133e jour de la guerre contre Ghaza : Chaos sanglant à l’hôpital Al Nasser de Khan Younès

17/02/2024 mis à jour: 17:59
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À l’hôpital Al-Nasser de Khan Younès, au sud de la bande de Ghaza

Au 133e jour de la guerre menée par l’armée sioniste contre la Bande de Ghaza, les frappes israéliennes se poursuivent avec le même acharnement sur différents secteurs de l’enclave meurtrie. Si le sud d’Al Qita’ continue à concentrer le gros des opérations en alimentant de vives inquiétudes quant au sort de la population de Rafah, les régions nord ne sont pas pour autant à l’abri des raids israéliens. 

Selon le ministère de la Santé à Ghaza, il y a eu au moins 112 morts et 157 blessés dans une dizaine de massacres enregistrés en vingt-quatre heures, entre jeudi soir et vendredi matin, sur l’ensemble du territoire pilonné. 

La même source précise que le bilan total provisoire de la machine de guerre israélienne s’élève désormais à 28 775 morts et 68 552 blessés depuis le début de la guerre.  

L’un des faits marquants de cette actualité poignante à retenir est l’assaut donné ce jeudi par les forces d’occupation contre l’hôpital Al Nasser de Khan Younès après plus de vingt jours de siège. Les troupes israéliennes ont brutalement pris le contrôle de cet hôpital qui est le plus important de toute la région sud de la Bande de Ghaza. 

Pour justifier cet assaut, l’armée  d’occupation soupçonne l’hôpital de servir de couverture au Hamas en accusant le mouvement de résistance palestinien d’y avoir caché une partie des otages. 

Hier, l’armée sioniste a annoncé avoir arrêté vingt membres présumés de Hamas interpellés dans l’enceinte de l’hôpital, rapporte l’AFP. Elle soutient aussi avoir débusqué dans les alentours du complexe médical «des restes d’obus de mortier, des grenades et d’autres armes».
 

 

5 patients décédés faute d’oxygène 

Selon le ministère de la Santé à Ghaza, plusieurs patients de l’hôpital Al Nasser sont décédés pour cause de manque d’oxygène, lui-même occasionné par des coupures de courant électrique après l’assaut. «Les générateurs du complexe hospitalier se sont arrêtés et l’électricité a été coupée», affirment les autorités sanitaires palestiniennes à travers un communiqué. Elles avaient annoncé dans un premier temps, hier matin, la mort de quatre malades. Une patiente est décédée peu après. 

«Un cinquième patient est décédé en soins intensifs à la suite de la panne de courant et de l’arrêt de l’oxygène dans le complexe médical Al Nasser», précise le communiqué. La même instance a averti que la vie de neuf autres malades dans le service de soins intensifs était en danger, de même que celle de bébés prématurés qui se trouvent dans la pouponnière de l’hôpital. 

Le ministère de la Santé de Ghaza a fait savoir par ailleurs que «deux femmes ont accouché dans des conditions désastreuses et inhumaines, sans électricité, sans eau, sans nourriture ni chauffage, dans le complexe Al Nasser». Et d’appeler les institutions internationales à «intervenir rapidement pour sauver les patients et le personnel du complexe médical avant qu’il ne soit trop tard», en attirant l’attention sur le fait que ce dernier «est confronté à une situation catastrophique suite à sa transformation en caserne militaire». 

Le Bureau gouvernemental des médias à Ghaza fera remarquer de son côté que «la prise d’assaut par l’armée d’occupation du complexe médical Al Nasser avec des chars, des drones et des soldats lourdement armés et ses attaques ciblant le personnel médical et les personnes déplacées à l’intérieur (...) constituent un crime de guerre caractérisé contraire au droit international». 

D’après Wafa, les forces d’occupation ont obligé l’administration de l’hôpital Al Nasser à transférer 95 cadres médicaux, 11 de leurs familles ainsi que 191 patients et 165 accompagnateurs et déplacés vers l’ancien bâtiment de l’établissement où ils sont séquestrés dans des conditions épouvantables.

 «Des médecins ont décrit une situation intenable dans cet hôpital cerné par les combats, où s’étaient réfugiés des milliers de déplacés avant de commencer à fuir dans des conditions chaotiques», note l’AFP. En outre, «des snipers ciblent tout mouvement autour de l’hôpital», complète l’agence Wafa. 

Un peu plus au sud, à Rafah, on déplore 11 morts et plusieurs blessés dans des raids menés hier contre deux habitations, l’une appartenant à la famille Djouda et l’autre à la famille Zaarab, au centre et au nord de la ville de Rafah, indique Wafa. 

Et alors que les frappes s’intensifient sur Khan Younès et que l’étau se resserre sur Rafah, nous assistons au début d’un exode en sens inverse, en direction du nord après que les flux de déplacés aient convergé durant les premiers mois de la guerre vers le sud de la Bande de Ghaza. Pourtant, le nord de l’enclave palestinienne n’est pas épargné non plus. 

