Coup d’état au Gabon : L’opposition évoque une révolution de palais

02/09/2023 mis à jour: 03:04
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Photo : D. R.

Le nouvel homme fort du Gabon, le général Brice Oligui Nguema, prêtera serment ce lundi, comme président d’un pouvoir de «transition» à la durée encore indéterminée. Entre temps, l’opposition a exhorté les putschistes à reconnaître plutôt la «victoire» de son candidat à la présidentielle. Mercredi dernier, des officiers de la Garde républicaine (GR) ont proclamé «la fin du régime» de la dynastie des Bongo au pouvoir depuis 1967, moins d’une heure après l’annonce de la réélection du chef de l’Etat, Ali Bongo, à la présidentielle de samedi qu’ils estimaient truquée.

Placé en résidence surveillée, Ali Bongo a été élu en 2009 à la mort de son père Omar Bongo Ondimba qui dirigeait sans partage depuis plus de 41 ans ce pays très riche en pétrole, manganèse, uranium et bois, entre autres. «Le président de la transition prêtera serment devant la Cour constitutionnelle le lundi 4 septembre 2023 à la présidence de la République», a annoncé, jeudi dernier, à l’antenne des télévisions d’Etat le colonel Ulrich Manfoumbi Manfoumbi, porte-parole du Comité pour la Transition et la Restauration des Institutions (CTRI), qui rassemble l’ensemble des chefs de corps de l’armée.

Le général Oligui a aussi «décidé (...) de la mise en place progressive des institutions de la transition» dont la durée n’a pas été précisée, selon le porte-parole. Le président de transition «tient à rassurer l’ensemble des bailleurs de fonds, des partenaires au développement ainsi que les créanciers de l’Etat que toutes les dispositions seront prises afin de garantir le respect des engagements de notre pays aussi bien sur le plan extérieur qu’intérieur», a soutenu le colonel Manfoumbi Manfoumbi.

L’Alternance 2023 revendique le pouvoir

De son côté, l’opposition a demandé le même jour aux putschistes de reconnaître la «victoire» de leur candidat, Albert Ondo Ossa, à la présidentielle. Le porte-parole de la plateforme d’opposition Alternance 2023, Mike Jocktane, a invité l’armé à reprendre la compilation des résultats qui «verra la victoire de A. Ondo Ossa dans les urnes officialisée». Ce dernier, interrogé par TV5 Monde, a qualifié les événements en cours de «révolution de palais», accusant la sœur d’Ali Bongo, Pascaline Bongo, comme étant potentiellement à la manœuvre du putsch pour maintenir en place «le système Bongo».

En parallèle, le chef de la diplomatie de l’Union européenne (UE), Josep Borrell, a relevé la différence entre les coups d’Etat au Niger et au Gabon, affirmant que le putsch de Libreville fait suite à des élections entachées «d’irrégularités». «(…) Nous ne devons pas oublier qu’au Gabon, il y avait eu des élections entachées d’irrégularités», a-t-il observé, depuis Tolède, en Espagne, en marge d’une réunion des ministres des Affaires étrangères des Vingt-Sept, affirmant qu’une élection truquée pouvait être interprétée comme un «coup d’Etat institutionnel». «La situation est radicalement différente» de celle du Niger, a-t-il indiqué.

Interrogé sur CNN, peu avant le début de la rencontre de Tolède, M. Borrell a affirmé que les situations au Gabon et au Niger ne sont pas «équivalentes». «Au Niger, le président était un président démocratiquement élu (...) Au Gabon, quelques heures avant le coup d’Etat militaire, il y a eu un coup d’Etat institutionnel, car les élections ont été volées», a-t-il déclaré. Et d’ajouter : «Je ne peux pas dire que le Gabon était une vraie démocratie avec une famille qui dirigeait le pays depuis 50 ans».

Le président nigérien Mohamed Bazoum a été déchu lors d’un coup d’Etat fin juillet. Il a été élu, lui aussi, en 2021, à l’issue d’une consultation contestée par l’opposition qu’il a remportée avec 55% des voix et sur laquelle l’Occident a fermé les yeux. Le  chef du Conseil militaire de transition (CMT), Mahamat Idriss Déby Itno, est-il légitime pour prendre en main les destinées du Tchad ? Il a «hérité» du pouvoir en avril 2021 après le décès de son père, Idriss Déby, mort de blessures reçues en se rendant au front contre des rebelles. Il n’est pas passé par les urnes. Mais personne n’en parle.

Rapprochement avec la Chine

A rappeler qu’en janvier 2019, un pronunciamiento contre Ali Bongo a échoué. Ce dernier a adhéré, en juin 2022, au Commonwealth et noué des contacts importants avec Pékin qui a accru significativement ses investissements dans ce pays de l’Afrique centrale. Lors de sa visite, en avril dernier, à Pékin, il est qualifié de «vieil ami de la Chine» par le président chinois Xi Jinping. Les médias d’Etat chinois ont évoqué des relations «solides comme un roc» entre les deux pays, élevées récemment au rang de «partenariat stratégique global».

Lors de cette visite, le président Bongo a remercié la Chine pour «l’aide précieuse» qu’elle «apporte depuis longtemps» au Gabon  et «son rôle important dans la promotion de la diversification économique et de l’industrialisation» de son pays. «Nous espérons que les deux parties renforceront leur coopération dans les domaines tels que les infrastructures, l’agriculture et le tourisme, et que les entreprises chinoises seront invitées à participer à la construction de parcs industriels au Gabon qui leur offrira un bon environnement», a-t-il ajouté.

Il a indiqué que le Gabon et la Chine «partagent des positions identiques ou similaires sur de nombreuses questions internationales et que tous deux, qui préconisent le respect de la souveraineté de tous les pays, s’opposent à l’ingérence dans les affaires intérieures des autres pays, à la politisation des questions relatives aux droits de l’homme et à l’application du deux poids  deux mesures». Le Gabon «est prêt à continuer à travailler en étroite collaboration avec la Chine sur la coopération stratégique multilatérale et à promouvoir un meilleur développement et de meilleures réalisations, dans le cadre du Forum sur la coopération sino-africaine et des relations entre l’Afrique et la Chine», avait-il dit.

L’ex-colonie française a intégré l’initiative chinoise de «la Ceinture et la Route» (BRI). Aussi, le président Bongo a exprimé, à plusieurs reprises, l’adhésion du Gabon au principe d’une seule Chine alors que Pékin est confronté au mouvement indépendantiste de Taïwan qui entretient des relations importantes avec l’Occident, notamment les Etats-Unis. 

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