Pour commencer, quels sont les principaux indicateurs du bilan de la Cosob pour 2024. Qu’en est-il de l’évolution par rapport à 2023?
L’année 2024 a été particulièrement riche en activités pour la Cosob. Notre plan d’action 2024 a été réalisé à 85%, ce qui représente un bilan très positif par rapport à l’année précédente. Nos missions ont été accomplies avec succès, tant sur le plan réglementaire qu’organisationnel. Comme vous le savez, la Cosob, en sa qualité d’Autorité de régulation du marché financier, a pour attribution de réglementer, d’organiser et de surveiller ce marché.
En 2024, nous avons accordé six visas pour l’ouverture de capital de trois sociétés : le CPA, la BDL et la startup Moustashir. Nous avons également délivré trois visas pour l’émission de deux emprunts obligataires et une émission de titres participatifs, dont la plus importante est celle de Tosyali, d’un montant de 15 milliards de dinars. L’année 2024 a été marquée par la publication du règlement Cosob n°23-04 portant règlement général de la Bourse, qui constitue une réforme majeure du marché boursier et des conditions d’introduction.
Nous avons également émis le règlement Cosob n°24-01 du 17 juillet 2024 relatif à la prévention et à la lutte contre le blanchiment d’argent, le financement du terrorisme et le financement de la prolifération des armes de destruction massive, afin de nous conformer aux dispositions internationales en la matière, notamment aux exigences du GAFI.
Dans le même esprit, nous avons émis 10 instructions portant sur les textes d’application des règlements précités, ainsi qu’une instruction et une note visant à adapter le cadre juridique du marché en faveur de sa transformation digitale. Les principales mesures sont la note portant sur la digitalisation des ordres de bourse et l’instruction 24-10 du 31 décembre 2024 portant sur les modes de passation des ordres de bourse. Cette dernière introduit des modes de passation innovants via les plateformes de Trading et le téléphone, et nous avons accordé un délai de 6 mois aux Intermédiaires en Opérations de Bourse (IOB) pour se conformer à ces nouvelles dispositions. Durant l’année 2024 aussi, nous avons délivré un agrément pour un IOB et une autorisation de constitution pour un autre IOB. Nous avons autorisé quatre promoteurs en bourse et deux experts évaluateurs, tout en agréant un conseiller en investissement participatif pour la mise en place d’une plateforme de crowdfunding. Au cours de la même année, nous avons lancé notre nouveau site web, au design innovant et à la navigation intuitive, offrant un contenu riche et un accès facile aux informations. Nous avons également lancé le premier portail électronique du marché financier, ainsi que le Guichet unique du marché financier, une initiative innovante qui facilite l’accès des sociétés à la Bourse. Ce guichet réunit tous les acteurs du marché afin de soutenir les sociétés souhaitant s’introduire en bourse dans un même cadre. Pour activer pleinement le rôle de ce guichet, nous avons signé une convention de coopération avec la Chambre algérienne de commerce et d’industrie (CACI), afin de diriger les sociétés vers le Guichet unique et leur expliquer les avantages du financement via le marché financier ainsi que les opportunités qu’il offre.
Comment évaluez-vous l’opération CPA une année après son lancement et quelles sont les perspectives pour 2025 avec l’arrivée de la BDL et de la startup Moustashir ?
L’opération du Crédit populaire d’Algérie (CPA) a constitué une avancée majeure et un signal fort pour notre marché financier. Elle a grandement participé à l’éducation financière des épargnants. Il s’agissait de la première introduction en bourse (IPO) en Afrique en termes de montant levé. De plus, elle a fait augmenter la capitalisation boursière de la Bourse d’Alger de 7 fois, la portant à 530 milliards de dinars.
En 2024, la valeur et le volume transigés ont connu une évolution importante, enregistrant respectivement 2,7 milliards de dinars et 1,2 million de titres, soit une augmentation de plus de 400% et 38% respectivement. L’IPO du CPA a préparé le terrain pour l’introduction de la BDL et de Moustashir. Elle a également participé à la vulgarisation du financement par la Bourse auprès des opérateurs économiques. D’ailleurs, trois emprunts obligataires ont été enregistrés au cours de la même année, suite à cette opération du CPA. Grâce aux initiatives que nous avons prises pour améliorer l’attractivité du marché, notamment avec l’installation d’un guichet unique, je crois que l’année 2025 permettra à la Bourse de jouer pleinement son rôle et de trouver sa place dans notre économie nationale. Avec les efforts de tous les acteurs du marché, nous pouvons espérer des perspectives prometteuses.
En dehors de Djezzy annoncé pour le premier semestre de cette année, devrait-on s’attendre à l’introduction d’autres entreprises en Bourse. Dans quels secteurs ?
