38 massacres et 350 morts en quarante-huit heures à Ghaza : Chronique d’un hiver sanglant, entre carnages et tractations

30/01/2024 mis à jour: 05:49
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De nombreux civils ont péri hier lors du bombardement par l’armée d’occupation israélienne du camp de Djabaliya - Photo : D. R.

Selon Al Jazeera, 45 personnes ont péri dimanche soir dans le bombardement de deux habitations appartenant à la famille Al Najjar, au camp de Djabaliya. Dans l’un des deux foyers, toute la famille a été décimée à l’exception d’une petite fille.

Ghaza jour 115. L’enclave palestinienne a de nouveau subi une avalanche de raids meurtriers hier, qui ont fait des dizaines de morts et de blessés. Selon le ministère de la Santé dans la Bande de Ghaza, 215 personnes ont été tuées dans le territoire assiégé en vingt-quatre heures, entre dimanche et lundi. A la lumière de ces nouvelles pertes, le bilan humain s’élève désormais à 26 637 morts et 65 387 blessés depuis le début de cette campagne dévastatrice, d’après la même autorité.

L’agence Wafa, citant des sources médicales, a rapporté hier que «l’occupant a perpétré 38 massacres dans la Bande de Ghaza au cours des dernières quarante-huit heures (soit de samedi à lundi, ndlr), qui ont fait 350 victimes dont 24 dans la seule ville de Khan Younès».

Dans la nuit de dimanche à lundi, 23 Palestiniens ont trouvé la mort après une attaque ayant ciblé le domicile de la famille Matoui à l’ouest du camp de Nusseirat, au centre de la Bande de Ghaza, informe l’agence palestinienne. Wafa ajoute que 14 autres personnes ont péri dans le bombardement d’une habitation à Al Zouwayda.

Le cœur de la ville de Ghaza a été lui aussi le théâtre de violentes attaques. L’aviation israélienne a ciblé pas moins de cinq habitations à Haï Al Rimel, dans la capitale de l’enclave, faisant des dizaines de victimes. L’on apprend en outre que l’armée israélienne s’en est une nouvelle fois pris à un refuge de l’Unrwa qui abrite des centaines de déplacés, à Haï Al Rimel toujours.

L’attaque a fait au moins 10 morts, selon l’agence palestinienne. Par ailleurs, un drone armé de missiles a tiré sur deux ambulances dans la ville de Ghaza, tuant sur-le-champ plusieurs innocents. L’aviation de l’oppresseur a également bombardé des groupes de citoyens ainsi qu’un cimetière au centre de la Bande de Ghaza, faisant un nombre indéterminé de victimes.

La petite Dania, seule rescapée d’un carnage à Djabaliya

Des frappes massives se sont abattues également sur le camp de Djabaliya, au nord de la Bande de Ghaza, bombardant notamment deux résidences privées dimanche soir. Un grand nombre de civils ont péri dans ces bombardements. Al Jazeera Mubasher fournit un peu plus de détails concernant cette dernière tuerie.

D’après la chaîne qatarie dont une équipe s’est rendue sur place, l’armée israélienne a commis une véritable boucherie dans le camp de Djabaliya. Une de plus… Les raids aériens ont coûté la vie à 45 personnes d’une même famille, en l’occurrence la famille Al Najjar. Un proche des victimes a déclaré à Al Jazeera que les frappes ont ciblé les maisons de Abo Raâd et Abo Sobh Al Najjar, dimanche, après la prière d’el icha.

Dans l’un des deux foyers, toute la famille a été décimée à l’exception d’une petite fille : Dania Othmane Al Najjar. Dans le deuxième foyer, il y a deux rescapés seulement. L’un d’eux, Abou Walid, trentenaire, a perdu ses deux enfants dans ce carnage. Il affirme que la bâtisse qu’il occupait avec ses parents abritait en tout 21 personnes.

Outre ses deux fils, il a perdu son père, sa mère et sa grand-mère. «Ils ont tué quatre de mes frères et sœurs qui sont handicapés. Qu’est-ce qu’ils ont fait ? Ils sont impotents» répète-t-il en larmes sur Al Jazeera. En Cisjordanie, 5 victimes tombées sous les balles des soldats israéliens ont été enregistrées hier dans différentes localités, d’après l’agence Wafa.

