Face à l’explosion des violences domestiques, le ministère de la Solidarité nationale, de la Famille et de la Condition féminine lance le 10.26, un numéro vert dédié aux femmes victimes d’abus. Un outil essentiel enfin mis en service alors que les chiffres dressent un tableau alarmant.
La violence faite aux femmes, loin de s’atténuer, croît à un rythme effrayant. Entre 2022 et 2023, le nombre de femmes victimes de violences a presque doublé, enregistrant une augmentation vertigineuse de 100%, selon une étude de l’Institut national de santé publique (INSP).
Aussi, le ministère de la Solidarité nationale, de la Famille et de la Condition féminine a-t-il annoncé la mise en place de son numéro vert destiné à accueillir les témoignages des victimes, les orienter et leur apporter l’aide nécessaire.
Un dispositif qui se veut un rempart contre le phénomène, une ligne de secours pour celles qui, trop souvent, souffrent en silence. Il est important de souligner que pendant longtemps, les associations d’aide aux femmes, telles que le Réseau Wassyla ou SOS femmes en détresse, étaient les seules à assurer ce service.
Disponible gratuitement, le 10.26 met en relation les femmes en détresse avec des professionnels formés à l’écoute et à l’accompagnement. Dès le premier appel, un soutien psychologique leur est proposé, ainsi qu’un conseil juridique pour comprendre leurs droits et les recours possibles.
Ce numéro devrait, par ailleurs, agir comme un véritable trait d’union vers les structures d’aide, notamment les services de santé et les associations de protection des femmes.
Dans les situations les plus critiques, où la menace est immédiate, l’appel peut déboucher sur une prise en charge directe par les services de police ou une orientation vers un centre d’hébergement.
Violence au sein du foyer conjugal
Si cette initiative gouvernementale marque un progrès indéniable, elle intervient dans un contexte où les statistiques dessinent un paysage de violences systémiques. Selon l’étude de l’INSP, 4004 femmes victimes de violences ont été recensées en 2023 dans cinq wilayas du pays, contre 2229 en 2022.
Une hausse spectaculaire qui interpelle : le phénomène s’aggrave-t-il ou est-ce les femmes qui trouvent aujourd’hui le courage de se présenter à l’hôpital. En tout état de cause, les violences se produisent, dans la grande majorité des cas, au sein du foyer conjugal. Près de 70% des femmes agressées sont mariées, et 47% des violences sont le fait du conjoint. L’espace domestique, censé être un lieu de protection, devient un terrain de brutalité où se jouent ces drames.
Plus de 60% des agressions ont lieu au domicile des victimes. Pour ce qui est de la nature des agressions, il apparaît que 96% des violences rapportées sont physiques, marquées par des coups et blessures volontaires.
Les violences psychologiques, bien que moins fréquentes (9%), laissent des séquelles profondes, oscillant entre anxiété chronique et stress post-traumatique, selon la même étude. Les agressions sexuelles, quant à elles, concernent 2% des cas, un chiffre probablement en deçà de la réalité, tant ces violences restent difficilement dénoncées.
L’étude met en lumière le fait que les victimes osent de plus en plus se tourner vers les structures médicales. Le taux de consultations spontanées après une agression est passé de 29% en 2022 à 85% en 2023, preuve que la parole commence à se libérer. Pourtant, l’accompagnement psychologique reste insuffisant : seules 9% des femmes bénéficient d’un suivi psychologique après une agression, malgré les traumatismes endurés.
Par ailleurs, si 80% des victimes reçoivent une prise en charge médicale, celle-ci reste largement focalisée sur le traitement des blessures physiques. L’étude de l’INSP permet aussi d’esquisser le profil des agresseurs.
Dans 80% des cas, il s’agit d’un homme, et dans près de 50% des situations, c’est le mari qui est en cause. Un agresseur sur trois (32%) possède un niveau d’éducation moyen, et seuls 33% d’entre eux exercent une activité professionnelle. La violence touche toutes les couches sociales, y compris celles où les femmes sont instruites.
En effet, 75% des victimes ont suivi un cursus scolaire, et 32% possèdent un niveau d’études secondaires. Selon le rapport de l’INSP, 64% des femmes agressées se rendent seules à l’hôpital pour demander de l’aide, signe d’un isolement préoccupant. Amel Blidi