Blinken, le protagoniste médiateur

07/11/2023 mis à jour: 05:09
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Le secrétaire d’Etat américain est de nouveau en tournée au Moyen-Orient, cette fois pour un peu défendre la chose et son contraire. Le plan de voyage, marathonien, de l’envoyé spécial de la Maison-Blanche prévoit des visites en Jordanie, au Qatar, en Arabie Saoudite, aux Emirats arabes unis, en Egypte, Irak et en Turquie. 

En somme, les pays directement concernés par la sismologie géopolitique de l’onde de choc des événements déclenchés depuis le 7 octobre dernier, ou dont la diplomatie peut jouer un rôle dans la crise. Anthony Blinken est chargé de rectifier, au moins sur la forme, une approche américaine qui a de plus en plus de mal à passer chez les partenaires moyen-orientaux et qui les met mal à l’aise surtout. 
 

Mais tout a commencé par une halte entendue à Tel-Aviv, jeudi dernier, durant laquelle le haut émissaire américain a réitéré qu’«Israël ne sera jamais seul» dans la guerre qu’il mène contre la Bande de Ghaza. Rectifier mais ne pas reculer sur les fondements du soutien US à Tel-Aviv. Au moment même où le diplomate en chef de la Maison-Blanche prêchait la nécessité d’arriver à une trêve humanitaire pour permettre un acheminement moins dérisoire des aides et secours à la population suppliciée de l’enclave palestinienne, les bombardements israéliens se sont intensifiés, ciblant y compris les quelques voies théoriquement ouvertes pour évacuer les blessés au Sud, vers le terminal frontalier de Rafah. 

Juste avant de quitter l’aéroport de Washington, mercredi dernier, le secrétaire d’Etat américain affirmait pourtant qu’il se rendait dans la région avec un ordre de mission clair de la Maison-Blanche : inciter Tel-Aviv à «prendre des mesures concrètes» pour épargner les civils palestiniens et œuvrer rapidement à ouvrir des points de passage sécurisés pour acheminer les secours humanitaires. 

Après avoir assumé ouvertement, et comme jamais, son statut de parrain diplomatique, politique et militaire d’Israël, Washington veut désormais se poser en médiateur dans la crise. Peu importe si le même Blinken s’était précipité à Tel-Aviv, au lendemain direct de l’attaque du Hamas, pour y déclarer qu’il s’y rendait, pas seulement comme ministre des Affaires étrangères d’un puissant allié comme les Etats-Unis, mais aussi en sa qualité de juif ?
 

Devant la multiplication des accusations de complicité directe dans les massacres à grande échelle perpétrés à Ghaza, la montée au créneau des opinions publiques dans le monde – dans la sphère arabo-musulmane traditionnellement acquise à la cause palestinienne, mais aussi en Europe et aux Etats-Unis même – et l’amorce d’un mécontentement au sein de l’establishment diplomatique et sécuritaire US quant aux conséquences d’un alignement aussi aveugle sur les options de Tel-Aviv, l’administration Biden se résout manifestement à faire une autre évaluation des risques sur son avenir politique. 

Sans renoncer à la substance active de son soutien à Israël, Blinken s’attelle à mieux soigner le discours en direction des interlocuteurs politiques dans la région, arabes notamment, et ceux-ci sont grandement preneurs et ne demandent pas plus pour calmer des protestations internes grandissantes au sujet des liens nationaux avec Washington. 

A Ramallah, devant le président de l’Autorité palestinienne, le secrétaire d’Etat s’est dit opposé à tout déplacement forcé de la population de Ghaza, de même qu’il s’est élevé contre «la violence des extrémistes» qui s’abat sur les Palestiniens de Cisjordanie. Quant à Ghaza, Blinken consent à y soutenir une «trêve humanitaire», mais pas ce «cessez-le-feu» dont Tel-Aviv ne veut pas entendre parler. Le 27 octobre dernier, les Etats-Unis ont, pour rappel, voté contre cette même «trêve humanitaire», soutenue par une majorité de pays, lors de l’adoption d’une résolution de l’Assemblée générale de l’ONU. 
 

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