Un lundi dramatique à Béjaïa

25/07/2023 mis à jour: 04:03
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Photo : B. Souhil (Archive El Watan)

Alors qu’on pensait avoir fini avec les 29 feux de forêt de la veille, 12 autres départs de feu sont annoncés tôt dans la matinée d'hier, une journée particulièrement chaude. Le nombre de foyers est passé à 39 en fin de journée. Tous les ingrédients étaient réunis pour augmenter le risque des incendies. Le déclenchement des feux est en effet favorisé par cette nouvelle vague de canicule, marquée par des rafales de vent chaud provenant du Sud, portant la température au-delà de 47C°.

Les appels à l’aide affluent au standard de la Protection civile. C’est la panique. Dans la bouche des villageois de Fenaia, El Kseur, Toudja, Tighremt, Béni Djelil  on entend les gens, impuissants devant le chaos, prier pour ne pas revivre les affres des incendies de 2021, qui ont fait des centaines de blessées, des dizaines de morts et d’incommensurables dégâts matériels en Kabylie. Hier encore, on a assisté aux mêmes scènes d’horreur, qu’appréhendait la population locale. Le traumatisme de cet enfer est encore vivace. Les vies et les biens des habitants n’ont pas été épargnés.

A 12h, le CHU de Béjaïa, l’EPSP d’El Kseur et le centre de santé d’Adekar commencent à recevoir les premières victimes. A 17h, les services sanitaires ont dénombré pas moins de 22 morts et 194 blessés à travers les zones sinistrées dont plusieurs personnes atteintes de brûlures de 4e degré, s’apprêtant à être transférées vers le centre des grands brûlés de Draria, à Alger. Deux causes d’incendie ont été pour le moins identitées. A El Kseur, les flammes sont parties d’une décharge d’ordures, alors qu’à Akbou, c’est une ligne électrique qui a cédé sous la chaleur et est tombée par terre, lançant un feu ravageur.

Certaines victimes sont mortes dans d’atroces conditions, à l’image de cette famille de 6 membres qui s’est retrouvée piégée par les flammes dans leur véhicule près de Oued Dass. Il s’agit d’un couple avec 4 enfants dont un nourrisson qui ont été carbonisés. Le CHU de Béjaïa a réservé au moins 300 lits pour prendre en charge le maximum de blessés graves et de brûlés.

Du côté de Beni Djellil, les habitants n’avaient le choix que de quitter leurs maisons pour s’abriter plus loin dans les villes d’Amizour et d’El Kseur. D’importantes pertes économiques ont été déplorées à travers les villages touchés par les flammes, notamment, la destruction d’arbres fruitiers, des ruches d’abeilles, des poulaillers et autres animaux d’élevage. Le bilan sera lourd.

Dans l’incapacité d’engager les moyens aériens dans la matinée, à cause du vent, la lutte s’est rapidement organisée au sol autour des pompiers auxquels se sont joints les forestiers et les éléments de l’Armée nationale. Dans les villages reclus et encerclés par les flammes, les APC ont mobilisé des camions citernes et de l’outillage mis à la disposition de tous citoyens pouvant aider dans ces circonstances. La population locale a été certes d’une aide précieuse pour empêcher les flammes d’atteindre les chaumières. De son côté, l’ADE de Béjaïa a réagi en envoyant aux fronts ses camions citernes pour ravitailler les pompiers et alimenter les villages sinistrés en eau potable.

Dans une déclaration à la radio locale, le wali de Béjaïa a assuré que tous les moyens dont dispose la wilaya sont mobilisés pour arriver à bout du sinistre. Dépêché dans la wilaya de Béjaïa par le ministre de l’Intérieur, des Collectivités locales et de l'Aménagement du territoire, le Directeur général de la Protection civile, le colonel Boualem Boughelaf a supervisé le déroulement des opérations d'extinction des feux depuis le centre de commandement, installé à l'unité principale de la Protection civile de la wilaya en compagnie du wali et des responsable locaux de la PC. Au même moment, c'est-à-dire en fin de journée, les avions bombardiers d’eau ont fini par décoller après que le vent a baissé d’intensité, en sus de l’arrivée des renforts des wilayas de Sétif, de Msila et de Djelfa.

Depuis samedi dernier, la PC a mobilisé sa colonne mobile et les hommes de ses 22 unités sur plusieurs feux à travers le territoire de la wilaya. L’essentiel de «la force de frappe» des pompiers est concentrée désormais, depuis hier, sur la côte ouest de Béjaïa, sur la RN24, reliant Béjaïa à Tizi Ouzou, près des communes de Toudja, Béni Ksila et des plages de Oued Dass et Tighremt où on a recensé plusieurs blessés et des décès. 

Des vacanciers pris au piège

Parmi les victimes des incendies qui ont ravagé la côte ouest de Béjaïa, des estivants et touristes qui passent leurs vacances dans cette wilaya. Certains d’entre eux ont filmé leur situation, montrant la détresse de ces derniers, pris dans la tourmente et la panique d’un incendie qu’ils n’ont peut-être jamais vu d'aussi près de toute leur vie. Bloqués par les flammes au niveau des bungalows et des résidences touristiques, des estivants on trouvé refuge sur les plages, en attendant une hypothétique accalmie.

C’est le cas d’une famille de touristes, passant ses vacances tranquillement à l’auberge Thais, à Tighremt, une des zones les plus touchées par le sinistre. Ces derniers ont dû traverser une eau peu profonde pour se mettre en sécurité sur un rocher avant de poster des vidéos sur les réseaux en appelant à l’aide. Des bénévoles ont vite rappliqué à bord de leur propre embarcation pour secourir cette famille. Ainsi, plusieurs familles ont été évacuées par la mer, à bord de bateaux de plaisance vers le port de Béjaïa.

Une femme alarmée a signalé la disparition des 8 membres de sa famille dans la même partie du littoral. Mais l’absence du réseau téléphonique sur une bonne partie de cette zone a rendu difficile, voire impossible de les joindre au téléphone, selon elle. Moins chanceux, un jeune estivant venant de Koléa avec son père pour visiter la région de Béjaïa est décédé par asphyxie, apprend-on. Par ailleurs, la Gendarmerie nationale a fermé la RN24 à la circulation afin de libérer la voie aux secours et d’empêcher les gens de se rapprocher des foyers dangereux. N. D.

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