L’ambassadeur de France en Algérie, Stéphane Romatet, s’est rendu, mardi, au cimetière El Alia pour se recueillir sur la tombe de Larbi Ben M’hidi, héros de la lutte pour l’indépendance de l’Algérie et membre des Six ayant déclenché la Guerre de Libération nationale. Une gerbe de fleurs a été déposée, à la demande du président français et en son nom, sur la tombe du martyr.
Ce nouveau geste mémoriel intervient à moins de trois semaines après la reconnaissance officielle par le président français Emmanuel Macron de la responsabilité de la France dans l’exécution de Larbi Ben M’hidi. A cette occasion, le président français est revenu à la charge en réitérant, par la voix du premier représentant de la France en Algérie, la nécessité de poursuivre le travail de mémoire entamé par les deux pays. Emmanuel Macron considère que «le travail de vérité et de reconnaissance doit se poursuivre», a indiqué un communiqué de l’ambassade de France qui précise plus loin que «l’ambassadeur de France Stéphane Romatet s’est rendu ce mardi 19 novembre au carré des Martyrs du cimetière El Alia.
A la demande du président de la République Emmanuel Macron et en son nom, il a déposé une gerbe de fleurs sur la tombe de Larbi Ben M’hidi». La relation entre Paris et Alger connaît un net refroidissement. Et c’est en pleine crise politique entre Paris et Alger en raison, entre autres, de la reconnaissance par Emmanuel Macron de la souveraineté du Maroc sur le territoire sahraoui et son soutien au plan d’autonomie marocain et aussi dans le climat de tension attisé par de violentes attaques aussi bien par l’extrême droit que la droite que l’Etat français a renoncée officiellement à la thèse du suicide de Larbi Ben M’hidi, longtemps brandie pour masquer un crime d’Etat.
«Le président de la République reconnaît ce 1er novembre 2024 que Larbi Ben M’hidi, héros national pour l’Algérie et l’un des six dirigeants du FLN qui lancèrent l’insurrection du 1er Novembre 1954, a été assassiné par des militaires français placés sous le commandement du général Aussaresses», avait écrit la présidence française.
En réhabilitant Larbi Ben M’hidi, ce geste vise, selon certains observateurs, à satisfaire les attentes de vérité et s’inscrit dans un contexte de réévaluation critique du passé colonial de la France, marquée par des démarches récentes visant à faire la lumière sur d’autres figures symboliques de la guerre d’indépendance algérienne, comme Ali Boumendjel et Maurice Audin. Aussi, cette reconnaissance officielle est le fruit d’un long travail de mémoire mené par des historiens algériens et français, plaidant pour une approche bilatérale en vue de traiter le dossier de la mémoire.
Une commission d’historiens franco-algériens, pour rappel, a vu le jour, sous l’égide des présidents français et algérien, Emmanuel Macron et Abdelmadjid Tebboune, afin d’approfondir le dialogue mémoriel entre les deux nations.
Le 19 septembre, alors que les travaux de cette commission sont gelés, Emmanuel Macron reçoit les membres français du panel auxquels il a exprimé sa détermination à «poursuivre le travail de mémoire, de vérité et de réconciliation», et «appelé de ses vœux» à ce que les travaux déjà engagés aboutissent et que «les propositions concrètes formulées puissent être mises en œuvre». «Il a souhaité que ces propositions permettent à son pays de porter un regard lucide sur le passé.» Le 7 septembre, Abdelmadjid Tebboune a répondu à la polémique suscitée, en France, autour de l’accord de 1968. Mené par des acteurs de la droite et de l’extrême droite, avant d’être saisi par le nouveau gouvernement français, ce débat récurrent n’a d’objectif, selon le chef de l’Etat, que d’éloigner l’échange sur les vrais contentieux historiques entre les deux pays.
Pour Tebboune, la question de la mémoire avait besoin «d’un nouveau souffle de courage et d’intégrité pour se débarrasser du complexe du passé colonial et se tourner vers un avenir où il n’y a pas de place pour les semeurs de haine, parmi ceux qui restent prisonniers d’une pensée coloniale obsolète».