Dans le détail : un jeune de 21 ans a été tué à l’aube à Yamoun, près de Jénine. Des affrontements avec l’armée israélienne dans la ville d’Al Dour, près d’Al Khalil, ont fait deux morts. Un autre jeune Palestinien a trouvé la mort à Teqoa, près de Beit Lahm. Et dans l’après-midi, un jeune de 18 ans a été fauché par des tirs sionistes à Selouad, près de Ramallah. Ces cinq victimes portent à 378 le nombre de Palestiniens tués en Cisjordanie depuis le 7 octobre.

L’UNRWA ne tiendra pas au-delà de février

Ce climat explosif se trouve aggravé par la fragilisation de l’Unrwa. De fait, l’agence onusienne risque de se retrouver rapidement sans ressources après qu’une douzaine de pays occidentaux, qui comptent parmi ses plus importants donateurs, aient décidé de geler leurs contributions au fonds de l’organisation humanitaire.

L’Unrwa a prévenu hier qu’elle ne pourra pas poursuivre ses opérations au-delà du mois de février. «Si le financement n’est pas rétabli, l’Unrwa ne sera pas en mesure de poursuivre ses services et ses opérations dans la région, notamment à Ghaza, au-delà de fin février», a en effet averti hier un porte-parole de l’agence en charge des réfugiés palestiniens à Reuters.

La décision de ces donateurs de suspendre leur financement est survenue, rappelle-t-on, après que des employés de l’Unrwa aient été accusés par Israël de complicité dans l’opération «Toufane Al Aqsa» (Déluge d’Al Aqsa). Après Antonio Guterres, le chef de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus, a exhorté hier ces Etats à reconsidérer leur position. «Nous appelons les donateurs à ne pas suspendre leur financement à l’Unrwa à ce moment critique», a posté hier M. Ghebreyesus sur le réseau X.

«Couper le financement ne fera que nuire à la population de Ghaza qui a désespérément besoin de soutien» a-t-il plaidé. Après les Etats-Unis, l’Allemagne, le Royaume-Uni, le Canada, les Pays-Bas, l’Italie, la Finlande et l’Australie, d’autres pays ont annoncé hier à leur tour la suspension de leur contribution. Il s’agit du Japon, de l’Autriche et de l’Estonie.

La France a fait savoir qu’elle suspendrait son aide au premier semestre 2024. A contrario, d’autres gouvernements ont assuré l’Unrwa du maintien de leur apport. C’est le cas de la Norvège, de l’Irlande, ou encore de l’Ecosse.

Le Premier ministre écossais, Humza Yousaf, a déclaré sur X : «Les habitants de Ghaza sont en train de mourir au milieu d’une catastrophe humanitaire, il ne convient pas de leur infliger une punition collective.» Hier, l’Espagne a fait savoir par la voix de son ministre des Affaires étrangères, José Manuel Albares, qu’elle continuait à soutenir l’Unrwa, y voyant un organe «indispensable pour soulager la situation humanitaire» à Ghaza.

Des discussions «constructives»

Concernant le volet politique et les tractations menées par les Etats-Unis, l’Egypte et le Qatar dans l’espoir d’arriver à une nouvelle trêve, le chef de la CIA, William Burns, a rencontré, avant-hier à Paris, «le chef des services de renseignement israéliens du Mossad, le Premier ministre du Qatar ainsi que le chef des renseignements égyptiens, au cours d’entretiens décrits comme constructifs par Israël, mais avec des divergences de positions importantes» indique l’agence Reuters.

Dans une déclaration à CNN, le porte-parole du Conseil de sécurité nationale à la Maison-Blanche, John Kirby, a affirmé : «Je pense qu’il est juste de les qualifier de constructives.» «Nous estimons qu’il existe ici un cadre pour un autre accord d’otages.

Cela pourrait vraiment faire une différence en termes de libération d’un plus grand nombre d’otages, d’obtention de davantage d’aide et de réduction de la violence.» «Nous n’avons pas encore franchi la ligne d’arrivée», tempère le responsable américain. «Mais nous sommes plutôt satisfaits des discussions, de la direction qu’elles prennent et de la promesse de quelque chose de potentiellement assez important.» 
 

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