Selon Wafa, de nombreux civils, dont une femme et son bébé, ont été tués hier suite à des bombardements qui ont ciblé deux bâtisses appartenant aux familles Sabbah et Afana à Jabaliya. Au nord toujours, l’aviation de l’occupant a bombardé la région de Tal Al Zaâtar. Simultanément, l’artillerie israélienne pilonnait la région d’Al Mughraqa, au nord du gouvernorat central, et au sud d’Al Sabra, quartier de la ville de Ghaza.
 

 

«Nous touchons aux limites du langage»

Alors que les appels se multiplient pour empêcher une opération d’envergure à Rafah, le boucher Netanyahu persiste et signe. Il a une nouvelle fois annoncé que l’opération aura bel et bien lieu pour détruire ce qu’il appelle «le dernier bastion du Hamas à Rafah», annonçant une «action puissante» dans le gouvernorat frontalier du Sinaï. Il s’est engagé à faire évacuer au préalable les civils sans dévoiler comment, sachant qu’on parle de 1,4 million de personnes à évacuer. «Plus de la moitié de la population ghazaouie s’entasse dans moins de 20% de la Bande de Ghaza», indique l’ONU. 

A Genève, plusieurs organisations humanitaires se sont retrouvées ce jeudi pour prévenir contre les risques d’une tragédie à Rafah. D’après l’AFP, les responsables du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), de la Fédération des Croix-Rouge et Croissant-Rouge, de MSF et d’agences de l’ONU se sont exprimés devant un «parterre de diplomates» pour parler d’une seule voix et répercuter le SOS des Ghazaouis couvert par le fracas des bombes. 

«Nous touchons aux limites du langage et de ce qu’on peut décrire en matière de situation humanitaire», a martelé la présidente du CICR, Mirjana Spoljaric, selon des propos cités par l’AFP. Mme Spoljaric a, entre autres, insisté sur la nécessité de «faire respecter les lois de la guerre établies par les Conventions de Genève». 

Martin Griffiths, secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires des Nations unies, a dit ne pas «s’imaginer que la communauté humanitaire puisse agir comme une brigade de secours pour les personnes massées dans cette zone», car «les conditions ne le permettent pas». «L’évacuation vers un endroit sûr à Ghaza est une illusion», s’est-il indigné. Pour lui, une opération militaire terrestre déclencherait fatalement un «débordement» de panique qui poussera les flux de déplacés vers l’Egypte, et cela est «un cauchemar qui est juste sous nos yeux» s’est-il alarmé.

Le chef du HCR, Filippo Grandi, a déclaré, depuis Munich où il participe à la 59e Conférence sur la sécurité, qu’il faut «éviter à tout prix» justement que les réfugiés palestiniens se précipitent vers l’Egypte. 

«Ce serait catastrophique pour les Palestiniens, en particulier pour ceux qui seraient obligés de se déplacer encore une fois. Ce serait catastrophique aussi pour l’Egypte, à tous points de vue et, plus important que toute autre chose, une nouvelle crise des réfugiés signerait l’arrêt de mort d’un futur processus de paix», a-t-il asséné dans une interview à la BBC relayée par l’AFP. Le patron du HCR en est persuadé : une fois sortis de Ghaza, les Ghazaouis ne pourront plus retourner chez eux, subissant par là une autre Nakba comme celle de 1948. 
 

 

Un camp pour les réfugiés palestiniens dans le Sinaï

Selon le Wall Street Journal et une ONG égyptienne, Sinaï Foundation for Human Rights, l’Egypte aurait pris les devants et entamé la construction d’un camp de réfugiés pour se préparer à une éventuelle arrivée massive de réfugiés palestiniens débordant les frontières. La zone ferait 13 mètres carrés et serait hermétiquement fermée, entourée de murs de sept mètres de haut. 

Ce plan d’urgence prévoit l’accueil de 100 000 personnes d’après le Wall Street Journal, cité par l’AFP. Le gouverneur du Nord-Sinaï, Mohamed Abdel Fadil Choucha, a démenti toute construction de ce type, mais l’ONG égyptienne a souligné que deux chefs d’entreprises locaux lui avaient confirmé avoir obtenu des contrats pour bâtir une zone fermée «entourée de murs de sept mètres de hauteur»,  écrit l’AFP.

En parallèle, au Caire, on s’évertue à réanimer l’espoir d’une trêve. Les négociations se poursuivent en effet entre les représentants des pays médiateurs, à savoir l’Egypte, le Qatar, et les Etats-Unis, mais sans proposer une feuille de route concrète. A en croire le Washington Post, les Etats-Unis et plusieurs pays arabes, sans les citer, se penchent sur un plan de paix global visant à apaiser les tensions sur la longue durée. 

«Ce plan prévoirait un cessez-le-feu d’une durée prévue d’au moins six semaines», «la libération des otages israéliens, ainsi qu’un calendrier pour l’établissement à terme d’un Etat palestinien», affirme l’AFP. Les responsables américains et arabes escomptent sceller un accord entre Palestiniens et Israéliens avant le début du Ramadhan, soit avant le 10 mars, assure le Washington Post. 

D’après l’AFP, «ce plan pourrait faire l’objet de discussions à la Conférence de Munich sur la sécurité».
 

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