Zakari Tizi. Attaché de recherche au CREAD : «La violence peut être réduite par des mécanismes de contrôle social»

22/05/2023 mis à jour: 07:04
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Photo : D. R.

Dans cet entretien, Zakaria Tizi, chercheur au CREAD, aborde les raisons de la violence urbaine. Plusieurs facteurs (économiques, psychosociologiques, etc.) concourent à provoquer une hausse de ce phénomène. «La violence est une pratique sociale qui diffère d'une société à une autre. Elle ne peut pas être éliminée. Mais elle peut par contre être réduite par la mise en œuvre des mécanismes de contrôle social», tranche-t-il.

- La violence urbaine connaît une hausse dans notre pays. Les quartiers de certaines villes sont parfois le théâtre de batailles rangées entre ce qui pourrait s’apparenter à des gangs. Un commissariat à Annaba a même été pris pour cible, ce qui est rarement arrivé. Quelles sont, selon vous, les principales causes de la montée de cette violence ?

Avant d’aborder les causes de la violence que nous voyons quotidiennement ou celle relayée sur les réseaux sociaux, il faut d’abord expliquer quelques notions liées à ce phénomène. On entend souvent parler de la «violence urbaine» et du concept «gangs». Le premier comme indiqué dans le dictionnaire veut dire : «Troubles à l’ordre public caractérisés par des actes de violence.» Par définition donc, la violence est synonyme de toute action qui perturbe ou nuit à la sécurité des individus.

Par contre, le concept «gang» est apparu dans un contexte un peu particulier et différent du contexte algérien,  c’est pour cela que je préfère parler de «groupes d’individus violents». Dans de nombreux cas, ces groupes n’atteignent pas le stade de gangs en termes d’organisation et de sources de financement.

Quant aux raisons qui mènent vers les actes de violence, elles sont multiples. De nombreux facteurs (biologiques, psychologiques, éducatifs, sociaux, économiques, culturels…), le plus souvent reliés, sont à l’origine de comportements violents excessifs et/ou répétitifs. Parmi ceux-ci, les facteurs psycho-sociaux intéressent particulièrement le champ de la santé publique. Certains individus ont en effet des «dispositions» psychologiques à verser dans la violence.

La théorie sociale tente d’expliquer le phénomène de la violence en se basant sur deux éléments : le premier est lié au contrôle social et la socialisation ainsi qu’à la nécessité d’activer des mécanismes formels, à savoir la société civile, l’institution de sécurité, et informels, notamment la famille, la religion, etc.

Il est évident que l’éducation au sens large, c’est-à-dire celle dispensée par la famille, les médias etc., exerce une influence importante sur la manière de percevoir, de ressentir et d’agir. Elle peut donc contribuer à favoriser, ou bien au contraire à prévenir le risque de voir des comportements violents et des attitudes extrémistes se développer. L’aspect économique est aussi une équation importante dans ce schéma menant vers la violence. Beaucoup en effet attribuent les causes de la violence à la situation économique des individus.

- Les pouvoirs publics ont lancé à partir des années 2000 un vaste programme de relogement. Les grands ensembles tels qu’ils sont conçus ont-ils favorisé cette violence ?

De mon point de vue, une forme de «concurrence» s’est produite par rapport aux services disponibles dans les nouveaux quartiers. Des frictions sont ainsi nées entre les nouveaux résidents et les anciens. Cela apparaît, par exemple, dans les services des transports, les centres postaux, etc.

- Beaucoup de sociologues urbanistes qualifient les nouvelles cités de «ghettos». Sommes-nous dans ce cas de figure ?

Je ne suis pas tout à fait d’accord avec l’emploi de ce terme de « cités ghettos » parce que c’est une expression occidentale qui porte une connotation raciste ciblant des minorités qui peuplent les grandes villes des pays occidentaux.

- La violence peut-elle être une des conséquences de la décennie noire, du moment qu’une partie de la jeunesse a grandi dans un climat de violence extrême ?

Oui, on retrouve cette lecture dans le discours commun. Mais à mon avis, la violence actuelle ce n’est pas le résultat inévitable de ce que la société a connu pendant cette période. La violence a des raisons économiques ou une différence de pratiques entre l’ancien et nouvel habitat...

- Y a-t-il un parallèle à faire entre cette violence, le trafic de drogue et la grande délinquance ?

Effectivement, le trafic de drogue, le vol et d’autres crimes peuvent être liés à cette violence. Étant donné que ces nouvelles cités sont un nouveau marché pour ce type de trafic, ce qui se traduit par une pratique violente. Existe-t-il une parade durable à la violence ?

La violence est une pratique sociale qui diffère d’une société à une autre. Selon mon avis, ce phénomène ne peut pas être éliminé. Mais il peut par contre être réduit par la mise en œuvre des mécanismes de contrôle social. En associant tous les acteurs sociaux à cette question et en sollicitant les chercheurs pour travailler à cette thématique et appliquée leurs résultats.     

 

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