. Il ajoute : «Le dossier est entre les mains de quelqu'un de très compétent qui a toute ma confiance, en l'occurrence le ministre des Affaires étrangères, Ahmed Attaf.»
Le président algérien a dénoncé ce qu’il qualifie de «brouhaha politique» en France autour de ce «contentieux créé de toutes pièces».
Une référence aux polémiques suscitées par la politique migratoire française et les décisions relatives aux Algériens sous obligation de quitter le territoire (OQTF). Dans son intervention, Abdelmadjid Tebboune a voulu recadrer le débat en rappelant que «la France et l’Algérie sont deux Etats indépendants : une puissance africaine et une puissance européenne, avec deux Présidents travaillant ensemble. Tout le reste ne nous concerne pas».
Un autre point de discorde demeure : les récentes visites d’officiels français dans les territoires sahraouis occupés. Alors que Rachida Dati, ministre de la Culture, et Gérard Larcher, président du Sénat, se sont rendus dans ces zones sous contrôle marocain, M. Tebboune a estimé que ces déplacements «ne sont pas une provocation», tout en critiquant leur caractère «ostentatoire». «Le jour où je comprendrai, j’expliquerai. Nous ne sommes pas dupes. Nous savons que l’histoire de l’autonomie est française avant qu’elle ne soit défendue par nos voisins de l’Ouest.
La France et le Maroc s’entendent bien et cela ne nous dérange pas. Cette manière ostentatoire pose un problème. Elle dérange l’ONU et la légalité internationale», a-t-il souligné dans une allusion à la position historique de la France sur ce dossier, qui, selon lui, reste ambivalente.
«Il y a des Français qui nous aiment et qui nous ont aidés»
Outre les enjeux diplomatiques, Abdelmadjid Tebboune a également évoqué la question de la mémoire. «La France officielle a reconnu l’assassinat de Ben M’hidi. L’histoire, nous la connaissons. On ne refait pas l’histoire», a-t-il déclaré. «Quand on met la poussière sous le tapis, cela devient irrespirable (pour la France).
Cela nous renvoie à la liberté d’expression», note le président de la République, citant Jean-Michel Apathie, les Dreyfusards et les OQTF. Abdelmadjid Tebboune a cité le cas d’un Algérien placé sous OQTF pour avoir «dénoncé le génocide à Ghaza». «Ce sont des dizaines de cas par jour, c’est la liberté d’expression», a-t-il plaidé. Il faut, a-t-il dit, «savoir raison garder nous avons d’excellentes relations, beaucoup d’amis en France qui aiment l’Algérie».
Dans cet esprit, il a salué le rôle de certaines figures françaises engagées aux côtés de l’Algérie dans sa lutte pour l’indépendance : «Il y a des Français qui nous aiment et qui nous ont aidés. Il y a des journalistes français honnêtes et courageux qui disent la vérité.
On a beaucoup d’amis en France comme Audin, Maillot, Sartre, de Beauvoir, Simone Veil, Gisèle Halimi.» Les relations franco-algériennes ont connu de nombreuses vicissitudes, mais le point de rupture semble avoir été atteint avec l’annonce, en juillet 2024, du soutien explicite d’Emmanuel Macron à un plan d’autonomie sous souveraineté marocaine pour le Sahara occidental.
La crise s’est ensuite aggravée avec l’affaire des expulsions – ratées- d’Algériens en situation irrégulière, menées par le ministre français de l’Intérieur, Bruno Retailleau. Paris reproche à Alger un manque de coopération, tandis que les autorités algériennes dénoncent une instrumentalisation politique du dossier migratoire en France. Le ministre de l’Intérieur français menace désormais Alger d’une «riposte graduée».Amel Blidi
Sophie Primas : «Nous sommes déterminés à retrouver des relations normales»
Invitée hier du Grand Rendez-vous Europe 1/Cnews/Les Echos, la porte-parole du gouvernement français, Sophie Primas, a déclaré voir d’un bon œil les dernières déclarations du président de la République, Abdelmadjid Tebboune, sur son homologue français, Emmanuel Macron, et espère renouer des relations «normales» avec l’Algérie. «Nous sommes déterminés à retrouver avec l'Algérie des relations normales», indique-t-elle. Et d’ajouter : «J'ai entendu ce matin [hier]que le président Tebboune avait fait un petit signe vis-à-vis d'Emmanuel Macron. C'est très bien. Voilà une façon de renouer le dialogue et d'échanger sur les sujets sensibles.»
