Suite à une commission rogatoire délivrée par la justice algérienne : Les avoirs bancaires de Bouchouareb en Suisse gelés

01/11/2023 mis à jour: 04:06
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L'ancien ministre de l'Industie Abdessalem Bouchouareb (photo : H. Lyès/ archives=

L’ancien ministre de l’Industrie et député du RND, Abdessalem Bouchouareb, a été débouté par la justice suisse, dans son action de lever le gel sur ses avoirs d’un montant de 1,7 million d’euros, domiciliés dans une banque à Genève. La décision de geler ses fonds est intervenue, à la suite d’une commission rogatoire délivrée par la justice algérienne et lié à des soupçons de corruption sur un marché d’acquisition de canaux sidérurgiques.

 C’est ce que la presse locale a annoncé, il y a deux jours, sans donner de détails sur cette transaction. L’ancien ministre s’est opposé non seulement au gel de ses avoirs mais aussi à la transmission des documents financiers aux juges algériens, en mettant en avant «la violation des droits fondamentaux et la persécution politique de la part du gouvernement algérien». 

Les mêmes arguments que ceux avancés par l’ancien ministre de l’Energie, Chakib Khelil, devant la même juridiction, il y a quelques années, lorsqu’il s’est opposé lui aussi à la saisie de ses comptes par les autorités judiciaires suisses, avant qu’il ne soit débouté. Abdessalem Bouchouareb a quitté, tout comme Chakib Khelil, l’Algérie, au moment où le régime du défunt Bouteflika commençait à s’effondrer aux premières semaines de la contestation populaire de 2019. 

Considéré comme un influent ministre très proche de Saïd Bouteflika, frère cadet du défunt président, Abdessalem Bouchouareb a pris pour destination la capitale française où il détenait de somptueux biens immobiliers. Quelques temps après l’arrestation de son ami Ali Haddad, patron du groupe ETRHB, suivie de celle de nombreux autres hommes et surtout de Saïd Bouteflika, Abdessalem Bouchouareb, s’est installé au Liban. En tant que ministre de l’Industrie, son nom est désormais parmi ceux qui faisaient et défaisaient les affaires en Algérie. 

Déféré, pour corruption, devant le pôle financier et économique près le tribunal de Sidi M’hamed à Alger, il devait être jugé avec Saïd Bouteflika et des hommes d’affaires, Ali Haddad, Mahieddine Tahkout, parton du groupe TMC, Mourad Oulmi, à la tête du groupe Sovac, les frères Kouninef, propriétaires du groupe KouGC, Ahmed Mazouz, du groupe GMI, lors du premier procès, en début du mois décembre 2019. Un procès historique durant lequel ont défilé devant la barre deux anciens Premiers ministres, Ahmed Ouyahia et Abdelmalek Sellal, de nombreux membres de leurs gouvernements respectifs et des témoins (et victimes) à charge. 

Accusé et confondu par ces derniers, M. Bouchouareb est accusé d’avoir obtenu des pots de vin, auprès des concessionnaires automobiles mais aussi d'investisseurs auxquels il facilitait l’octroi d’assiettes foncières en contrepartie de subsides. Des accusations qui lui ont valu sa première condamnation par défaut à 20 ans de prison ferme, assortie d’un mandat d’arrêt international et la saisie de ses biens, dont une grande partie a été vendue avant sa fuite vers l’étranger.

 Il faut dire que l’ancien ministre n’en est pas à sa première affaire. En 2003, il a été éclaboussé par le scandale Khalifa Bank. Le patron de cette banque privée, Abdelmoumène Khalifa (en prison), lui avait transféré un montant de 140 millions de dinars, en contrepartie de l’hypothèque d’un terrain destiné à son usine de chips. La somme n’a jamais été remboursée et l’hypothèque, levée, alors que Abdelmoumène Khalifa était en fuite à l’étranger. Placé sous contrôle judiciaire au niveau de la cour suprême, son dossier est mis sous le coude. Abdessalem était déjà député RND de 2004 à 2014. Il grimpe rapidement les échelons, jusqu’à occuper le poste de vice-président de l’Assemblée nationale (de 2012 et 2014). 
 

9 condamnations à 20 ans de prison et 9 mandats d’arrêt 

Devenu le cadre le plus influent du RND et le plus proche de Saïd Bouteflika, il est nommé directeur de la campagne électorale pour le 4e mandat du défunt président, puis gratifié, en 2014, du poste de ministre de l’Industrie. En 2016, son nom fait encore son apparition avec le scandale Panama Papers, lié aux paradis fiscaux. Le cabinet de l’avocat Mossack Fonseca a révélé que Bouchouareb est propriétaire d’une société offshore, Royal Arrival Corp, domiciliée au Panama qui opère dans l’intermédiation commerciale avec plusieurs pays, dont l’Algérie, la Suisse et Abou Dhabi.

 Encore une fois, l’ancien ministre n’a même pas daigné justifier l’origine des fonds qui alimentaient ses comptes, notamment en suisse. En 2018, d’autres informations ont révélé l’acquisition de deux importants biens immobiliers dans l'un des quartiers les plus huppés de Paris, dont un aurait été vendu, une année après avoir quitté le pays. Le nom de Bouchouareb va être cité dans plusieurs dossiers de corruption instruits par la justice. Après la première condamnation à 20 ans de prison et le premier mandat d’arrêt international, d’autres procès vont arriver en cascade, l’impliquant directement. 

D’abord avec Ali Haddad puis avec Mourad Oulmi et son épouse, Mahieddine Tahkout, Reda Kouninef et les trois Premiers ministres, Ahmed Ouyahia, Abdelmalek Sellal et Noureddine Bedoui. En tout, huit peines maximales de 20 ans de prison, assorties chacune d’un mandat d’arrêt international sont prononcées pour des faits liés, entre autres, à l'«octroi et perception d’indus avantages», «trafic d’influence», «blanchiment d’argent», «abus de fonction», «transfert illicite de fonds de et vers l’Algérie». La neuvième et récente condamnation à 20 ans a été prononcée le 3 octobre dernier, dans le cadre du procès de l’ancien ministre, Abdelhamid Temmar, également en fuite, devant le tribunal de Sidi M’hamed, avec de nombreux autres ex-membres du gouvernement, pour des faits de corruption. 
 

Depuis sa dernière apparition, au mois d’août 2020, à la suite de l’explosion au port de Beyrouth, au Liban, qui a endommagé son appartement, Bouchouareb a disparu des radars, jusqu’à il y a quelques jours. Une information sur son présumée arrestation en France a fait le tour de la Toile et suscité de sa part une surprenante réaction. Dans une déclaration faite à un site électronique (Algerie Part), il dément son arrestation en précisant, cependant, qu’il s’est «présenté devant une brigade de la Gendarmerie française pour connaître la vérité sur les mandats d'arrêt internationaux» délivrés à son encontre par la justice algérienne.

 Il a également exprimé son «intention d’engager des procédures devant la Justice française contre ces mandats afin de faire valoir son innocence». 

Mieux encore. L’ex-ministre fugitif a affirmé que «depuis 2019, les autorités françaises ne» lui «ont jamais adressé la moindre notification officielle» pour «l'informer de sa mise en examen dans une quelconque affaire de justice» ou pour lui «faire parvenir une convocation afin de l'informer des tenants et aboutissants d'un mandat d'arrêt international». 
 

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