Anthony Blinken de nouveau en tournée au Moyen-Orient : Washington en quête de rachat diplomatique

07/02/2024 mis à jour: 03:09
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Le secrétaire d’Etat américain Antony Blinken à son arrivée en Arabie Saoudite - Photo : D. R.

Anthony Blinken se rendra à Tel-Aviv pour tenter de négocier moins d’aveuglement du côté israélien concernant la guerre et moins d’inimitié à l’égard de la Maison-Blanche. Les dernières semaines ont vu monter en cadence les appels d’officiels israéliens, ceux issus de l’extrême droite notamment, à s’affranchir de la tutelle américaine, version Biden.

Le secrétaire d’Etat américain a entamé, dimanche, sa cinquième tournée au Moyen-Orient depuis quatre mois, avec pour mission de convaincre le gouvernement israélien de donner ses chances à la conclusion d’un accord sur une nouvelle trêve à Ghaza. La visite, articulée sur les mêmes étapes que les précédentes, a mené Anthony Blinken à Riyad, lundi dernier, où il s’est entretenu avec le prince héritier Mohammed Ben Salmane.

Hier, il devait atterrir successivement à Doha, puis au Caire pour appuyer l’effort de médiation diplomatique en cours mené par le Qatar et l’Egypte. Enfin, le chef de la diplomatie américaine clôturera le périple par des entretiens avec le président de l’Autorité palestinienne à Ramallah, avant une entrevue fort attendue avec Benyamin Netanyahu à Tel-Aviv.

Le programme de la mission ne diffère formellement en rien de celui des quatre précédentes, mais le contexte actuel lui confère une importance particulière, avec notamment la volonté de la Maison-Blanche de décrocher une trêve suffisamment longue dans l’enclave palestinienne pour faire baisser la tension dans la région, qui connaît ces derniers temps des développements qui faussent les calculs de Washington.

La mort de trois soldats américains, il y a une semaine dans le nord-est de la Jordanie, dans une attaque aux drones revendiquée par le groupe Résistance islamique en Irak, a considérablement compliqué les affaires de Joe Biden, confronté au bilan désastreux de son alignement derrière le gouvernement Netanyahu depuis le début de la guerre et à la pression des républicains aux Etats-Unis.

Quatre mois après le début du conflit, le Pentagone se retrouve obligé de mener des frappes délicates contre les Houthis au Yémen et bon nombre d’organisations armées, affidées idéologiques et stratégiques de l’Iran, dans des territoires aussi éparpillés que l’Irak, la Syrie et la Jordanie.

La tension, avec Téhéran, malgré une conviction commune sur la nécessité d’éviter une confrontation armée, a par ailleurs rarement été aussi exacerbée par le passé, alors que sur le plan diplomatique, Washington, en tant que parrain assumé de l’Etat hébreu, paie la lourde note de l’aveuglement meurtrier du gouvernement Netanyahu, y compris dans le camp occidental.

Tous ces développements poussent l’administration américaine à agir rapidement pour stopper l’engrenage, sauf que la subite et surprenante autonomie de décision à Tel-Aviv, du moins ses récents élans de détachement du parrainage politique de la Maison-Blanche, s’avèrent un sérieux obstacle.

Biden face à l’ingratitude de Tel-Aviv

Alors que des négociateurs américains se sont joints à leurs homologues qataris et égyptiens pour élaborer un projet de trêve à Ghaza, dont les grandes lignes ont été couchées sur le papier lors d’une réunion fin janvier à Paris, le gouvernement israélien semble tout faire pour compromettre son issue.

Benyamin Netanyahu vient de marteler encore que la guerre ne sera finie qu’à la réalisation de ses objectifs : anéantissement complet de Hamas et libération des «otages». Le plan esquissé à Paris tend, lui, à parvenir à un cessez-le-feu, même si la perspective est enrobée du concept intermédiaire de trêve, devant durer un mois et demi, voire plus.

Durant cette période, Israël devra libérer 300 prisonniers palestiniens en échange de la libération de 45 Israéliens détenus par le Hamas. L’augmentation des aides humanitaires pour la population de Ghaza, moyennant des autorisations de passage pour plus de 200 camions de denrées et d’équipement par jour, fait partie également des termes de l’accord discuté il y a quinze jours dans la capitale française.

Sur le terrain, et en prolongement à la posture guerrière des dirigeants politiques, l’armée israélienne resserre l’étau sur les populations désarmées. Après avoir dévasté le nord de la Bande de Ghaza et réduit en décombres ses villes, sa puissance de feu est dirigée désormais sur la région de Rafah, où ont dû s’entasser près de 1,5 million de Palestiniens fuyant les bombardements. Rien qui puisse en somme favoriser un éventuel aboutissement des pourparlers en cours.

Anthony Blinken se rendra donc à Tel-Aviv pour tenter de négocier moins d’aveuglement du côté israélien concernant la guerre et moins d’inimitié à l’égard de la Maison-Blanche. Les dernières semaines ont vu monter en cadence en effet les appels d’officiels israéliens, ceux issus de l’extrême droite notamment, à s’affranchir de la tutelle américaine, version Biden, coupable à leurs yeux de velléités de recul sur le soutien inconditionnel initial à leur cause.

Les sanctions, décidées récemment par Washington contre les colons juifs, sont perçues à Tel-Aviv comme le signe d’une rectification de cap qui vise essentiellement la coalition extrémiste qui gouverne actuellement l’Etat hébreu. L’aide américaine reste pourtant conséquente et ininterrompue.

Plus de 14 milliards de dollars devraient être débloqués dans les jours qui viennent, via un vote au Congrès, en plus des financements d’urgence décidés en dehors du circuit parlementaire depuis le début du conflit, sans compter les dizaines de milliers de tonnes d’équipements militaires fournis à la machine de guerre israélienne depuis octobre dernier.

Toute cette disponibilité ne garantit décidément plus un ascendant diplomatique et stratégique décisif sur le protégé israélien. 
Anthony Blinken risque bien de le vérifier lors de sa rencontre avec Benyamin Netanyahu, dernière étape de cette cinquième et importante visite dans la région.

 

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