La Bourse demeure un moyen de financement essentiel pour les opérateurs économiques, offrant de nombreux avantages par rapport aux financements intermédiaires classiques. De plus, les pouvoirs publics accordent des incitations fiscales aux sociétés qui s’introduisent en Bourse et aux investisseurs, en matière d’IBS (Impôt sur le bénéfice des sociétés) et d’IRG (Impôt sur le revenu global). Actuellement, les introductions en Bourse ont pris leur essor et le cadre réglementaire est de plus en plus adapté et incitatif. Cela est dû notamment à l’assouplissement des conditions d’introduction via le règlement 23-04. De plus, nous avons mis en place le guichet unique pour accompagner les sociétés dans leurs démarches. L’économie algérienne est en plein essor, grâce aux différentes réformes mises en place, notamment l’amélioration du climat des affaires. Cette expansion économique nécessite la mobilisation de fonds pour son financement. La Bourse dispose d’un potentiel considérable, comme le prouve le financement du CPA à hauteur de 112 milliards de dinars en un mois. Il est donc essentiel que les acteurs économiques se tournent vers la Bourse et adoptent des plans de financement diversifiés, afin d’assurer leur pérennité et leur développement durable.
Qu’en est-il de l’émission des titres participatifs ?
Le financement par titres participatifs est un mode de financement prévu depuis longtemps par le code de commerce algérien. Cependant, il n’a jamais été pleinement exploité par les opérateurs économiques, alors qu’il est particulièrement adapté à certains projets et offre de nombreux avantages par rapport à une émission obligataire ordinaire ou un crédit bancaire.
En 2024, nous avons délivré un seul visa pour une émission via ce type d’instrument, au profit de la société AOM Invest. Toutefois, nous avons reçu en fin d’année deux autres demandes d’émission émanant de PME, qui sont actuellement à l’étude par nos services.
La redynamisation du marché financier passe par la sensibilisation et l’éducation financière, quels sont les axes privilégiés dans ce cadre ? L’adhésion des investisseurs institutionnels, notamment les sociétés d’assurance, répond-elle aux attentes du marché ?
L’éducation financière et la sensibilisation représentent un enjeu clé pour renforcer la confiance des investisseurs et encourager leur participation au marché, en stimulant l’offre et la demande. Dans cette optique, la Cosob, par son rôle, joue un rôle central dans la sensibilisation et l’éducation financière. Elle s’est engagée, l’année dernière, dans plusieurs initiatives, notamment par l’organisation de campagnes d’information au niveau des universités et des wilayas, telles que celles de Annaba, Sidi Bel Abbès, Skikda et Alger. Elle a également diffusé des supports éducatifs sur les réseaux sociaux, sous forme de guides, de fiches d’information, et a réalisé certaines capsules vidéo pour aider le public à mieux comprendre le fonctionnement du marché financier. Cela constitue le premier axe. Le deuxième axe vise à renforcer les compétences des intervenants du marché, notamment par les efforts de formation que nous organisons. A cet égard, la certification des professionnels du marché financier a permis de former depuis son lancement plus de 300 cadres des institutions financières et en 2024, pour la première fois, elle a connue aussi la participation des journalistes afin qu’ils puissent également contribuer à l’effort de sensibilisation. De plus, des séminaires et des formations ont été organisés au profit des professionnels du marché, en collaboration avec l’Union arabe des valeurs mobilières et la Bourse de Tunis. Cette dynamique se poursuivra en 2025, avec l’objectif d’atteindre un public plus large, notamment dans les universités et les wilayas de l’intérieur du pays, en mobilisant les efforts de tous les acteurs. En ce qui concerne la deuxième question sur le rôle des compagnies d’assurance, qui sont reconnues dans le monde comme des fournisseuses de liquidité et participantes à l’animation des marchés financiers, leur implication sur le marché financier algérien reste encore limitée. Nous souhaitons une participation plus active de ce côté afin qu’elles contribuent davantage à la dynamisation et à la liquidité du marché.
Quel rôle pour la Cosob dans la lutte contre le blanchiment d’argent ?
La Commission d’organisation et de surveillance des opérations de Bourse (Cosob) joue un rôle essentiel dans la lutte contre le blanchiment d’argent, le financement du terrorisme et la prolifération des armes de destruction massive en Algérie, en tant que régulateur du marché financier. La loi n°2301 du 16 février 2023, modifiant et complétant la loi n° 05-01 relative à la prévention et à la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, confie à la Cosob la mission de supervision et de contrôle des intervenants du marché à cet égard.
Dans le cadre de cette loi, la Cosob a élaboré le règlement n° 24-01 du 17 juillet 2024, publié au Journal officiel n° 67, qui établit les mesures de diligence que les entités assujetties doivent mettre en place pour prévenir et détecter le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Les principales obligations imposées par ce règlement aux entités assujetties concernent notamment :
• l’élaboration d’un programme de prévention, • l’organisation de programmes de formation continue pour les employés, adaptés à leurs fonctions, afin de les sensibiliser aux risques et aux méthodes de blanchiment d’argent et de financement du terrorisme
• la mise en place de procédures de vigilance permanente, permettant à chaque employé de signaler toute opération suspecte au responsable de la conformité.
En renforçant ces obligations, la Cosob vise à aligner les pratiques du marché financier algérien avec les normes internationales en matière de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, contribuant ainsi à la stabilité et à la transparence du système financier national.
Propos recueillis par Samira Imadalou