Selon la députée RN, la colonisation n’a pas été un «drame» pour l’Algérie, apportant ainsi une autre touche à la falsification de l’histoire à laquelle œuvrent les courants d’extrême droite et les nostalgiques de «l’Algérie française».
Avec l’Algérie (…) je ferais exactement ce qu’a fait Donald Trump avec la Colombie.» Tel semble être le vœu le plus cher de Marine Le Pen, cheffe de l’extrême droite française, exprimé mercredi dernier au soir sur la chaîne LCI. Dans une longue interview accordée, en prime time, à Darius Rochebin, la présidente du groupe Rassemblement national (RN) à l’Assemblée française n’a pas laissé filer l’occasion de déverser, encore une fois, toute sa haine (forcément héréditaire) contre l’Algérie. «Ce que Donald Trump a fait avec la Colombie, c’est ce que nous réclamons de faire avec l’Algérie», a-t-elle lâché, sans sourciller, alors que les relations algéro-françaises sont au plus bas depuis plusieurs mois.
Dans un contexte de tensions diplomatiques accrues entre Paris et Alger, les déclarations de Marine Le Pen risquent d’envenimer, encore plus, les choses. Aux premiers jours de sa seconde mandature, le président américain a, rappelons-le, menacé d’instaurer de lourdes sanctions économiques à Bogota (Colombie) s’il n’acceptait pas le retour des migrants expulsés du territoire américain.
Dans un premier temps, Bogota a refusé de reprendre ses immigrés illégaux avant de plier face au forcing américain. S’inspirant de Trump, l’invitée de LCI veut lui emboîter le pas. Elle a, d’ailleurs, appelé à prendre des «mesures de rétorsion (…) tout à fait naturelles» en cas de non-respect du droit international. Selon le quotidien La Nouvelle Tribune, Marine Le Pen fait référence au conflit du Sahara occidental lorsqu’elle évoque le droit international.
La France a reconnu, en juillet dernier, le plan d’autonomie comme «seule base» de règlement du conflit, s’alignant de fait sur les thèses colonialistes du Maroc. Aussi, Marine Le Pen n’a pas fait que de proposer une approche radicale face à l’immigration, elle a, en outre, émis une salve de mesures de rétorsion contre l’Algérie, comme l’avait déjà prescrit le ministre de l’Intérieur français, Bruno Retailleau, autre figure politique connue pour ses attaques violentes et hostiles contre l’Algérie.
«Des arguments historiquement discrédités»
Parmi ces mesures, la députée RN préconise, notamment, d’interdire les transferts d’argent des Algériens de France vers l’Algérie, la suspension de toute délivrance de visas, y compris pour les dirigeants algériens, de s’intéresser de plus près aux biens des Algériens en France et d’abroger l’accord de 1968. Continuant de s’exprimer sur l’Algérie, Marine Le Pen a, par ailleurs, ardemment rejeté certaines reproches historiques faits à la France, tentant, au passage, de réhabiliter son passé colonial.
D’après elle, la colonisation n’a pas été un «drame» pour l’Algérie, apportant ainsi une autre touche à la falsification de l’histoire à laquelle œuvrent les courants d’extrême droite et les nostalgiques de «l’Algérie française». «Je peux comprendre que des peuples souhaitent obtenir l’indépendance. Mais je pense que venir dire globalement que la colonisation a été un drame pour l’Algérie, ce n’est pas vrai», a-t-elle dit.
Elle avait déjà considéré, en 2017, que la colonisation française avait «beaucoup apporté, notamment à l’Algérie», selon des propos rapportés par Ouest-France. Sur les réseaux sociaux, les réactions des internautes algériens sont acerbes et sans ambiguïté. «Marine Le Pen, vos propos sont une insulte à la dignité des Algériens et une tentative de réécriture scandaleuse de l’histoire.
La colonisation que vous tentez de minimiser a été un fléau pour des millions de personnes, un processus de déshumanisation et d’exploitation violente», lui a répondu hier un internaute. «La France n’a pas seulement colonisé, elle a massacré, pillé et torturé des innocents», l’interpelle un autre, lui faisant rappeler le passé criminel de son père, Jean-Marie Le Pen, décédé le mois passé, tortionnaire sanguinaire durant la lutte de Libération nationale.
A deux reprises, en 1957 et 1962, Jean-Marie Le Pen a revendiqué la torture durant la guerre d’Algérie, comme révélé par l’historien français Fabrice Riceputi dans son livre Le Pen et la torture : Alger 1957, lutte contre l’oubli. «Marine Le Pen s’inscrit dans une tradition discursive qui mobilise des procédés rhétoriques réducteurs et des arguments historiquement discrédités. Loin de constituer un simple point de vue, ses affirmations s’inscrivent dans une logique de continuité idéologique avec les nostalgiques de l’ordre colonial.
Cette approche, qui repose sur des omissions stratégiques et des sophismes, a pour but d’occulter la nature oppressive et destructrice de la colonisation française en Algérie», commente un membre d’un groupe de discussions dans un long post consacré aux affirmations de la députée RN. Des déclarations qui interviennent, faut-il le préciser, à moins de deux mois (31 mars 2025) de son procès, ainsi que des élus du RN, dans l’affaire dite des «eurodéputés» sur des soupçons d’emplois fictifs. Le parti aurait, selon les médias français, détourné des fonds européens destinés aux assistants parlementaires.
S’agissant, justement, de cette affaire, l’agence de presse Reuters et France Info ont révélé qu’une juge et deux procureurs qui officient à ce procès ont subi, jeudi, des menaces sur internet. Les appels à l’assassinat d’une juge et de deux procureurs ont été proférés dans les commentaires du site d’extrême droite «Riposte laïque», ont indiqué les mêmes sources. Interrogée hier sur France Inter, la procureure générale de Paris, Marie-Suzanne Le Quéau, a dénoncé une «dérive extrêmement inquiétante, où tous ceux qui exercent des fonctions d’autorité sont l’objet de plus en plus de menaces de mort et de propos de plus en plus décomplexés».