Tensions au Sahel : Les accusations gratuites de Bamako

04/01/2025 mis à jour: 19:06
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Photo : D. R.

Les allégations maliennes visent directement le rôle de médiateur de l’Algérie et ses relations avec les groupes armés du Nord, notamment les Touareg, qui avaient signé l’Accord de paix d’Alger.

Les relations entre l’Algérie et le Mali, historiquement marquées par la solidarité et la coopération, traversent une période de turbulences. Dans un contexte marqué par les tensions, Bamako a, le 1er janvier, accusé Alger d’«ingérence» et de «complicité avec des groupes terroristes». Ces accusations contrastent fortement avec le rôle de médiateur impartial que l’Algérie a joué pendant des décennies dans la région sahélo-saharienne. 

Dans son communiqué, le ministère malien des Affaires étrangères a dénoncé la «persistance des actes d’ingérence» de l’Algérie et l’a accusée de soutenir des « groupes terroristes». Il est allé jusqu’à affirmer l’existence d’une «proximité et complicité de l’Algérie avec des groupes armés terroristes qui déstabilisent le Mali et à qui elle a offert le gîte et le couvert».

Bamako a également souligné que «les options stratégiques pour la lutte contre les groupes armés terroristes, soutenus par des sponsors étatiques étrangers, relèvent exclusivement de la souveraineté du Mali», en partenariat avec ses voisins burkinabè et nigériens.

Pour rappel, cette coopération s’est concrétisée par la création d’une confédération trilatérale après la sortie du Mali de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao), jugée trop inféodée à la France. Aussi, Bamako a invité Alger «à cesser de faire du Mali un levier de son positionnement international». La rupture officielle de l’accord de paix d’Alger, annoncée par la junte malienne le 25 janvier 2024, a marqué un tournant.

Signé en 2015, cet accord avait longtemps été perçu comme un élément clé pour stabiliser le pays.
Les allégations maliennes visent directement le rôle de médiateur de l’Algérie et ses relations avec les groupes armés du Nord, notamment les Touareg, qui avaient signé l’Accord de paix d’Alger.

Ces groupes avaient pourtant accepté d’intégrer le cadre de réconciliation proposé, malgré les profondes divisions. En parallèle – et c’est ce qui est intriguant – Bamako insiste sur la souveraineté de ses choix stratégiques en matière de lutte contre le terrorisme, tout en soulignant son rapprochement avec le Burkina Faso et le Niger indépendamment des cadres traditionnels.

Le fait est que l’Algérie, par la voix de son ministre des Affaires étrangères, Ahmed Attaf, a réitéré son engagement en faveur de l’intégrité territoriale et de la souveraineté du Mali. Lors d’une conférence de presse tenue le 31 décembre 2023, M. Attaf a fermement rejeté les accusations d’ingérence. Il a rappelé que la position algérienne repose sur trois piliers fondamentaux, à savoir le respect de l’intégrité territoriale et de la souveraineté nationale, la primauté des solutions pacifiques et – surtout – le rejet des interventions militaires étrangères. L’Algérie a toujours considéré que les conflits africains doivent être résolus par des Africains, sans ingérences extérieures.

Lors d’une conférence de presse consacrée au bilan diplomatique de l’année 2024, Ahmed Attaf a déclaré que «la solution politique et diplomatique est la base du règlement des conflits en Afrique, comme l’ont démontré les expériences historiques». Il a ajouté que «les tensions actuelles dans la région sahélo-saharienne ne sont pas inédites», évoquant une région «souvent tiraillée entre ambitions extérieures et défis internes».

En filigrane, Ahmed Attaf a adressé une critique voilée à l’encontre de l’«Africa Corps» russe, composé en grande partie d’anciens mercenaires du groupe Wagner, qui opèrent aux côtés de l’armée malienne. Cette présence, jugée déstabilisatrice, complique davantage les efforts de médiation dans la région.

Des organisations de défense des droits de l’homme, comme Human Rights Watch, ont rapporté que les forces armées maliennes, appuyées par le groupe Wagner, ont commis de graves abus contre les civils. Aussi les accusations maliennes surviennent dans un contexte marqué par une instabilité croissante au Sahel, où la prolifération des groupes armés, les rivalités géopolitiques et les interventions étrangères rendent difficile la recherche de solutions durables. Pour Alger, la stabilité du Mali est essentielle, non seulement pour des raisons de voisinage immédiat, mais aussi pour la sécurité de toute la région sahélo-saharienne. 
 

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