Le phénomène, loin d’être nouveau, prend des formes de plus en plus subtiles, la spéculation consistant à manipuler artificiellement
les marchés dans le but d’accroître les profits de façon abusive.
A l’instar de nombreuses régions d’Algérie, la wilaya de Constantine fait face ces derniers temps à une envolée «choquante» des prix de produits de première nécessité. Parmi eux, les légumes de base tels que la tomate, qui a toujours été accessible, mais dont le prix a grimpé de façon vertigineuse et surprenante, suscitant l’inquiétude des consommateurs. Le prix de la tomate oscille désormais entre 200 et 240 DA dans les marchés de la ville. «Même en période de forte demande, la tomate n’avait jamais atteint un tel seuil. Son prix a bondi de 50% en une seule semaine», dénonce un consommateur.
Cette hausse ne se limite pas à ce produit. La pomme de terre est également touchée par la hausse. Affichée entre 120 et 130 DA, elle n’a pas connu de baisse, même après le déstockage d’importantes quantités. Celle-ci, proposée à 75 DA, est disponible dans les supermarchés, mais sa qualité est souvent décriée. Par ailleurs, chez les vendeurs ambulants installés sur les bords des routes, elle est vendue à 60 DA.
Mais cela n’arrange que les citoyens véhiculés. Cette situation, bien qu’imputable en partie aux fluctuations de l’offre et de la demande, soulève des questions quant à d’éventuelles pratiques spéculatives. A cette inflation s’ajoute, en effet, une pénurie de café, particulièrement celui en boîte de 250 g, plafonné à 250 DA, devenu rare partout. Un commerçant à Djebel Ouahch nous a confirmé que les livraisons sont désormais limitées, et la vente du café est restreinte à deux paquets par client. Au centre-ville, un torréfacteur indique qu’il n’a plus de café en vrac, mis à part le Robusta, vendu à 1700 DA le kilo.
Des appels à une stratégie concertée
Cette suite de pénuries et de hausses de prix laisse entrevoir une dynamique pernicieuse, où la spéculation semble orchestrer une inflation galopante. Le phénomène, loin d’être nouveau, prend des formes de plus en plus subtiles, la spéculation consistant à manipuler artificiellement les marchés dans le but d’accroître les profits de façon abusive.
En ciblant des produits de grande consommation, les spéculateurs exercent une pression considérable sur les prix, au détriment direct du pouvoir d’achat des ménages. Cette nouvelle vague de pénurie et de hausse des prix pose de nombreuses interrogations : qui sont les véritables acteurs de cette mécanique de spéculation ?
Quels leviers leur permettent-ils de manipuler l’offre et la demande à leur avantage ? Et surtout quelles actions doivent être entreprises pour rompre cette spirale inflationniste qui met en péril le tissu social ? Les services du commerce, quant à eux, redoublent d’efforts pour endiguer ce fléau. Durant les deux derniers mois, des contrôles ont été intensifiés. Dans le volet des légumineuses, la direction du commerce a effectué 434 interventions entre le 15 septembre et le 4 novembre, débouchant sur 18 procès-verbaux (PV) pour non-respect des décrets exécutifs relatifs aux marges bénéficiaires.
Pour le café, 510 contrôles ont été effectués entre le 20 octobre et 3 novembre, donnant lieu à un PV pour non-respect du prix plafonné. Ces opérations ont également concerné d’autres produits, avec pour objectif d’assurer leur disponibilité, malgré la persistance des pratiques spéculatives. Concernant la viande importée, les services de contrôle ont effectué 525 inspections, enregistrant 21 PV pour non-respect des marges bénéficiaires.
Cependant, ces contrôles, bien qu’indispensables, suffisent-ils à freiner cette vague spéculative ? Dans un entretien accordé à El Watan, Rachid Gouaoura, président de la Fédération du marché de gros des fruits et légumes de Constantine, a plaidé pour une véritable stratégie de concertation impliquant tous les acteurs concernés.
Selon lui, une approche globale et proactive est nécessaire pour stabiliser le marché durant les périodes transitoires entre l’été et l’hiver, marquées par une baisse de l’offre. Il préconise un plafonnement des prix et appelle à une stratégie concertée pour anticiper ces fluctuations, préserver l’équilibre du marché et éviter la panique chez les consommateurs. En effet, dans son propre magasin de détail, il parvient à maintenir le prix de la tomate sous le seuil des 180 DA, tout en respectant une marge bénéficiaire raisonnable. Un prix de ce produit au-delà de 200 DA, selon ses dires, est injustifié.